L’avion propulsé par l’hydrogène ne suffira pas, loin de là, à décarboner l’aviation à l’horizon 2050, comme le souligne une étude de l’ONG ICTT. Pour le collectif Supaéro Décarbo, on n’y coupera pas : il faudra voler moins !
Les constructeurs aéronautiques sont pleinement engagés dans la décarbonation du transport aérien. Airbus et Boeing travaillent l’un et l’autre, en liaison avec les motoristes, sur les futurs modes de propulsion des avions à l’électricité et à l’hydrogène. En septembre 2020, l’européen avait pris de l’avance avec ses concepts d’avion ZeroE, soit trois projets d’avions 100 % hydrogène devant voir le jour à l’horizon 2035. Airbus se montre plus prudent depuis quelques mois, et prévoit que la plupart des avions de ligne s’appuieront encore sur des moteurs à réaction traditionnels au moins jusqu’en 2050. Idem pour le directeur général du motoriste Safran, Philippe Petitcolin, qualifiant plutôt aujourd’hui cet objectif de 2035 de «très ambitieux», au regard des énormes défis techniques liés à l’hydrogène liquide, de sa densité quatre fois inférieure aux carburants actuels à sa conservation à – 253°.
Cette question du volume de stockage de l’hydrogène dans les réservoirs devrait rendre difficile ce mode de propulsion pour les avions long-courriers, comme vient d’ailleurs de le rappeler une étude de l’ONG International Council on Clean Transportation (ICCT), publiée ce mercredi. Laquelle jette elle aussi son pavé dans la marre : la banalisation de ce type d’appareil propulsé à l’hydrogène, même vert, permettra de « limiter les émissions de CO2 mais pas de réduire à eux seuls l’empreinte carbone du secteur aérien« .
Selon les calculs de l’ONG, si les dessertes court et moyen courrier étaient opérées, dans leur totalité, par des avions à hydrogène en 2050, en tenant compte également de la forte croissance du trafic aérien dans les trente prochaines années, les émissions de CO2 du transport aérien ne baisseraient que de 31%, soit 628 millions de tonnes de CO2… Ce qui ramènerait le niveau de l’empreinte carbone du secteur à celui prévu en 2035… Et certains scénarios sont moins optimistes encore. Heureusement, l’étude ne prend pas en compte d’autres innovations qui diminueront le rejet de CO2 du secteur, de la conception des avions et des moteurs à une meilleure gestion des vols et du contrôle aérien, en passant bien sûr par les carburants durables.
Julien Etchanchou, Sustainability Practice Lead chez Advito, filiale conseil de BCD Travel, dans une tribune libre publiée la semaine dernière par notre confrère TOM, n’en regrettait pas moins la foi aveugle en la technologie pour régler la question du réchauffement climatique : « Admettons que, dès demain, il n’y ait plus aucun obstacle technologique et que tous les avions marchent à l’électricité ou à l’hydrogène : il va bien falloir les alimenter. Mais où diable va-t-on trouver cette quantité colossale d’énergie ?« . Et de rappeler que le collectif Supaéro Décarbo n’envisage pas un monde sans avion mais explique, chiffre et preuves à l’appui, qu’il faudra tout simplement voler moins…