Willie Walsh à l'Assemblée générale du BAR. (Ph. DKP)
L’Association du transport aérien international (IATA) a dévoilé ses dernières prévisions financières pour 2025, à l’occasion de son assemblée annuelle à New Delhi. Selon elle, l’industrie aérienne mondiale devrait voir sa rentabilité progresser malgré un contexte économique et géopolitique particulièrement incertain. Le secteur table sur 36 milliards de dollars de bénéfices nets, mais ne dépassera pas les 5 milliards de passagers initialement prévus.
L’année 2025 sera une année record pour le transport aérien, mais IATA revoit ses prévisions à la baisse. Si l’association anticipait 5,22 milliards de passagers fin 2024, la fréquentation des avions ne devrait pas dépasser les 4,99 milliards. Un chiffre qui reste en deçà des premières prévisions de l’IATA pour 2025, mais qui surpasse 2024 de +4%. Financièrement, les compagnies aériennes mondiales devraient néanmoins dégager des bénéfices nets de 36 milliards de dollars en 2025, contre 32,4 milliards de dollars en 2024. Cette amélioration se traduit par une marge bénéficiaire nette qui passe de 3,4% à 3,7%, tandis que les recettes totales franchissent pour la première fois le seuil des 979 milliards de dollars, soit une hausse de 1,3%. Selon Willie Walsh, directeur général de l’IATA : « Le premier semestre 2025 a apporté des incertitudes importantes sur les marchés mondiaux ». Face aux délégués de l’IATA, le dirigeant n’a pas nommé le président américain Donald Trump, qui a déclenché une offensive de droits de douane début avril. Comme le rapportent nos confrères de l’Echo Touristique, le dirigeant s’est contenté de rappeler que le secteur souffre toujours d’une chaîne d’approvisionnement grippée et « pour éviter d’aggraver encore la situation », appelle à épargner le secteur aérospatial « des guerres commerciales ».
Le principal moteur de cette performance financière réside dans la baisse du prix du carburant, attendu en moyenne à 86 dollars le baril en 2025, contre 99 dollars l’année précédente. Cette chute de 13% génère une économie de 25 milliards de dollars sur la facture énergétique, compensant l’impact du ralentissement de la croissance économique mondiale. « Les perspectives sont essentielles pour mettre en contexte ces chiffres élevés agrégés à l’échelle de l’industrie. Des profits de 36 milliards $ sont considérables. Mais cela ne correspond qu’à 7,20 $ par passager par segment de vol. C’est une marge mince, et toute nouvelle taxe, augmentation de frais aéroportuaires ou de redevances de navigation, tout choc de la demande, toute réglementation coûteuse, viendront mettre à l’épreuve la résilience de l’industrie », a néanmoins prévenu Willie Walsh.
Le voyage d’affaires fait preuve de résilience
Concernant le segment du voyage d’affaires, 85% des répondants s’attendent à subir les contrecoups économiques des tensions commerciales internationales mais, 68% des voyageurs d’affaires prévoient paradoxalement d’intensifier leurs déplacements professionnels pour maintenir le contact avec leur clientèle. Plus significatif encore, 65% d’entre eux affirment que ces tensions géopolitiques n’influeront pas sur leurs habitudes de voyage.
L’Europe en position de leader
Sur le plan régional, l’Europe s’impose comme la grande gagnante de cette reprise, affichant les perspectives les plus prometteuses avec des bénéfices nets projetés à 11,3 milliards de dollars en 2025, soit +17,7% par rapport à l’exercice précédent. Cette performance s’appuie sur une demande passagers particulièrement dynamique (+6% en kilomètres-passagers payants), alimentée par l’essor continu des compagnies à bas coûts et la remise en service progressive d’aéronefs précédemment immobilisés pour des problèmes de motorisation.
Les transporteurs européens bénéficient également de l’ouverture de nouveaux marchés grâce aux accords de ciel ouvert conclus entre l’Union européenne et les pays d’Afrique du Nord. La marge nette européenne devrait ainsi atteindre 4,3%, générant 8,9 dollars de profit par passager.
Des défis structurels majeurs persistent
Toutefois, l’industrie sera confrontée à des obstacles structurels de taille. La chaîne d’approvisionnement aéronautique traverse une crise sans précédent, avec plus de 17 000 appareils en retard de livraison, équivalant à 14 années de production. Cette situation exceptionnelle a conduit à l’immobilisation de plus de 1 100 appareils de moins de dix ans.
La transition énergétique constitue un autre défi majeur pour le secteur. Malgré un doublement de la production par rapport à 2024, les carburants d’aviation durables (SAF) ne représenteront encore que 0,7% de la consommation totale en 2025. Leur coût 4,2 fois supérieur au carburant traditionnel, selon IATA, constitue un frein considérable, particulièrement en Europe où les « frais de conformité » réglementaires alourdissent encore la facture. « Le comportement des fournisseurs de carburant pour satisfaire les obligations relatives aux SAF est scandaleux. On estime que le coût associé à l’élimination des émissions nettes de carbone d’ici 2050 s’élèvera à la somme gigantesque de 4700 milliards $. Les fournisseurs de carburant doivent cesser de profiter de la faible quantité de SAF offerte et augmenter la production pour répondre aux besoins légitimes de leurs clients », a tenu à préciser Willie Walsh.
Malgré ces contraintes opérationnelles, l’industrie aérienne conserve la confiance de sa clientèle. Selon le rapport de l’IATA, 97% des passagers se déclarent satisfaits de leur expérience de voyage, tandis que 90% considèrent l’aérien comme une nécessité de la vie moderne. Sur le sujet de la décarbonation, 81% des voyageurs font confiance à l’industrie pour atteindre ses objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050.