Depuis 8 années, Visamundi simplifie les formalités de voyage pour les particuliers et les professionnels. Tour d’horizon des contraintes aux frontières avec son CEO, Sébastien Couix.
Quel est l’axe différenciant de Visamundi ?
Sébastien Couix : C’est certainement notre appétence technologique qui nous a d'ailleurs valu un prix décerné à l’IFTM en 2021. Nos partenariats avec les entreprises sont de différentes formes, jusqu’à la plus intégrée où nous sommes connectés au SBT utilisé par leurs collaborateurs et où le paiement du visa se fait en même temps que celui du vol ou de l’hôtel. On agit comme une sorte de conciergerie qui enlève de l’anxiété.
Vous parlez d’anxiété et, effectivement, quasi tous les voyageurs fréquents ont une mauvaise expérience avec les demandes de visa. Comment l’expliquez-vous ?
La tendance des ambassades est à la digitalisation des démarches (même si des démarches résiduelles, rares, nécessitent la présence du requérant). Mais elles le font de manière désordonnée, sans aucune coordination : il n’y a pas deux pays qui réclament les mêmes procédures en la matière. Notre job, c’est d’être un entonnoir : de créer de l’uniformisation là où il n’y en a pas. Les procédures sont différentes, mais aussi les documents nécessaires ou les délais requis - et ceux-ci changent sans cesse : de la quasi instantanéité à des délais beaucoup plus longs comme pour l’Arabie Saoudite en ce moment, pour parler d’une destination business.
Défiance anti-française en Afrique sub-saharienne, guerre en Ukraine, crise au Moyen-Orient... En quoi ces événements impactent les demandes de visas business ?
Notre activité selon les régions du monde est effectivement dépendante des fluctuations géopolitiques. Il y a toujours du business travel en Afrique sub-saharienne mais moins, c’est vrai. Mais le gros de notre activité sur cette zone est du voyage affinitaire, peu sensible à cette actualité “anti-française”. Pour la Russie et l’Ukraine, les visas touristiques sont évidemment en chute libre depuis février 2022 mais le voyage corpo n’a jamais cessé. Et après une baisse significative au début du conflit, il est en train de retrouver progressivement ses niveaux antérieurs. Pour le Moyen-Orient, la baisse des voyages est réelle, à l’exception notable de l’Arabie Saoudite. Mais au global, depuis la fin de la crise pandémique et après la période de travel revenge, on observe peu de variations sur les vols longs courriers.
En termes d’obligations aux frontières, l’Europe va aussi bientôt connaître des changements…
L’EES (Entry Exit System) a été repoussé sine die - on parle aujourd’hui d’une mise en place au printemps 2025, mais il n’est pas sûr qu’il va concerner toute personne entrant ou sortant de l’UE. En revanche, ce qu’il y a de sûr, c’est que ce sera le cas pour l’ETIAS (l’équivalent européen de l’ESTA étatsunien) qui va entrer en vigueur en avril 2025. Je note d’ailleurs que de nombreux travel managers ne sont pas au courant alors que ça va révolutionner le voyage en Europe.
Et l’Europe, ce n’est pas que l’UE : il y a le Royaume-Uni aussi…
Oui, et c’est le double effet de mesures qui vont être mises en place en même temps : l’ETIAS pour l’UE, donc, mais aussi l’ETA pour le Royaume-Uni, en avril 2025 également. Et cette procédure sera mise en place y compris pour le transit ! On comprend que les aéroports britanniques soient vent debout contre cette inclusion du transit dans la procédure ETA.
La zone Europe est l’une des plus ouverte au monde et pourtant elle se renforce à ses frontières. C’est donc un mouvement global ?
Oui : il y a une volonté accrue d’obtenir des informations sur ceux qui franchissent leur frontière de la part des Etats. Et, comme je le disais, ils tentent de compenser par la digitalisation des démarches mais sans uniformisation… Et encore ! Les Français ont, après les Singapouriens, ceux qui en souffrent le moins, vue la “qualité” de leur passeport.
Je reviens au cas européen… Eurostar, avec qui nous échangeons, se retrouve pris entre l’ETIAS et l’ETA, sans compter le contrôle aux frontières réinstauré en France (comme en Allemagne et aux Pays-Bas) depuis le 1er novembre 2024. Or l’ETIAS et l’ETA émanent de deux entités souveraines : ça ne peut pas être unifié. Ce sont de nouvelles complications et autant de frictions dans le voyage au sein de l'espace européen.
Au moins est-on désormais allégé de contrôles sanitaires comme lors de la pandémie… Quoique certains pays ont peut-être maintenus certaines mesures de ce type ?
Peu de temps après le Covid et jusqu'au début 2024, il y avait le visa chinois avec empreintes digitales (non pas dans le sens de “numérique” mais vraiment “des doigts” !), qu’on ne pouvait faire que dans quelques établissements en France et en Chine, car il y avait réciprocité, ce qui est lunaire à notre époque ! Pendant le Covid, on avait même besoin de certifications sanitaires pour revenir dans son propre pays. Ce genre de choses c’est derrière nous. Mais des réflexes sont restés : certains pays, pris de panique, comme Brunei, ont remis en place des process similaires, cet été, en lien avec la variole du singe...
Et il est vrai que certaines formalités “Covid” ont été pérennisées jusqu'à aujourd’hui en changeant de nom et en adaptant les questionnaires. C'est ce qu'a fait la Colombie avec le “check MIG” sur l’historique de voyage pour les arrivants.
Et toutes ces informations qu’on fournit, que deviennent-elles ?
C’est effectivement une question stratégique pour les voyageurs d’affaires et leur sécurité. Nous, on peut dire : “ça c’est nécessaire, ça non”. Et être en capacité de savoir ce que deviennent ces données. Ce qui n’est pas un détail même s’il n’y pas de mauvaises intentions au départ. Un exemple : mi-octobre, il y a eu une énorme fuite dans le service des visas électroniques d’Indonésie… 8% d’entre elles dans la nature.