Présent lors de l’Assemblée générale du BAR France (Board of Airlines Representatives), ce 21 janvier, Willie Walsh, CEO de l’IATA a remis en cause l’efficacité des taxes et le recours au train dans la stratégie de décarbonation de l’aérien.
Dans son intervention d’environ une heure, le dirigeant de l’International Air Transport Association (IATA) a placé au coeur de son propos l’enjeu environnemental et la nécessité d’agir dans le sens de la décarbonation de ce transport qui “représente environ 2,5% des émissions de CO2 mondiales, mais (dont la) contribution pourrait augmenter à mesure que d’autres secteurs se décarbonisent”. Une position en cohérence, fort logiquement, avec l'objectif “net zéro émission” à l’horizon 2050 de l’IATA.
Le coût de la décarbonation : près de 5 trillions de dollars
Ce chemin du zéro net émission d’ici 2050, Willie Walsh estime qu’il sera “long, non linéaire et qu’il nécessitera des efforts concertés de l’ensemble des parties prenantes pour partager les coûts et garantir un approvisionnement suffisant en carburants durables (sustainable air fuel, SAF)”.
Ce coût est estimé à “4,7 à 4,8 trillions de dollars d’ici 2050”. L’impact sur les prix des billets sera inévitable, “les compagnies aériennes ne pouvant absorber seules ces coûts sans compromettre leur viabilité financière”. La part des coûts liés au carburant pourrait passer “de 25% à près de 39%”, affectant directement la demande.
“Taxer n’est pas la bonne solution”
C’est un des chevaux de bataille de l’ancien patron de British Airways : les taxes environnementales appliquées à l’aérien sont une fausse bonne idée. Leur impact économique négatif est disproportionné au regard du faible bénéfice en termes environnemental. Car l'effet le plus direct aurait, selon lui, un impact sur le taux de remplissage des vols, pas sur leur nombre.
Et quand ces taxes sont mises en place dans un pays comme la France, acteur majeur de l’industrie (Airbus, Safran, Air France), Willie Walsh n’hésite pas à parler de “schizophrénie”.
L’alternative “train” ? Mieux vaut le Ciel européen !
L’interdiction des vols courts en France, qui concerne trois liaisons depuis Paris, ont un impact environnemental limité, estime-t-il. “Si l’on interdisait tous les vols de moins de 500 km en Europe (la distance pour laquelle le train est généralement une alternative), cela réduirait le nombre de vols de 24 %, mais les émissions de CO2 ne diminueraient que de 3,8%, d’après Eurocontrol”.
En revanche, le ciel unique européen, dont il considère l’échec comme un véritable scandale, réduirait les émissions de CO2 d’au moins 10 %, et cela, sans que cela coûte un sou. Selon lui, les responsables politiques, qui ont le pouvoir de mettre en place le Ciel unique européen, "mais préfèrent promouvoir des initiatives ayant un impact minime sur les émissions", se rendent coupables de greenwashing politique.
Mais le patron de l’IATA va plus loin dans ces réserves vis-à-vis du ferroviaire, estimant que “le développement ferroviaire est coûteux en CO2 (construction des infrastructures, énergie utilisée pour alimenter les trains) et dépend de la source énergétique (...) Ces investissements doivent être évalués sur le long terme, en intégrant leur impact total en CO2 sur leur cycle de vie”.
Rappelons que la contribution de l’aérien à 2,5% des émissions mondiales (fourchette basse, la plupart des rapports parlant davantage de 4%) dont parle Willie Walsh n’inclut que le transport de voyageurs : pas la construction aéronautique.
Le SAF, clé de voûte de la décarbonation
Dans ce plan de décarbonation, les SAF contribuent à 60% des réductions des émissions de CO2, cependant, regrette Willie Walsh, “leur production est encore insuffisante. Actuellement, seulement 6 à 8 % des SAF produits sont destinés à l’aviation, le reste étant utilisé par d’autres industries (transport routier, chimie…)”.
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Il pointe à ce titre les compagnies pétrolières qui demandent des garanties d’achat à long terme, freinant l’investissement nécessaire dans les SAF, “malgré leurs marges bien supérieures à celles des compagnies aériennes”. Par ailleurs, il juge que “les initiatives conjointes entre compagnies aériennes et producteurs de SAF (dont certaines sont en cours), doivent impérativement monter en puissance.”
Le rôle des gouvernements et des politiques publiques n’est pas en reste : “Les gouvernements continuent d’inciter à la production de carburants fossiles tout en exigeant une meilleure performance environnementale des compagnies aériennes, c’est incohérent.”
Les restrictions des politiques environnementales que pourrait engager Donald Trump ne sont pas une bonne nouvelle pour le patron de l’IATA. Si les incitations à la production de SAF initiées sous l’administration Biden, qui ont permis des avancées majeures, étaient remises en cause, l’équation serait encore plus complexe à résoudre…