G.Grand-Clément: « En France, Enterprise est le plus challenging des grands loueurs »

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Enterprise, premier groupe de location de véhicules dans le monde, fête ce mois de février le dixième anniversaire de sa présence dans l’Hexagone. Guirec Grand-Clément, depuis peu son vice-président directeur général pour la France, dresse pour nous le bilan de l’activité de l’entreprise, notamment sur le segment corporate. L’occasion également de faire un point sur l’actualité de son entreprise et ses investissements, de revenir aussi sur les sujets d’actualité dont la Loi LOM et le déploiement du véhicule électrique.

Votre entreprise exploite trois grandes marques de location, Enterprise, National et Alamo. Quid des deux dernières sur le marché français ?
Guirec Grand-Clément : Nous nous sommes développés sous la marque Enterprise en France. Nous avons ensuite introduit les marques Alamo et National dans l’Hexagone, il y a six ou sept ans. La première est destinée surtout aux voyageurs loisirs, notamment américains et européens. National concerne les voyageurs d’affaires ; son programme de fidélisation
Emerald Club permet de conclure un Master Rental Agreement et ainsi de ne pas avoir à signer un contrat à chaque location. En France, nous restons néanmoins un challenger plutôt qu’un leader, disons le loueur le plus « challenging » parmi les grands…

Combien avez-vous de points de vente en France ?
Aujourd’hui, Entreprise compte 155 points de ventes dans l’Hexagone. Nous avons ouvert quatorze nouvelles agences l’an dernier, dans le contexte sanitaire que l’on connait. Nous nous inscrivons toujours dans une stratégie de développement forte. Environ 80 de nos agences sont dites « de proximité ». Une quarantaine d’autres sont des agences situées en gare ou à proximité. Et les autres se trouvent dans les aéroports, surtout les grands tels Roissy CDG, Nice Côte d’Azur, Lyon Saint-Exupéry…

Quel bilan dressez-vous de l’année 2021 ?
Un bref rappel d’abord : nous comptons trois gros segments de clientèles, soit des locations pour motif professionnel, pour motif loisir, ou en mode de dépannage. Sur le segment loisir, l’activité a bien redémarré jusqu’en octobre, avec un bon été. Alors que le marché s’inscrit à la baisse, notre segment corporate – 20 à 30% de notre activité –  est en progression aujourd’hui. Il a augmenté de 15 à 20% par rapport à la même période il y a deux ans, avant le début de la crise sanitaire. Nous avons gagné des parts de marché. De nouveaux comptes nous ont fait confiance. Nous avons ouvert des agences et embauché de nouveaux collaborateurs.

Qu’en est-il de votre activité dans les gares et aéroports ?
Notre activité de proximité, dans les centres-villes, a complètement redémarré. Sur les aéroports et gares, nous avons tendance à suivre l’évolution du trafic aérien et ferroviaire. Et on voit que notre business en gare est solide, qu’il a repris plus vite qu’en aéroport. La situation est toutefois assez variable. La Gare du Nord, par exemple, est très pénalisée par la forte baisse du trafic Eurostar. En revanche, sur la partie aéroport, notre activité reste très impactée, en retrait de l’ordre de 20 à 30% par rapport à la même période d’avant la crise sanitaire. Et même si nous manquons de visibilité, nous ne tablons pas sur un retour à l’activité pré-Covid avant fin 2023 voire 2024.

Quelles sont vos prévisions pour 2022 ?
Nous sommes plutôt optimistes, avec des déplacements probablement moins franco-français que les deux précédentes années. Sur le segment affaires, nous prévoyons une reprise plus lente et progressive, avec de bons mois espérés sur mai et juin prochains.

Quid du renouvellement de votre flotte ? Avez-vous du mal à trouver des véhicules?
Il me semble que nous sommes un cas unique en France, nous achetons nos véhicules à risque, en propre, que nous revendons nous-mêmes. Pas de rétrocessions en buy-back au constructeur comme les autres loueurs. Cela nous donne plus de flexibilité sur la taille de notre flotte, nous permet de l’adapter selon l’activité et les besoins. Nous sommes bien sûr impactés par la crise des semi-conducteurs, comme le reste de l’industrie. Il y a moins de véhicules disponibles, ou à des conditions financières différentes. Mais nous avons quand même réussi à avoir l’été dernier la flotte que nous souhaitions, même avec retard. Aujourd’hui, nous conservons un nombre de véhicules importants pour répondre à la demande quand elle repartira, à partir de mars-avril. Reste que l’anticipation est très importante, sur le loisir comme sur l’affaire. Et je recommande vivement de réserver sa location en même temps que celle du train ou de l’avion.

