Aérien : IATA interpelle les agents de voyages et autorités de régulation

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Alexandre de Juniac, directeur général de l’Association du transport aérien international (IATA) est convaincu que la meilleure solution, pour les compagnies aériennes comme pour les agences de voyages, est que les autorités de régulation assouplissent leurs exigences de remboursement et permettent aux compagnies aériennes de remettre plutôt des bons de voyage.

Jean-Pierre Mas, le président des EDV (Entreprises du Voyage), a publié un communiqué de presse ce lundi 6 avril, dans lequel il rappelle l’intransigeance hautaine et dédaigneuse dont IATA a toujours fait preuve à l’égard des agences de voyages. «Notre action vise à contraindre IATA à mettre en œuvre un système de garantie afin de protéger les agences de voyages au cas de défaillances (malheureusement probables) de compagnies du BSP.».

Dans un contexte de crise gravissime pour le secteur du transport aérien, les compagnies affirment par ailleurs qu’elles sont dans l’incapacité de rembourser les billets non-utilisés, et qu’il est dans l’intérêt de tous de remplacer le remboursement par des avoirs. Mais une telle décision n’est pas sans conséquences pour la trésorerie des agences, qui doivent en prime continuer de payer le BSP… De plus, le remboursement en bons de voyages ne concerne que les voyages à forfait et non les vols secs en France.

Alexandre de Juniac, directeur général de l’IATA, en appelle ainsi à un assouplissement des exigences des autorités de régulation, dans une Lettre ouverte à la communauté des agents de voyages, qui nous publions in-extenso ci-dessous :

« L’industrie aérienne mondiale traverse la pire crise de son histoire. L’épidémie de COVID-19 et les fermetures de frontières et restrictions de mobilité ordonnées par les gouvernements ont mis en arrêt le transport aérien. Le tiers de la flotte mondiale est en stationnement, et nous estimons que les recettes de ventes de billets vont chuter de 44 % cette année, comparativement à 2019. Il n’y a tout simplement pas de précédent à ce que vivent nos membres et vous-mêmes, nos partenaires agences de voyages.

En tant qu’opérateur des systèmes de règlements financiers de l’industrie, qui en temps normal traitent des fonds de l’industrie de plus de 1,25 milliard $ par jour, l’IATA assume l’énorme responsabilité du maintien de la sûreté et de l’intégrité de ces systèmes dans un contexte où les fonds sortent beaucoup plus qu’ils n’entrent.

En même temps, nous savons que nos membres et nos partenaires d’affaires comptent sur nous pour comprendre les défis extraordinaires auxquels ils font face et faire preuve de la plus grande flexibilité dans ces circonstances. Nous faisons de notre mieux pour répondre à ces attentes sans mettre en danger la viabilité de ces systèmes qui constituent l’épine dorsale de l’industrie.

Pour les agents de voyages, cela suppose d’accepter que les règlements soient effectués un peu plus tard, sans pénalités. Bien que les périodes de remise soient demeurées conformes aux calendriers des BSP, nous adoptons une approche flexible et les données préliminaires le confirment, puisque les taux de défaut de 2020 sont légèrement inférieurs à ce qu’ils étaient il y a un an, malgré les pressions sur le système en 2020.

De plus, nous permettons aux agents de continuer à vendre des billets, en utilisant des méthodes sûres, même s’ils accusent des retards dans les remises. Nous reconnaissons aussi que dans l’environnement actuel, il peut être difficile, voire impossible, de faire réaliser des audits financiers ou d’organiser des garanties financières, et nous offrons d’étirer d’un mois les délais pour le dépôt de ces déclarations.

L’IATA demeure ouverte aux suggestions sur les façons de mieux réagir dans ces domaines. Toutefois, en ce qui concerne la retenue par des compagnies aériennes des remboursements de billets dans les BSP, ou la délivrance de bons de voyage en remplacement des remboursements, je crains que le message que j’ai à livrer ne soit pas de nature à plaire. Notre industrie vit une crise de liquidité critique. La plupart des compagnies aériennes décaissent davantage pour le remboursement aux passagers qu’elles ne reçoivent en nouvelles réservations. Nous avons récemment évalué que les dettes de l’industrie à ce titre sont aux alentours de 35 milliards $. Dans ce contexte, le besoin le plus urgent des compagnies aériennes est de préserver leurs liquidités pour payer les salaires et assumer leurs coûts fixes. Il est pratiquement impossible pour les acteurs de l’industrie de trouver suffisamment de moyens financiers pour maintenir la chaîne de valeur du transport aérien durant la courte période qui sépare les compagnies aériennes de la faillite.

Dans ce contexte, nous croyons que la meilleure solution, pour les compagnies aériennes comme pour les agences de voyages, serait que les autorités de régulation assouplissent leurs exigences de remboursement et permettent aux compagnies aériennes de remettre plutôt des bons de voyage. Ces bons peuvent être gérés par le Plan de facturation et de règlement de l’IATA (BSP) par le biais de processus et procédés déjà existants. Cela soulagerait les agents de la pression associée au remboursement de ces sommes à un moment où les compagnies aériennes prennent des décisions en fonction de leur besoin de préserver leurs réserves de trésorerie. L’IATA est disposée à en discuter de façon ouverte et collaborative avec la communauté des agents de voyages représentée au Conseil mixte mondial du Programme des agences de passagers (PAPJGC), en vue d’élaborer un processus visant ces bons, qui sera bénéfique pour les compagnies aériennes, les agents de voyages et les consommateurs.

Nous remercions les régulateurs du Canada, de la Colombie et des Pays-Bas qui ont reconnu la nécessité de cette approche et nous espérons que d’autres gouvernements en feront autant.

Bien que je sache que cette réponse n’est pas celle que vous souhaitez entendre, il est important que vous compreniez que l’IATA déploie tous les efforts pour trouver une solution à ce problème, qui nous permettra de résister et d’aller de l’avant. Les gens veulent voyager, pour élargir leurs horizons et établir et maintenir les liens. L’industrie vit des jours sombres, mais nous sommes résilients, et nous allons traverser cette épreuve ensemble. »

Alexandre de Juniac
Directeur général et chef de la direction Association du transport aérien international