Les relations entre Etats et airlines : soumission, distorsion, schizophrénie

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Les relations entre Etats et airlines : soumission, distorsion, schizophrénie
De g. à d. : Allan Kilavuka (Kenyan Airways), Christine Ourmières-Widener (Dubreuil), Michael Hoppe (Darig), Yannick Assouad (Thales).

“Est-il normal qu’un gouvernement soutienne une compagnie aérienne ?”, c’est la question qui était posée lors d’une table ronde du dernier forum APG World connect.

“Normal” ou pas, c’est bien ce que font les Etats : “Les gouvernements ont répondu au Covid par des prêts ou des subventions à l’aérien à hauteur de 38 Mds$ en septembre 2021”, rappelle Yannick Assouad, Executive VP chez Thales. 

Soumission

Ces aides, l’Etat ne les prodigue pas gratuitement. En retour, leurs exigences peuvent porter sur des obligations de service public (comme en France ou en Nouvelle-Zélande, pour relier les îles principales de l’archipel). Mais aussi une injonction à restructurer ou des pressions pour ne pas distribuer de primes, par exemple.

L’indépendance et la liberté opérationnelle ont un prix que détaille en creux Christine Ourmières-Widener, dirigeante de French Bee et Air Caraïbes : “Nous avons reçu du soutien mais au même titre que les autres entreprises françaises. Aujourd’hui que tout est remboursé, nous n’avons à répondre à aucune obligation.

C’est parce que l'aide est soit le signe d'une mauvaise santé de l'airline (et les raisons peuvent lui être exogènes, comme dans le cas de la pandémie), soit comme un joug, le panel se rejoint unanimement sur ce constat : “Pour une compagnie aérienne, mieux vaut ne pas être subventionnée”. La messe est dite ? Pas vraiment…

Distorsion

Car tout en partageant l’opinion générale, Allan Kilavuka, CEO de Kenyan Airways, que les gouvernements africains ne se sont pas assez investis dans le soutien à leur secteur aérien domestique, pourtant levier fondamental du développement économique. Mais il y a pire : l’Afrique n’a beau représenter que 2% du trafic aérien mondial, la faiblesse des compagnies africaines a engendré “un dumping de capacité” au profit d’airlines extra-continentales, fortement subventionnées, elles.

On voit les zigzags intellectuels qui s’opèrent dans ce raisonnement : considérer qu’il vaut mieux, au nom de sa liberté, ne pas être aidé, tout en regrettant l’absence d’aides, mais en dénonçant l’avantage concurrentiel que celles-ci procurent. Et quand on demande au même Allan Kilavuka si cette distorsion n’est pas injuste. Il répond : “La vie est injuste !”. Cette tautologie, lâchée dans un sourire, traduit l’aporie… 

Schizophrénie

Michael Hoppe, directeur exécutif chez Darig, rappelle que le soutien étatique peut aussi prendre la forme de politique fiscale avantageuse. “Mais, considère-t-il, pour que ces politiques soient justes, il faut que les exonérations soient temporaires”. Ce “temporaire” peut, par exemple, durer le temps du développement d’une destination. A ce sujet quelque peu connexe, Christine Ourmières-Widener considère que “les destinations ‘affaires’ sont plus faciles à développer car plus directement plus rentables… Mais elles sont déjà toutes sur la carte”.

Comme le rappelle Yannick Assouad, les politiques fiscales européennes, elles, ne sont pas franchement favorables aux compagnies aériennes, surtout en comparaison de celles d’Asie ou du Moyen-Orient. Et, bien sûr, l’hypothèse d’une augmentation de la taxe de solidarité sur l’aérien, actuellement dans les cartons du gouvernement français, de s’inviter sur scène. Pour souligner l’incohérence entre ces taxes et le soutien dont bénéficie la compagnie nationale, Christine Ourmières-Widener n’hésite pas à parler de “schizophrénie” de l’Etat français.

Mais le manque de cohérence ne se constate pas qu’à ce niveau : si Yannick Assouad conclut la table ronde par un appel à se parler entre acteurs de l’aérien pour “imposer aux gouvernements les stratégies les stratégies les plus rationnelles”, c’est bien que le dialogue et l’action groupée font défaut.

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