Une révolution en marche (sur les frais de transaction) ?

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Christophe Drezet, directeur associé au sein d’EPSA GROUPE conseille les entreprises sur les tendances du moment. Dans cette tribune, il nous évoque l’impact de la crise de la Covid-19 sur le métier de travel manager.

Dans une précédente chronique, j’évoquais la recherche d’un nouveau modèle tarifaire, un besoin de sécuriser les revenus pour les fournisseurs tout en apportant plus de transparence aux acheteurs et des services personnalisés aux voyageurs. Avec la crise du COVID-19, nous observons que certains acteurs tentent de saisir l’occasion pour enclencher cette révolution.

En effet, la perte d’activité et de revenus pour l’ensemble du secteur a été catastrophique et le besoin en sécurisation des revenus se fait d’autant plus fort.

Le modèle forfaitaire

Devenu le saint Graal de nombreux business model, de la téléphonie aux plateformes de vidéos/musique en ligne, en passant par la livraison prioritaire, le modèle forfaitaire est en passe de s’affirmer dans le voyage d’affaires. Déjà fortement utilisé par les éditeurs d’outils, il est maintenant proposé par certaines agences de voyages.

Concrètement, il s’agit d’un abonnement (mensuel, trimestriel ou annuel) pour bénéficier des services de l’agence de voyages. Cet abonnement pouvant être lié à un nombre d’utilisateurs du service ou d’un volume de dossiers traités.

Du point de vue TMC, l’avantage est certain : bénéficier d’une rémunération fixe et régulière permettant de sécuriser. Côté client, la budgétisation du service est facilitée mais au détriment de la transparence des prestations payées.

Une révolution en marche ?

Pour l’heure il est trop tôt pour le dire et seule une adoption générale à ce modèle forfaitaire pourrait nous permettre de l’affirmer. Encore qu’à ce stade, nous pourrions observer qu’il s’agit tout simplement d’un retour à un modèle passé, celui du « management fee » remplacé il y a quelques années par le modèle aux frais de transaction.

Nous serions face à une révolution dans le sens physique du terme qui est de revenir au même point par rapport à un point donné. La mise en place de ce nouveau modèle forfaitaire devrait donc apporter une valeur ajoutée forte au risque d’être remplacé à son tour.

Pour cela, les trois éléments évoqués précédemment semblent clés :

1/ La sécurisation des revenus

Dans le système actuel, la spécificité du métier d’agence de voyages implique dans un contexte de COVID-19 sans déplacement professionnel qu’il n’y a pas de rémunération pour les TMC.

Un système d’abonnement « classique » n’y changerait rien, car lié à un nombre d’utilisateurs actifs du service ou du volume de dossiers traités. Une solution serait d’appliquer un abonnement modulable lié au nombre d’employés de l’entreprise comprenant un tarif pour les utilisateurs actifs et un tarif réduit pour les utilisateurs inactifs. Une rémunération (réduite) serait ainsi toujours reversée à la TMC même en cas d’absence de déplacements.

2/ La transparence de frais

C’est la force du modèle au frais de transaction qui permet d’identifier facilement les prestations payées. Néanmoins, cela entraine une complexité avec un coût fluctuant selon les prestations, les services additionnels et les modes de réservation utilisés.

Le modèle forfaitaire pourrait apporter une simplification au travers d’un package de services et de solutions inclus dans l’abonnement proposé avec en parallèle un système de bonus et de prestations offertes. En effet, à défaut de pouvoir comparer aisément les deux modèles (transactionnel et forfaitaire), l’acheteur devra à minima démonter des économies potentielles.

3/ Des services personnalisés aux voyageurs

Il s’agit ici de poursuivre les efforts déjà réalisés par les agences de voyages sur la digitalisation de l’expérience voyageur au travers d’application mobile, de chatbot, de messagerie instantanée et d’assistance en cas d’imprévu.

En complément, les voyageurs pourraient être impliqués davantage grâce à un système de partage d’économies intégré au modèle forfaitaire. Les économies étant partagées entre l’agence, l’entreprise et les voyageurs sur la base d’un respect plus précis de la politique de voyages (utilisation des contrats négociés, anticipation des réservations…) et d’optimisations tarifaire des réservations par l’agence. Cette solution ayant pour but d’encourager les voyageurs dans un comportement vertueux tout en préservant la trésorerie de l’entreprise. À ce modèle forfaitaire, nous intégrerions également un quatrième élément :

4 / La dimension RSE

Préoccupation majeure dans notre société aujourd’hui à laquelle le marché du voyage d’affaires doit prendre part. D’autant plus que les voyages d’affaires représentent une des principales sources d’émissions de CO2 des entreprises. Encourager les réservations vers des fournisseurs éco-responsables pourrait être un indicateur complémentaire à intégrer dans le partage d’économies décrit précédemment. Autre possibilité pour intégrer cet objectif serait de reverser une part de l’abonnement à un programme de compensation des émissions de CO2 ou tout autre association allant dans ce sens.

Pour conclure, bien qu’une évolution de pricing soit un jeu à somme nulle dans la rémunération d’un service qui serait identique quel que soit le modèle, de nombreuses possibilités existent pour une (r)évolution à même d’être bénéfique pour l’ensemble des acteurs du marché et de la société grâce à un modèle forfaitaire innovant.

À tous je vous souhaite de bonnes vacances, prochain article en septembre, il sera question de stratégie achats responsable.