Tribune – NDC : Sommes-nous prêts ?

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Dans cette tribune, Alexandre Veau, Partner chez IMPACT CONSULTANTS, fait le point sur l'enjeu NDC en France : quelles sont les difficultés, promesses, quel est le niveau de préparation du marché à quelques mois de l'instauration des surcharges "GDS" d'Air France ?

Depuis sa création en 2012 par l'Association internationale du transport aérien (IATA), la norme New Distribution Capability (NDC) a été présentée comme une avancée majeure dans la distribution des services aériens. Le niveau de préparation à cette transition d’offre de services et technologique dépend de la dynamique des acteurs clés de chaque marché.

 En effet, cette évolution suscite à la fois des défis et des opportunités pour les acteurs de l'industrie du voyage. En France, le déploiement de cette norme rencontre encore des obstacles, notamment pour le voyage d’affaires,  à un manque de préparation général pour une accélération du NDC. Quelles en sont les principales raisons ? Et que reste-t-il à faire ? 

Une adoption balbutiante 

Alors que le NDC gagne en importance dans la stratégie des compagnies, l'adoption de cette norme en France reste encore limitée. Air France annonce une adoption de l’ordre de 20 à 25 % et une partie de la distribution mentionne une dégradation de l’expérience clients en sourçant le contenu NDC en l’état.

De plus, au niveau mondial, seules 34 compagnies aériennes sont certifiées au niveau 3 ou 4 de la norme NDC avec une offre actuellement partielle.  Parallèlement, plus de 450 compagnies sont distribuées de manière traditionnelle via le format Edifact des GDS.

Peu de chiffres sont partagés pour la partie voyage d’affaires. Nos différentes sources indiquent des taux proches de zéro, avec uniquement quelques agences ayant commencé à distribuer du contenu à travers NDC.

Des acteurs technologiques plus avancés, tel que Wondermiles, indiquent des volumes traités à travers NDC de quelques millions d’euros de volumes d’affaires, restant à ce stade une part minime du volume possible.

En comparaison, des agences de voyages en Angleterre ou aux Etats Unis, par exemple, annoncent des taux de conversion NDC pouvant dépasser 80%, avec des premiers  bénéfices non négligeables en termes de tarifs 

En France, une approche plus conservatrice

Différents facteurs expliquent que le marché français n’est pas encore leader sur cette transition : l’approche d’Air France, la plus grande fragmentation du contenu, et un aspect culturel.

Du fait de sa part de marché, Air France donne le rythme dans l’Hexagone, à la fois sur le niveau d’accompagnement de la distribution, sur le niveau d’avancement technologique, sur les évolutions de rémunération et sur le calendrier de déploiement. 

AF a décidé d’adopter une approche intermédiaire, repoussant les échéances de lancement de NDC comme source progressivement unique. Les choses évoluent avec des progrès technologiques internes et avec les acteurs technologiques notables et une volonté de maintenir un agenda de déploiement, que traduisent  les étapes déjà réalisées sur la partie loisir. L’échéance de janvier pour le voyage d’affaires sera donc une réalité.

En comparaison d’autres pays, la France souffre d'une fragmentation plus forte du contenu des fournisseurs. Au besoin de confirmer la meilleure façon d’accéder au contenu aérien format NDC (GDS traditionnels, direct connect, ou à travers des nouveaux acteurs technologiques), il faut également considérer le manque d’intégration d’une partie non négligeable des billets de train, avec une offre Ouigo pas encore offerte aux TMC, sauf cas exceptionnels.

Enfin, c’est notre avis, une vieille habitude française : avant de devenir leader, une forte résistance au changement.

Une grande partie s’explique par l’accumulation actuelle de facteurs non favorables pour les agences de voyage : la basse rémunération des fournisseurs, des mix produits moins rémunérant, une fragmentation de l’offre entraînant des pertes de productivité, des coûts technologiques intermédiaires, des ressources plus rares et plus chères, l’attention des clients sur les tarifs

Comment être prêt pour l’échéance de janvier ?

Tous ces obstacles nécessitent un partenariat pour mener à bien cette transition, la mise à plat de l’apport de valeur apportée par les agences, ainsi que des modèles de rémunération associés.

C’est pourquoi les partenariats entre compagnies aériennes, acteurs technologiques et agences de voyages doivent se renforcer pour faciliter une adoption plus large du NDC. Amex GBT a, par exemple, mis en avant la nécessité d’une coopération étroite entre les différents acteurs en proposant une notion de MMP (“Minimum Marketable Product”) regroupant 162 cas à couvrir pour garantir une bonne expérience clients.

Air France a également créé des comités de suivi réguliers avec les différents acteurs technologiques afin d’améliorer les points de tension impactant les agences. Les principaux réseaux d’agences de voyages s’équipent également de plans de formation et d’options technologiques pour leurs membres.

La mise à plat des modèles de rémunération des agences reste un sujet épineux, car il apparaît clairement que le client corporate va être impacté sur le coût de distribution et va attendre en contrepartie un apport de service différent de celui apporté historiquement. Le réseau Manor avait mis ce sujet au centre de son dernier congrès en novembre dernier. Ce point reste ouvert pour la plus grande partie des agences.

Nous restons confiants dans le fait qu’avec un effort collectif, l’aspect purement technologique va continuer à progresser pour apporter progressivement les apports attendus de cette nouvelle norme.

La partie “gestion du changement” va être la clé pour les agences de voyage avec des décisions et des discussions importantes restant à mener : le choix du partenaire technologique à la fois sur les réservations offline et online, le positionnement de l’agence sur son apport de valeur et sa capacité à proposer des nouvelles offres, un changement de méthode en interne, et une mise à plat du modèle de rémunération avec les clients passant par la transparence.

 L’agenda est donc certes chargé pour les agences n’ayant pas initié ces chantiers, mais une approche volontariste est indéniablement la gagnante. Il reste encore 5 mois !