L'Association internationale du transport aérien (IATA) se félicite de l'augmentation de la production de carburant durable (SAF), et maintient un plan de décarbonation apparaissant comme peu réaliste.
Par voie de communiqué, l’IATA a annoncé que ses prévisions de triplement de la production de carburants aéronautiques durables (SAF) en 2024 pour atteindre 1,9 milliard de litres (1,5 million de tonnes) sont en bonne voie. Sortir tambours et trompettes à ce sujet paraît quelque peu déplacé…
En effet, de l’aveu même de l’association cette quantité produite, si elle est atteinte, “représenterait 0,53 % des besoins en carburant de l'aviation en 2024”. C’est bien peu surtout quand on considère que dans son objectif d’émissions nettes de carbone nulles d'ici à 2050, les SAF fourniront environ 65 % des mesures d'atténuation nécessaires.
Multiplication de la production de SAF par 30 en 6 ans
“Nous avons encore un long chemin à parcourir, a d'ailleurs reconnu Willie Walsh, directeur général de l'IATA, mais la direction des augmentations exponentielles commence à se dessiner". Ces augmentations exponentielles sont effectivement là, sur le papier…
En effet, quelque 140 projets de carburants renouvelables capables de produire des SAF ont été annoncés pour être mis en production d'ici 2030. Si tous ces projets entrent en production comme annoncé, la capacité totale de production de carburants renouvelables pourrait atteindre 51 millions de tonnes d'ici 2030, avec une capacité de production répartie dans presque toutes les régions.
Une multiplication par par plus de 30 en 6 ans, donc. Mais on part de tellement bas… Il y a quelques mois, Olivier Benoit du cabinet Advito, jugeait, dans nos colonnes, “non crédible” cette part de 65% que prendraient les SAF dans le zéro net carbone de l’aérien selon l'IATA. Un étiage de 15 à 20% lui semblait plus envisageable.
> Lire aussi : Olivier Benoit (Advito) : “Le plan de décarbonation de IATA n’est pas crédible”
Alors que, dans le même entretien, Olivier Benoit avait fait la démonstration du caractère irréaliste du plan de l’IATA, et que nous l’interrogions sur son obstination à maintenir la même communication, il avait déclaré :
“J’ai le sentiment que leur discours évolue. Ils parlent toujours de neutralité en 2050 mais d’une façon beaucoup plus prudente. Ils disent désormais systématiquement que c’est extrêmement ambitieux, que ça nécessite des investissements énormes… Ils n’en sont pas (encore) à amender leur plan mais ils mettent beaucoup plus d’alertes : “Ca n’arrivera que si tout le monde s’y met : si les gouvernements aident, si les corporates investissent, etc”. Après tout, tous ces executives des compagnies ont les mêmes chiffres que moi, ils arrivent inexorablement à des conclusions proches des miennes… Je comprends qu’ils ne puissent pas dire “notre plan n’est pas réaliste”, je ne leur jette pas la pierre. C’est notre rôle (en tant que membre d’un cabinet de conseil, ndr) d’éduquer le marché. Et les compagnies, je pense, d’ici à 2050, réaménageront leur plan en disant par exemple “65% de contribution du SAF, non, en revanche, la tech a fait plus de progrès sur tel ou tel sujet que prévu…”
Prescriptions
Le récent communiqué de l’IATA valide totalement la réponse d’Olivier Benoit : l’IATA n’amende pas son plan et se fait prescripteur auprès des parties prenantes que sont, notamment, les investisseurs privés, les gouvernements, les raffineurs, les producteurs d’énergies et même les passagers aériens. Citons Willie Walsh qui persiste et signe :
"Des incitations à construire davantage d'installations d'énergie renouvelable, à renforcer la chaîne d'approvisionnement en matières premières et à allouer une plus grande part de la production de carburants renouvelables à l'aviation contribueraient à la décarbonisation de l'aviation. Les gouvernements peuvent également faciliter les solutions techniques en accélérant les approbations pour diverses matières premières et méthodologies de production, ainsi que le co-traitement des matières premières renouvelables dans les usines de pétrole brut. Aucune politique ou stratégie ne nous permettra d'atteindre les niveaux nécessaires. Mais en combinant toutes les mesures politiques possibles, il est absolument possible de produire des quantités suffisantes de SAF".
Quant à “la tech (aurait) fait plus de progrès sur tel ou tel sujet que prévu” dont parle Olivier Benoit, mieux vaut, pour tenir les échéances, qu’elle se trouve ailleurs que dans la consommation des avions : dans sa dernière tribune parue dans nos colonnes, Jean-Louis Baroux estimait qu’un appareil commandé aujourd’hui ne serait livré que dans 11 ans.
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Est-il nécessaire de parler de ces 4 milliards de passagers transportés aujourd’hui, dont le nombre (d’après la même IATA !) pourrait doubler en 2037 et tripler d’ici 2050 ? Non : la coupe est pleine, mais ne contient pas beaucoup de SAF.