Moody’s : le voyage d’affaires va plomber la reprise de l’aérien jusqu’en 2024

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Une récente étude de l'agence de notation Moody's considère que 10 à 30 % des voyages d'affaires pourraient être remplacés par des solutions virtuelles dans les prochaines année, et qu'il est peu probable que les voyages d'affaires atteignent leur niveau de 2019 avant 2024 au plus tôt.

Les habitudes prises durant la crise concernant l'utilisation de communication à distance, et l'amélioration de ces technologies, pourraient faire baisser le volume des voyages d'affaires 2019 de 10 % à 30 %. Les réunions en interne, qui représentent environ 20 % à 25 % de l'ensemble des voyages d'affaires, selon les estimations des consultants et les enquêtes auprès des passagers seraient les plus affectés. Autre "victime" de cette réduction du business travel (BT) : les grands rassemblements professionnels, type "salons", qui représentent, eux, environ 20 % du BT. Pour ce dernier type de déplacements, la reprise sera probablement lente, à partir de 2022.

Pourtant l'agence estime que le marché des voyages d'affaires finira par retrouver son niveau de 2019, car la substitution potentielle des voyages d'affaires par des réunions virtuelles sera progressivement compensée par la croissance du reste du marché des voyages d'affaires, mais pas avant 2024 au plus tôt.

Voyages à valeur ajoutée

Ces voyages parce qu'ils améliorent l'activité de l'entreprise en générant des ventes, en aidant les clients, en gérant les opérations ou en réunissant les employés resteront convaincants pour les directions et constitueront un facteur d'atténuation fondamental contre les estimations plus pessimistes de la baisse des voyages d'affaires.

En effet, plusieurs études soulignent la valeur des voyages d'affaires, notamment une enquête réalisée en mai 2020 par la société de voyage Corporate Travel Management Limited qui a montré que 78 % des entreprises ont déclaré que la baisse des voyages avait réduit leur croissance. D'autre part, selon une étude d'Oxford Economics, chaque voyage d'affaires au Royaume-Uni voyage d'affaires contribue pour environ 34.000 £ au PIB du Royaume-Uni. Ce réajustement des motivations de voyage permettra au final d'améliorer la productivité et l'efficacité des voyages d'affaires. 

Dans l'aérien

Lors des précédents ralentissements économiques, les voyages d'affaires ont mis du temps à se rétablir, les dépenses des entreprises mettant entre trois et cinq ans à dépasser les niveaux d'avant la crise. La règle sera respectée. Moody's prévoit ainsi que le nombre total de passagers/kilomètres payants restera inférieur de 5% à 10% aux niveaux de 2019 d'ici la fin de 2023, les voyages d'affaires étant à la traîne de la reprise des voyages de loisirs.

Environ 30 à 35 % des voyages d'affaires en avion sont liés à des réunions avec des clients. Il est probable que ces rencontres reviennent peu après la reprise des voyages, bien que les réunions de soutien aux clients existants puissent être plus vulnérables à la substitution ou au report que celles visant à gagner de nouvelles affaires.

Plusieurs étapes

Le redressement des compagnies aériennes après la pandémie se fera en plusieurs étapes. La première, critique, consistera dès cette année à limiter la consommation de trésorerie afin d'atteindre le seuil de rentabilité en combinant une gestion continue des coûts et des flux de trésorerie, et une croissance du nombre de passagers. Les compagnies aériennes géreront leur capacité, en n'opérant que les vols qui couvrent leurs coûts variables.

En outre, dans le contexte de la crise actuelle, les compagnies aériennes se concentrent avant tout sur le rendement, la gestion des capacités et la gestion de la trésorerie.
crise actuelle. Cela signifie que les prix pour toutes les classes et tous les types de passagers seront ajustés pour augmenter les rentrées d'argent, que le voyage soit effectué à des fins professionnelles ou de loisir.

L'étape suivante consistera en un rétablissement progressif vers les niveaux pré-pandémiques grâce à la réduction des taux d'infection et des hospitalisations qui permettront d'assouplir les restrictions de voyage. Une plus grande coordination internationale des protocoles de voyage sera également nécessaire pour soutenir la reprise.
Les préoccupations des entreprises concernant la santé de leurs employés et les questions de duty of care continueront à restreindre les voyages d'affaires au cours des premières étapes de la reprise.

Les voyages d'agrément se rétabliront plus rapidement, et tout porte à croire que la demande latente sera très élevée lorsque les voyageurs d'agrément auront confiance dans leur capacité à voyager et que les restrictions seront levées ou, du moins, limitées et prévisibles. A ce titre, Moody's s'attend à ce que les voyages d'agrément se redressent d'au moins 10 points de pourcentage de plus en 2023 que les voyages d'affaires, mais aussi qu'ils restent inférieurs aux niveaux de 2019.

Dès lors, les compagnies aériennes pourraient se concentrer davantage sur les voyages d'agrément, et les structures tarifaires pourraient également changer, avec moins de tarifs économiques très réduits.

Les legacy plus affectées

Sur le marché intérieur les voyages d'affaires intérieurs reviendront plus tôt, favorisant les transporteurs des grands pays comme les États-Unis, le Brésil, l'Australie, la Russie et la Chine. L'agence prévoit en outre que la reprise des voyages d'affaires sera plus rapide en au Japon et en Allemagne, et moins forte au Royaume-Uni et en France.

Les secteurs où les activités spécifiques à un site sont importantes, comme l'industrie manufacturière, l'immobilier et la construction, connaîtront un retour plus marqué des voyages d'affaires.

Au global la reprise BT en avion sera due à la réouverture progressive des lieux de travail et à une augmentation latente de la demande, bien que seule la généralisation des vaccinations lèvera sérieusement les réticences liées au duty of care.

La lenteur de la reprise des voyages d'affaires affectera surtout les compagnies legacy.
Ces compagnies aériennes génèrent environ un tiers ou plus de leurs revenus grâce aux voyageurs d'affaires, tandis qu'environ 12 % des passagers mondiaux voyagent pour affaires.

D'autre part, les efforts déployés par les entreprises pour réduire les émissions de carbone pourraient également limiter le rythme de la reprise des voyages d'affaires et, dans certains cas, favoriser le passage aux réunions virtuelles ou à envisager le train comme alternative au transport aérien.