Tribune JL Baroux – Aéroports et compagnies : halte au feu !

546
Tribune JL Baroux - Aéroports et compagnies : halte au feu !

Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes, créateur du World Air Transport Forum et de l’APG World Connect. Dans ce contexte très difficile pour le secteur aérien, il en appelle à une paix des braves entre compagnies et aéroports.

J’ai trouvé choquante la dernière sortie de Willie Walsh à propos des aéroports, accusant ces derniers d’augmenter de manière indécente leurs tarifs pour compenser les dégâts produits par le COVID 19. Je comprends bien qu’il n’est pas agréable pour les compagnies aériennes de devoir payer plus cher les mêmes services qu’avant la pandémie, mais la situation des aéroports doit bien elle aussi être prise en compte.

Je note que les transporteurs, en particulier les plus gros, ont bénéficié d’aides massives de la part de leurs gouvernements respectifs et c’est d’ailleurs très justifié. Quand je parle d’aides massives, c’est au total plus de 100 milliards de dollars qui sont tombés dans leurs caisses, ce qui leur a permis de garder la tête hors de l’eau. Toutes les compagnies n’ont d’ailleurs pas profité de cette assistance et certaines, les plus petites, mais pas forcément les plus fragiles, ont dû se débrouiller toutes seules. Et pour tenir le coup elles ont été amenées à licencier massivement alors que les grosses européennes ont grosso modo réussi à passer cette si délicate période en gardant l’essentiel de leur personnel.

Les aéroports lésés

Mais les aéroports n’ont pas, dans leur ensemble, été traités avec autant de sollicitude de la part des autorités. La plupart n’ont perçu aucune aide. Ils paient sans doute l’image de prospérité qui leur était attachée. Certes, les très grandes plateformes ont réalisé de confortables profits au cours des 10 dernières années fastes. Et les actionnaires, souvent les Etats eux-mêmes ont encaissé de sérieux dividendes. Alors la période récente passée, en gros pour le moment un an et demi d’une exploitation réduite à plus de 70%, les a laissés exsangues. Il faut bien qu’ils se refassent une santé. Il en va de la prospérité du transport aérien tout entier.

Je note d’ailleurs qu’ils sont pour l’essentiel, dépendants des stratégies des transporteurs, lesquelles peuvent s’avérer très fluctuantes. L’exemple de l’aéroport de Clermont-Ferrand est à cet égard très illustratif. Sur demande de HOP, en clair d’Air France, l’aéroport s’est transformé pour abriter une exploitation en « hub ». Cela a entrainé de très importants investissements qui ne peuvent être amortis qu’en une vingtaine d’années. Sauf que le transporteur a changé ses priorités et décidé d’abandonner la plateforme de correspondances auvergnate. Et qui va prendre en compte les inévitables déficits que cette mesure a entrainés ?

Le problème de la substitution par le train

La pression écologiste est elle aussi un facteur d’incertitude pour les aéroports. Les décisions arbitraires, prises sans aucune concertation par certains gouvernements d’arrêter les dessertes aériennes qui peuvent être réalisées, plus ou moins bien d’ailleurs, par le train en moins de 2h30, mais on parle maintenant de 4h00, voire plus dans certains pays, conduisent à la ruine ces installations souvent créées sur la demande des transporteurs, voire des gouvernements eux-mêmes.

L’Union des Aéroports Français a d’ailleurs lancé une action auprès des autorités européennes pour que le sacro-saint droit de circuler librement en Europe soit respecté, sans qu’on impose aux clients les moyens de transport. On se demande d’ailleurs sur quel fondement un Etat peut s’affranchir des traités européens comme par exemple l’Open Sky instauré en 1988 et appliqué depuis 1992 avec les résultats si bénéfiques qui lui sont attachés.

Pour une paix des braves

Je ne suis pas là pour défendre les aéroports ou les transporteurs, je souhaite simplement que l’on ne tue pas le transport aérien. Or c’est bien ce qui se dessine insidieusement et petit à petit. Il paraît donc plus qu’urgent que les acteurs de ce formidable secteur d’activité arrêtent de s’étriper entre eux et qu’au contraire, ils unissent leurs forces pour rappeler simplement au public combien il est indispensable non seulement à la prospérité économique mais qu’il est également un facteur de paix incontournable. Alors, grands dieux, que les compagnies arrêtent de faire la guerre aux aéroports, et que ces derniers se concertent avec leurs utilisateurs.

Une chose est certaine, le transport aérien devra coûter plus cher à l’avenir. Il faudra bien payer les recherches nécessaires pour arriver à une certaine forme de neutralité carbone. On parle de plusieurs centaines de milliards de dollars. Il ne suffira pas de seriner que le transport aérien ne produit que 2,5% ou 3% des émissions de CO², il faudra les faire baisser tout en maintenant la croissance du trafic, car les populations en ont besoin.

Tout le monde doit s’y mettre. Les agents de voyages doivent cesser de chercher les prix les plus bas qui sont loin de couvrir les prix de revient, les aéroports seront contraints à améliorer leurs services et leurs équipements, et les transporteurs devront bien cesser de promotionner les tarifs insensés qui n’ont pour effet que d’attirer les gogos afin de leur vendre en réalité des prestations beaucoup plus onéreuses que celles annoncées.

Les guerres intestines doivent cesser. L’enjeu est capital.