Tribune JL Baroux – Vive l’hydrogène !

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Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes, créateur du World Air Transport Forum et de l’APG World Connect. Cette semaine, il conjugue le futur de l’aérien au mode hydrogène.

Finalement la crise actuelle n’a pas que du mauvais. Elle va accélérer le développement d’un transport aérien encore moins polluant. Depuis des années les constructeurs et les motoristes cherchent une solution qui permettrait à l’aviation de s’affranchir du pétrole. Il y a au moins deux énormes avantages à cela : d’abord une très forte limitation pour ne pas dire une élimination des émissions de gaz à effet de serre si détestés par les écologistes, mais aussi et ce n’est pas rien, s’affranchir des sources d’approvisionnement qui se trouvent pour l’essentiel dans des zones à risques politiquement parlant.

Les premières recherches ont porté sur la propulsion électrique. De nombreux prototypes ont été créés et des avions certes petits, volent avec cette énergie. N’oublions d’ailleurs pas que Bertrand Piccard et son équipe ont réussi un tour du monde avec son « Solar Impulse ». Donc l’énergie électrique, alimentée par des panneaux solaires, ça marche. Sauf que la plupart des ingénieurs ont pointé du doigt le défaut majeur de cette énergie : son stockage. Les batteries actuelles sont beaucoup trop imparfaites et les capteurs solaires pas assez efficaces. Alors l’utilisation de l’électricité pour propulser les appareils commerciaux doit être pour le moment oubliée. La recherche ne permettra pas de créer une solution économique et pratique avant très longtemps.

Fallait-il pour autant abandonner la partie ? Ce n’est pas la réponse apportée par le transport aérien. Quoique puissent en penser les détracteurs de ce mode de déplacement, il n’a jamais oublié l’aspect écologique, ne serait-ce que pour les raisons invoquées plus haut. La piste la plus prometteuse semble bien être l’hydrogène. Si on en croit les spécialistes celui-ci permettrait de propulser des aéronefs de manière efficace. Après tout il est bien utilisé et depuis longtemps dans la conquête spatiale. Si avec ce carburant on peut propulser des fusées dans l’espace, on doit pouvoir faire aussi voler des avions commerciaux.

Trois défis

L’affaire n’est pas gagnée pour autant. Trois obstacles majeurs sont à lever : transformer l’hydrogène en carburant, le livrer aux avions et le stocker dans les appareils. Voilà des défis colossaux. Airbus qui s’est réellement attaqué à la question propose ni plus ni moins que de créer des appareils entièrement nouveaux. Le constructeur européen a publié une première ébauche de ce que pourrait être le transport aérien futur. Trois types de machines seront analysés : un « prop fan », en clair : un jet de type classique, un « turbo pro » qui ressemble beaucoup à un ATR 600 et finalement un « Blended Wing Body » (BWB) lequel n’est ni plus ni moins qu’une aile volante. Le principe de l’aile volante est connu depuis longtemps et les spécialistes insistent sur ses capacités à évoluer dans l’air bien supérieures à celles des avions classiques.

L’enjeu est considérable. Celui qui gagnera la partie disposera d’un avantage inouï par rapport à ses concurrents. Les écologistes ne pourront plus s’opposer à un transport aérien non polluant et soucieux de préserver les ressources de la planète. S’ils sont conséquents avec eux-mêmes, ils devraient au contraire faire la promotion de ce mode de transport. Et puis les compagnies ne seront plus dépendantes des fluctuations du cours du pétrole. Reste que pour réaliser cet exploit il faudra des investissements énormes. Probablement plusieurs dizaines de milliards de dollars. Les aéroports devront s’équiper de systèmes d’avitaillement totalement nouveaux. Il faudra organiser le transport d’hydrogène liquide dans des réservoirs cryogéniques à moins 250°. Bref il faut tout repenser.

Besoin d’investissements

L’affaire pourrait être en bonne voie si les gouvernements, sous la pression écologique court-termiste actuelle, ne mettait pas de grands efforts pour justement affaiblir le transport aérien à coups de taxes et d’interdictions. C’est avoir une vision sans perspective. L’enjeu est tel que tous les acteurs devraient bien comprendre que pour financer les nécessaires et considérables évolutions du transport aérien, il faut que ce dernier dégage des profits en quantité suffisante.

La piste est tracée. Il serait bien surprenant que les ingénieurs ne puissent pas résoudre les difficultés techniques auxquelles ils sont confrontés. Airbus annonce pouvoir faire voler son nouveau concept d’ici à 2035. C’est demain.

Alors veut-on un transport aérien non polluant, des routes aériennes retaillées pour économiser du carburant, et un moyen de communication sans égal y compris quant aux aspects économiques, ou veut-on tout simplement qu’il reste dans l’état où il est en lui rognant les ailes pour faire plaisir à un tout petit nombre d’activistes qui se sont arrogés, seuls, le droit de défendre la planète ?