WhatsApp et NDC, tels sont les deux sujets « technologiques » majeurs sur lesquels est revenu le Vice-président et directeur général France d’American Express Global Business Travel, dans le cadre d’une interview qu’il nous a accordée au cours du dernier EVP.

Les TMC doivent aujourd’hui gérer des crises qui se succèdent à un rythme soutenu…
Yorick Charveriat : Nous avons navigué pendant des années dans un environnement finalement assez facile. On savait plus ou moins quel serait son niveau d’activité tout au long de l’année. En termes d’effectif, on pouvait presque anticiper les périodes de grèves. Ce n’est plus le cas depuis la crise sanitaire. Et la digitalisation apparaît comme l’une des solutions pour gérer les pics d’activité. Avec l’explosion du variant Omicron par exemple, presque du jour au lendemain en fin d’année dernière, nous sommes passés de 4 000 appels par jour à 8 000. Avec comme conséquence des temps d’attente rallongés. Nous sommes allés voir nos clients, pour leur conseiller d’annuler leurs billets via un chat plutôt que de nous appeler.

Nous avons en effet été le premier pays dans le monde, au sein d’Amex GBT, à lancer ce service sur Whatsapp, fin novembre dernier. Et nos clients l’ont vraiment utilisé. Depuis Omicron, nous avons ainsi enregistré environ 5% d’appels en moins, ce qui peut paraître assez peu mais soulage vraiment le service. Nous espérons désormais un effet boule de neige. Mais cette bascule n’est pas l’affaire de tous. Elle répond en effet, bien souvent, à une politique d’entreprise. Certains ne veulent pas de WhatsApp, notamment les grands groupes, parfois réfractaires pour des questions de confidentialité.

Vous êtes-vous fixé des objectifs de réduction du nombre d’appels ?
Aujourd’hui, le quart des appels que nous recevons sont des demandes de modifications. Pour le rail notamment, on ne pouvait pas modifier online un billet émis. C’est désormais possible depuis quelques jours avec Neo (l’outil de réservation en ligne propriétaire d’Amex GBT, ndr). Nous espérons à terme diminuer au moins de moitié ces appels pour des modifications. Avec nos outils, les clients s’évitent des transactions off-line, surtout les nouvelles générations qui n’ont aucune envie de passer des coups de fil. Plus besoin dès lors de renforcer les équipes sur les pics d’activité, ce qui nous permettra au passage de réaliser des économies.

L’autre gros sujet technologique du moment c’est bien sûr NDC…
Nous travaillons beaucoup sur ce nouveau format. Les investissements sont énormes, depuis des années. Il ne faut pas se louper. NDC va en effet apporter beaucoup de valeur. Mais il faut le faire dans les règles de l’art. Ce format est resté pendant assez longtemps un concept assez flou. Nous avons investi dans Neo pour que ça marche. Mais l’impact reste fort sur le offline, d’autant que nos agents doivent utiliser un nouvel outil sur Amadeus. Ainsi, il faut appeler quand on a fait une réservation en ligne et qu’on souhaite la modifier. Sur six trajets étudiés récemment, nous avons constaté 67% de temps de discussion en plus sur NDC que sur le GDS classique.

Nous étions donc assez fondés pour aller voir Amadeus et Air France. D’abord pour leur dire qu’on y croyait, que de nombreuses personnes y travaillaient dans l’entreprise. Mais nous leur avons aussi demandé un certain nombre de développement sur le court, moyen et long terme, pour que l’outil fonctionne. Je suis allé leur expliquer aussi l’impact que cela allait avoir, non pas seulement pour eux mais aussi pour nous. J’ai calculé qu’il fallait que nous embauchions 83 «équivalent temps plein» pour palier la différence de qualité de service. Nous avons ainsi pu obtenir d’Air France le report de la taxe GDS (13 euros par segment, ndr) prévue à partir du 1er mai.

La compagnie aérienne l’a en effet reporté récemment au 30 septembre. Est-ce une date plus réaliste ?
Il y a encore beaucoup à développer. Et je rappellerais qu’il faut aussi former tous les collaborateurs une fois les développements réalisés. Les agents de voyages basculent sur un environnement graphique. Et il faut créer les outils de formation. Air France, heureusement, sait se mettre à notre place. Nous avons avec eux une vraie relation de partenariat. Mais celle-ci est liée aussi au fait que nous leur avons précisement décomposé toutes les étapes à franchir, les 172 points à travailler, plus ou moins compliqués, répartis entre Air France et Amadeus. Pour avancer plus rapidement, nous faisons des points de passage toutes les semaines avec les deux entreprises.

Avec NDC, on comprend bien l’intérêt des compagnies aériennes, pas toujours celui des TMC…
Il y a en effet un double enjeu du côté des compagnies aériennes, baisser les coûts de distribution et diffuser un contenu enrichi. Nous croyons nous aussi à NDC et pas aux subterfuges pour contourner le format. L’intérêt pour la TMC ? A terme, selon les négociations nouées avec telle ou telle compagnie aérienne, chacune d’elle pourra avoir accès à un contenu que les autres n’auront pas. C’est par exemple le cas de Lufthansa qui applique depuis longtemps une taxe GDS. Nous avons noué l’an dernier un accord d’exclusivité permettant à nos clients Neo en Allemagne d’avoir accès au NDC de la compagnie et aux «light fares». Notre intérêt à terme ? Le nouveau format, si on arrive à bien gérer ce virage, sera un facteur de différenciation fort.