KM Malta Airlines : un cas exemplaire des relations entre les Etats et les airlines

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APG World Connect : choses entendues... qui valent le coup d'être lues

Garder le prestige d’une compagnie pavillon en la délestant de ses fonctions de représentation et de service public, C’est le pari “KM Malta Airlines”. Nous avons profité du forum APG World connect, pour interroger Frédéric Revol, l’un de ses dirigeants.

"En quoi les Etats ont-ils intérêt à soutenir une compagnie aérienne ?”, c’est la traduction approximative d’une des tables rondes de l’APG World connect qui se tient actuellement à Malte. C’est pourtant en marge de ce panel que nous avons trouvé le témoignage le plus intéressant à ce sujet.

En effet, KM Malta Airlines, la “compagnie hôte” de l’événement, avait beau ne pas compter de speakers sur scène, son actualité récente offre un cas original et particulièrement éclairant à ce sujet. Nous avons donc interrogé Frédéric Revol, directeur du réseau et des partenariats…

Air Malta est devenu en mars dernier KM Malta Airlines. Pas seulement un changement de nom. Expliquez-nous…

Frédéric Revol : Air Malta a été créée en 1974. Cette compagnie était jusqu’en mars 2024 une entreprise publique dont le but n’était pas la rentabilité mais d’être un levier de développement de Malte par le biais du tourisme. Le Covid a remis cet état de fait en cause : c’est quoi cet outil ? Est-il utile alors que d’autres compagnies sont en capacité de relier Malte au reste du monde ? Dès lors, le coût (plusieurs centaines de millions d’euros pas an) supporté par l’Etat maltais se justifie-t-il ?

Quelles réponses l’Etat a-t-il apporté à ces questions ?

Pour résumer, il y avait deux possibilités : soit on continue comme avant et l’Etat accepte et assume de financer la non rentabilité de la compagnie, pour garder le contrôle; soit je me repose sur les autres compagnies. La réponse de l’Etat maltais a été une sorte de compromis. D’une part : “Je veux garder une flag carrer (une compagnie pavillon, ndr) pour des raisons de prestige, particulièrement important pour un petit pays de quelque 500.000 habitants”; d’autre part : “Je ne suis pas un financeur mais un investisseur”. Le résultat, c’est KM Malta Airlines, une société de droit privé mais dotée d’un seul actionnaire : l’Etat maltais.

Quelle marge de liberté un statut si unique laisse-t-il à la compagnie par rapport à l’Etat ? Peut-elle, par exemple, s’ouvrir à d’autres investisseurs ?

Ca, c’est une question d’investisseurs, justement. Et là, c’est l’Etat qui a la main, bien sûr. Mais ce qu'il y a d’intéressant c’est que la partie “investissement” est séparée de la partie “business”. Le statut de société privé, “limited”, et non plus “PLC”, dans le droit anglo-saxon, évite le surcontrôle et laisse la latitude à la compagnie de se développer selon la stratégie qu’elle fixe. KM décide donc de son réseau, de ses fréquences, de ses routes, de ses alliances, de sa politique tarifaire… Avec un but ultime, qui matche avec l’objectif de l’Etat : faire venir des voyageurs à Malte.

Concrètement : demain, Malte décide de renforcer ses relations diplomatiques avec l’Ethiopie. L’Etat ne pourrait pas dire à la compagnie : “Ouvrez une ligne Addis-Abeba même si elle est déficitaire” ?

C’est dur de dire “non” à son actionnaire principal… Mais, effectivement, ce type d’ingérences politiques, en dehors de la rationalité économique, n’est pas dans l'esprit du nouveau statut de la compagnie et de ses relations avec l’Etat. Désormais, dans un pareil cas, la compagnie pourrait répondre : “Notre rôle est de gagner de l’argent”. De toute façon, cette transformation de la compagnie en société privée avait bien pour but de faire économiser de l’argent à l’Etat… Ce n’est pas pour, aujourd’hui, financer des lignes déficitaires. Et l’Etat maltais peut très bien approcher Ethiopian Airlines… 

Et on peut enfin en venir à l’objectif ultime de l’Etat maltais…

Que la compagnie ne coûte plus au contribuable. Faire confiance à la compagnie pour qu’elle développe son activité et fasse venir le plus de passagers possible à Malte, non pas en tant que hub mais en tant que destination, pour alimenter l’industrie du tourisme de loisir moyen et haut-de-gamme, et du MICE. Tout en conservant sa compagnie pavillon avec la visibilité et le prestige que cela confère.

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