Bref, nous n’allons pas forcément manquer des véhicules cette année. Mais il est important de bien connaitre les besoins de nos clients, afin de disposer de la bonne flotte au bon endroit et au bon moment.

Quid de vos partenariats, avec les transporteurs et les TMC ?
Nous ne sommes pas l’un des partenaires principaux d’Air France ou de la SNCF. Mais je note que les clients plus éduqués n’hésitent à déconstruire et choisir eux mêmes chaque prestation plutôt que de réserver d’une traite dans sa globalité deux ou trois types de prestations. Côté TMC, nous avons des partenariats privilégiés avec Amex GBT, Selectour et Havas Voyages, CWT et BCD Travel. Nous croyons beaucoup aux agences de voyages pour nous développer dans le domaine du corporate.

Qu’en est-il de votre approche de la multimodalité ?
Nous discutons avec un certain nombre de partenaires potentiels. Notre entreprise dispose d’une technologie que nous ne déployons pas forcément en France. Nous venons néanmoins de lancer notre offre d’autopartage Car Club que nous proposons pour l’instant exclusivement aux entreprises. Nous souhaitons tester cette offre avec un certain nombre de nos comptes, avant de juger d’une potentielle appétence sur d’autres marchés.

La demande pour les véhicules électriques est-elle déjà au rendez-vous ?
Non, il n’y a pas de demande de masse pour les véhicules électriques. L’autonomie reste encore un facteur anxiogène pour nos clients. Mais il y a clairement une curiosité pour ces véhicules. Et nous arrivons à convaincre des voyageurs d’affaires de les essayer lors de déplacements d’une ou deux journée, en fonction de la distance. Nous constatons alors que les retours sont bons, d’autant que nous ne facturons pas la recharge du véhicule.

La Loi d’orientation des mobilités (LOM) prévoit 10% de véhicules propres dans le cadre des renouvellements de flotte des entreprises à compter du 1er janvier 2022 ?
Deux précisions d’abord. Par véhicule à faible émission il faut plutôt entendre véhicule électrique. Les rejets de CO2 des hybrides sont trop importants. L’engagement des 10% porte par ailleurs sur 2022 (20% à compter de 2024, ndr), il faudra regarder l’ensemble de nos achats à l’issue de cette dernière. Aujourd’hui, nous trouvons les véhicules électriques auprès des constructeurs automobiles, mais pas encore à la hauteur de nos engagements. Nous verrons comment se passe la deuxième partie de l’année.

Pour accroitre la demande auprès des entreprises, nous avons transmis deux propositions au gouvernement, dans le cadre de notre association de la mobilité partagée Mobilians (ex CNPA) : que les locations de courte durée avec un véhicule électrique puisse rentrer dans le reporting qu’une entreprise dotée d’une flotte de plus de 100 véhicules doit faire dans le cadre de la LOM ; que soit stimulée la demande de véhicules électriques avec un chèque dont le montant et la durée seraient encadrées. Nous travaillons toujours sur ces deux mesures…

Que pensez-vous de la montée en puissance de nouveaux acteurs digitaux dans votre secteur ?
La concurrence est toujours stimulante. Je rappellerais tout de même que nous digitalisons la transaction depuis déjà de nombreux années. Mais nous croyons aussi au contact avec le client. Et nous souhaitons d’abord que la technologie améliore notre interaction avec ce dernier. Nous avons généralisé dans nos agences l’usage des tablettes, lesquelles permettent d’effectuer l’intégralité de la transaction d’un véhicule. Elles dématérialisent le contrat de location, et permettent en outre de ne plus être relié nécessairement à une agence physique lorsqu’on va par exemple livrer ou reprendre un véhicule dans une entreprise.