Covid-19 : Le baril à 46 $ ne bénéficie pas à Air France

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Avec un pétrole à moins de 46 dollars US le baril (cours du Brent le 8/3/2020), les compagnies accusent des manques à gagner colossaux. En cause, le « Hedging », une technique d’achat qui permet de « lisser » les cours du carburant.

En Europe, les compagnies aériennes négocient le carburant avec les raffineurs puis elles bloquent un volume puis un prix sur des durées et des montants fixes. On appelle cela le « Hedging ». Cette technique d’achat permet aux compagnies de fixer une valeur dite de couverture et donc, de s’acheter de la visibilité sur le poste le plus important de leurs dépenses. Dans cette stratégie, rien ne se passe au hasard, car les engagements sont capitaux. Se tromper revient à payer le carburant plus cher qu’un concurrent et là, la sanction est sans appel, car dans un marché hyperconcurrentiel, il est impossible de se refaire une santé en augmentant les prix des billets. L’effet d’une erreur de calcul est immédiat et incommensurable.

Avec la chute inattendue du pétrole (Coronavirus = demande plus faible. Combat géopolitique entre la Russie et l’Arabie Saoudite…), les compagnies européennes se retrouvent à payer le carburant non pas au tarif actuel, mais à celui négocié, c’est-à-dire à la valeur de couverture. C’est ainsi que le groupe Air France-KLM fait face à un manque à gagner qui, si le pétrole se stabilise à une valeur proche de 45 dollars US le baril, pourrait atteindre un milliard de dollars.

La raison de cette perte par rapport à la valeur de couverture est due au fait que Air France-KLM a couvert 65% des besoins de carburant attendus pour 2020 à environ 65 dollars US le baril  (référence : cours du Brent à la mi-février).

Le prix du carburant est capital

Pour Air France-KLM, le carburant représente environ 23% des coûts d’exploitation. En 2019, le groupe a dépensé 6,2 milliards de dollars US. Sans l’imposition de prix dû à la valeur de couverture ce montant aurait pu être réduit à 4,5 milliards de dollars US. Mais qui pouvait prédire une telle chute ?

Pour rappel, il y a 8 ans, le baril est monté à 128.4 dollars US puis il est redescendu à 27.10 dollars US en janvier 2016. Avec de telles variations, on comprend l’intérêt du Hedging.

La stratégie d’achat dépend donc de l’analyse de milliers de paramètres, de la valeur de couverture et du volume acheté. Si l’analyse est fine et corrélée par le marché, le résultat peut être intéressant. C’est ainsi qu’en 2019, Air France-KLM a généré des gains de couverture de 50 millions de dollars.

Dans la tempête, on réduit la voilure

Pour minimiser l’impact de ces variations brutales de cours, il n’y a pas 36 solutions. La plus efficace consiste à réduire le nombre de vols sur des destinations ne faisant pas le plein. De ce côté, le coronavirus a du bon puisque les vols sur l’Asie étaient désertés. Il était donc facile de réduire l’offre de transport sur cet axe.

Certaines compagnies prévoient de redéployer leur trafic sur l’Amérique du Nord, mais la concurrence y est acharnée. Pour rappel, en juin, pas moins de 10 compagnies desserviront New York au départ de Paris. Seules celles qui ont les coûts d’exploitation les plus faibles résisteront. Les charges aéroportuaires et salariales vont donc avoir une importance capitale. Dans cette période de turbulences extrêmes, il faut donc prévoir des défaillances d’opérateurs, des réductions de capacité, des annulations de vols mais certainement pas une baisse des coûts des billets d’avion car là, beaucoup sont « au taquet ».