Confinement et aérien : on n’en peut plus !

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Jean-Louis Baroux, président d’APG Academy, analyse les effets du confinement sur le secteur aérien et en appelle à l’établissement d’un calendrier de sortie de crise.

Depuis le 17 mars, c’est-à-dire depuis 6 semaines, la France est en état de confinement. Mais celui-ci n’entraîne pas les mêmes conséquences pour tous les secteurs d’activité. Alors que certains ne s’en tirent plutôt pas mal, et c’est tant mieux, d’autres sont complètement à l’arrêt. Le transport aérien, le tourisme et les acteurs de l’hébergement et de la restauration sont dans ce cas. La situation du transport aérien est particulièrement dramatique. Certes les avions sont au sol et d’ailleurs certains aéroports comme Orly ont été fermés, certes beaucoup de salariés ont été mis en chômage partiel, ce qui d’ailleurs ne doit pas les arranger financièrement, certes toutes les dépenses superflues ont été gelées, mais cela ne suffit pas.

Une compagnie à l’arrêt, c’est-à-dire sans aucune rentrée d’argent, supporte encore des coûts équivalents à 1/3 des dépenses courantes. Autant dire que la trésorerie s’envole plus que rapidement. Les transporteurs sont très inquiets à juste titre. Seulement il ne se passe pas grand-chose pour eux si ce n’est de belles paroles. On peut saluer, bien entendu, l’extrême mobilisation de Jean-Baptiste Djebbari, le Secrétaire d’Etat aux Transports qui remplace d’ailleurs avantageusement Elisabeth Borne, sa Ministre de tutelle que l’on n’entend pas beaucoup. Seulement en dehors d’une communication suivie en particulier avec la FNAM et le SCARA, il n’y a pas grand-chose de concret.

Curieusement lorsqu’il s’est agi d’annoncer le plan de soutien à Air France, c’est le Ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, qui s’en est chargé. Cela manque un peu d’élégance vis-à-vis du Ministère de tutelle du transport aérien. Sauf que ce plan consiste pour l’essentiel à inviter Air France à s’endetter à hauteur de 7 milliards d’euros ce qui correspond à 47% du chiffre d’affaires de la compagnie. Bien entendu les taux d’emprunt sont très bas et le montant est couvert à plus de 40% directement par l’Etat. Mais enfin, il faudra bien rembourser à un moment ou un autre et on ne voit pas comment le transporteur national déjà passablement endetté et dont la rentabilité est pour le moins moyenne, pourra s’acquitter des échéances sans remettre en cause des pans entiers de son fonctionnement.

Et puis, les autres compagnies françaises peuvent elles aussi réclamer un traitement équivalent, c’est-à-dire la garantie par l’Etat d’un montant d’emprunts équivalent à près de la moitié de leur chiffre d’affaires, ce qui donnerait en euros 226 millions pour Air Caraïbes, 221 millions pour Corsair, 173 millions à Air Austral, 79 millions à ASL, 71 millions à Air Corsica, 13 millions pour Twin Jet et 9 millions à Chalair. Après tout, ces compagnies sont aussi méritantes que le transporteur national et cette mesure ne coûte finalement rien à l’Etat.

Mais le fond de l’affaire n’est pas là. Le transport aérien est une activité très complexe. Pour s’exercer, il lui faut mettre en coordination beaucoup de métiers qui eux-mêmes sont tous spécialisés. Alors il a besoin essentiellement de certitudes quant à sa capacité à opérer. Il est par conséquent urgent que le Gouvernement annonce une date ferme de réouverture du ciel français et de l’aéroport d’Orly. Les atermoiements actuels qui supposent de connaître les réouvertures des autres pays ne peuvent pas constituer une réponse. Si chaque pays attend l’ouverture des autres, il ne se passera rien. Or, apparemment nos gouvernants n’ont pas pris en compte les délais nécessaires à la remise en route du secteur. Il ne s’agit pas seulement des aspects techniques, mais aussi et surtout de l’ouverture des réservations dans les systèmes afin que les avions ne volent pas à vide. Il faudra au moins un mois de délai entre l’ouverture des réservations dans les GDS et le départ des premiers vols.

Par contre nos responsables gouvernementaux devraient tout de même empêcher certains partons de compagnies étrangères, je pense en particulier à Michael O’Leary, de mettre sur le marché des tarifs qui ne couvrent manifestement pas les prix de revient. Pour autant que je sache, tous les pays disposent d’une législation destinée à éviter la vente à perte. Alors qu’attend la DGCCRF pour agir ?

Il est à craindre que les mesures adoptées pour contrer la diffusion du Covid 19 et ainsi éviter des morts de personnes déjà à risque, ce qui est plus que souhaitable, n’entraînent des dégâts supérieurs pour des raisons purement économiques. La famine guette des pays qui profitaient à plein de la croissance mondiale. Il n’y a pas de hiérarchie de valeur vis-à-vis des morts d’où qu’ils viennent.

Alors sortons au plus vite de la terrible situation dans laquelle le Codiv 19 nous a placés. Vite, une date ferme de remise en route du transport aérien français !