Les comportements des voyageurs, dans le cadre des déplacements professionnels, vont « structurellement » changer après la crise sanitaire, selon une étude et un rapport publiés par les cabinets de conseil Roland Berger et AlixPartners.
L’avenir du secteur aérien se dessine en pointillé. Avec sous-jacentes les inquiétudes portant sur le segment Affaires, très important pour les compagnies aériennes : il représente en moyenne 20 à 30% de leurs passagers et 50 à70% des recettes.
Ainsi, selon une récente étude menée par Roland Berger auprès de quelque 7.000 voyageurs en Chine, aux Etats-Unis et en Europe (Allemagne, France et Royaume-Uni), afin de connaître leurs intentions de voyages après l’épidémie, une majorité d’entre eux envisagent de réduire leurs déplacements professionnels. Didier Bréchemier, responsable du transport aérien au sein du cabinet de conseil en stratégie, estime notamment cette réduction de l’ordre de 21 % à 24%, et ajoute qu’elle « concernera davantage l’avion que les autres modes de transport« . L’étude anticipe le développement du bleisure et des déplacements moins loin et plus longs qu’avant la crise. Et le long-courrier – le plus rémunérateur pour les compagnies – ne devrait pas retrouver ses niveaux d’avant-crise avant 2026.
Les résultats d’un récent rapport signé AlixPartners sont très proches. Ils tablent sur une baisse « structurelle » de 15 à 25 % des déplacements professionnels jusqu’en 2025, par rapport à la période pré-Covid. Pascal Fabre, directeur associé du cabinet de conseil à Paris, table sur un « effet durable » du travail hybride et de la réduction des dépenses des entreprises en matière de voyages. Et de rappeler que la baisse des déplacements professionnels correspond d’abord à celle des réunions internes – 40 % environ des voyages d’affaires, davantage remplacée par la visioconférence – plutôt qu’aux voyages associés à la relation client et à la prospection commerciale.
Pour les deux cabinets de conseil, les compagnies aériennes vont devoir tenir compte de cette nouvelle réalité, probablement refondre leur réseau aujourd’hui structurellement organisés autour des hubs, reconfigurer leurs cabines et réduire la taille de leurs classes affaires. Et Pascal Fabre, avec la baisse de la demande et des revenus des compagnies, de s’attendre dans le même temps à un risque élevé de « lutte pour les parts de marché » et de « guerre des prix« .
Plutôt qu’une baisse de la demande, le cabinet Roland Berger anticipe plutôt une demande « différente, les passagers rechercheront des compagnies aériennes respectueuses de l’environnement ». Selon une enquête Ifop publiée cette année, plus de la moitié (55 %) des personnes interrogées se déclaraient d’ailleurs prêtes à « choisir leurs vols et destinations de voyage en fonction des émissions et impact carbone des avions« . Mais les efforts engagés par le secteur du transport aérien pour réduire fortement les rejets de CO2 ne porteront, pour certains d’entre eux, leurs fruits que dans dix ou vingt ans. Et les compagnies craignent qu’un certain désamour de l’avion ne s’installe durablement. De nombreuses études témoignent d’ailleurs d’une volonté croissante, tous âges confondus, de consommer moins de transport aérien pour des raisons écologiques.
Le phénomène est bien sûr perçu dans les entreprises, et notamment chez les collaborateurs les plus jeunes. Mais les spécialistes du secteur notent aussi que les actes, chez ces derniers, sont loin de toujours s’accorder à leurs propos… Et de nombreuses compagnies, dont certaines communiquent déjà habilement auprès de cette cible sur la compensation carbone, de noter une hausse de la part des jeunes dans leurs avions ces derniers mois ! Un art du compromis pourraient bien pousser ceux-ci à accepter les voyages en avion dans le cadre professionnel, au détriment surtout des courts séjours loisirs type week-ends à Rome ou Barcelone. La prochaine étude, à ce titre, sera instructive…