Farandou fait dans le dur

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coup DP Farandou

Alors, Farandou ou Farandur ? A la suite de la prestation offerte, ce jeudi 5 mars sur RTL, par le récent PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou, la question se pose effectivement. Le cheminot-en-chef a lancé sa locomotive communicationnelle, et, à vrai dire, on était plus dans un TGV en vitesse de pointe que dans un omnibus de province.

Sur RTL, ce jeudi 5 mars, donc, ça commence Farandou-comme-un-agneau : l'amélioration du réseau, les regrets vis-à-vis d'un mouvement social qui a coûté 1 milliard à la société, les mesures face au coronavirus... Ça ressemble au tatatatoum d'un Corail alors que la verte campagne qui défile nous fait cligner des yeux.

Puis, LA question : "Comment voyez-vous la SNCF à dix ans ?" Démarrage diesel : le train c’est l’avenir, l’urgence écologique, tatatatoum. Et d'un coup, ça passe en mode Gabin dans la Bête humaine, accroché à la loco, clope au bec, casquette vissée sur la caboche, marcel noirci de suif et roulage de mécanique : « On a tout à gagner : je pense que les gens auront honte de prendre l’avion et seront très fiers de prendre le train, donc on aura une activité incroyable… » Tchouc-tchouc ! Pas vraiment un train de sénateur : du Farandur !

Ben quoi ? On n’a pas fait de sondages, mais on a le sentiment que cette opinion-là est, vraisemblablement, largement partagée par nos concitoyens... Certes, l’énergie électrique utilisée par le ferroviaire n’est pas exempte de questions écologiques quand on vit dans un pays où celle-ci est à près de 70 % d’origine nucléaire... Mais quand même, quand y a pas de kérosène, on est plus zen…

Alors pourquoi est-ce si « Farandur » ? Parce qu’on n’est tout simplement pas habitué à un tel franc-parler de la part des parties prenantes à ce niveau de responsabilité. On est en France, où l’Etat est actionnaire d’Air France-KLM à hauteur de 14,3 % (le plus gros détenteur de capital de la compagnie, juste devant un autre Etat, les Pays-Bas, à 14 %) ; quant à la SNCF, si elle est devenue société anonyme au 1er janvier dernier, l’Etat en est l’unique actionnaire. Alors, dans un tel contexte, ce dernier joue généralement l’arbitre des amabilités entre ces (ses ?) deux transporteurs.

Cette espèce de gentlemen’s agreement, ce pacte de non-agression sous le haut-patronage du drapeau tricolore a volé en éclat lors de cette interview. De là, au moins deux questions. La première : Ben Smith (l’alter-ego de Farandou-mais-pas-tant-que-ça chez Air France-KLM) va-t-il s’emparer lui aussi de la hache de guerre ou l’inhumer sitôt déterrée, ayant trop à perdre sur le sujet ?

Et la deuxième… Eh bien, c’est de se demander si cette bravade de Farandou-finalement-pas-si-dur a les moyens de ses ambitions. En effet, la réorientation des politiques futures du chemin de fer français fait la part belle à l’amélioration du réseau régional au détriment des LGV, voies royales de l’européanisation du réseau pouvant potentiellement, sérieusement, concurrencer l’aérien.

Alors quoi ? Que voulait dire Farandur-mais-ce-n’est-pas-si-sûr quand on lui posait cette fameuse question sur la SNCF à dix ans ? Qu’on ne choisirait plus l’avion entre Castres et Albi ? C’est déjà le cas.