L’UAF dessine un avenir plutôt sombre pour les aéroports français

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En congrès à Montrouge, l’Union des Aéroports Français & Francophones Associés (UAF & FA) s’est de nouveau inquiétée des menaces qui pèsent sur la compétitivité des aéroports français, notamment ceux de petite taille, du fait du niveau des taxes dans l’Hexagone.

Avec la censure du gouvernement Barnier se pose la question de l’avenir des mesures fiscales envisagées dans le PLF 2025 dont la forte hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA ou « taxe Chirac »). Le texte sera-t-il repris par le prochain gouvernement ? L’UAF & FA (Union des Aéroports Français & Francophones Associés), lors de son 6ème Congrès ces lundi et mardi au Beffroi à Montrouge (92), n’a bien sûr pas manquée de rappeler tout le mal qu’elle pense de cette TSBA en sursis, mais aussi des taxes récentes (TEITLD) et à venir (T2S), de leur impact négatif sur l’activité du transport aérien et le pavillon français. 

Thomas Juin, son président (réélu pour un troisième mandat), a toutefois tenu à saluer les efforts du sénateur centriste Vincent Capo-Canellas, également président du groupe d’études Aviation civile. Présent dans la salle, ce dernier a fait passer il y a une semaine au Sénat un sous-amendement visant à réduire la hausse du tarif de solidarité sur les billets d’avion pour la classe économique de 9,50 euros à 5,30 euros. D’autres sous-amendements ont porté sur les lignes d’outre-mer et la Corse. De quoi doubler et non plus tripler le montant de la TSBA.

Le désormais ex-ministre délégué chargé des Transports François Durovray, venu clôturer le congrès, n’a pas contesté l’impact négatif de la hausse de la TSBA pour le secteur. Il a reconnu qu’elle s’inscrivait dans une approche purement comptable, qu’il était en effet du devoir du gouvernement de s’attaquer aux comptes publics très dégradés.

Thomas Juin, qualifiant le PLF 2025 de « coup de grâce », a rappelé son souhait de voir les taxes perçues sur le secteur aérien réinvesties dans des projets de décarbonation. Il a ajouté prendre « très au sérieux » la menace de Ryanair, du fait de la hausse de la TSBA, de quitter dix aéroports régionaux français, surtout dans une période où les compagnies aériennes manquent d’avions. Ce qui, au passage, signerait en France un premier recul des low-costs. Mais on n’en est pas encore là ! Outre le projet de hausse de la TSBA en sursis, la compagnie irlandaise est une adepte des coups de bluff. Aujourd’hui, les transporteurs à bas coûts confirment au contraire leur progression et leur prépondérance sur les aéroports régionaux en générant en moyenne plus de 60% de leur trafic et jusqu’à 100% sur les plus petits d’entre eux.

« En 2024, le trafic passager des aéroports français n’aura toujours pas recouvré son niveau d’avance-crise », s’est par ailleurs inquiété Thomas Juin lors de son discours de clôture. Le recul du trafic domestique s’explique par la baisse des déplacements professionnels en avion, les restrictions de trafic imposées par la loi climat et résilience ou encore le redéploiement d’Air France vers le long-courrier et l’alimentation du hub de Paris-CDG.

Avec sur ce dernier point des résultats en dents de scie, Camilo Perez-Perez, Responsable Trafic, Capacités Aéroportuaires et Régulation Économique du Groupe ADP notant lors d’une table ronde que le taux de correspondance sur Roissy (environ un tiers de son trafic passager) se dégradait au profit d’autres aéroports, surtout les hubs des pays du Golfe, d’Afrique et de Turquie.

« Air France, qui s’était déjà retirée des aéroports de proximité va cesser également ses opérations sur les grands aéroports régionaux, mettant fin aux navettes emblématiques comme Toulouse-Orly, Nice-Orly ou Marseille-Orly » a poursuivi Thomas Juin, constatant que « le développement des aéroports régionaux ne passe plus par Air France en dépit du développement récent de la compagnie Transavia sur un autre segment de marché ».

L’autre évolution marquante des derniers mois est la plus grande volatilité des compagnies aériennes qui recherchent avant tout la profitabilité des lignes, et n’hésitent pas à bouger leurs actifs d’un aéroport à l’autre. Air France a quitté Orly et va fermer Strasbourg, Ryanair a quitté Bordeaux, easyJet ferme ses lignes au départ de Paris-Beauvais et supprime sa base de Toulouse.

Dans un contexte de forte concurrence entre aéroports européens, le coût de touchée (*), comme le relève une étude de l’observatoire créé par l’UAF et la DGAC visant à comparer ces prestations entre les différents aéroports, a par ailleurs augmenté en France ces dernières années (TSBA, missions régaliennes…), creusant l’écart avec l’Espagne ou l’Italie, de grandes concurrentes touristiques. Mais il reste moins élevé qu’en Allemagne, Royaume-Uni ou Pays-Bas.

Sabine Granger, directrice des aéroports régionaux français chez Vinci Airports (gestionnaire de sept aéroports dans l’Hexagone dont celui de Clermont-Ferrand), s’est notamment inquiétée de la situation dramatique de certaines plateformes en terme de trésorerie, invitant à réduire la taxation sur les aéroports de petite taille, sans bien sûr rogner sur la sureté-sécurité. « Comment attirer de nouveaux concessionnaires avec des déficits régaliens ? » a-t-elle ainsi interrogée.

L’enjeu est d’autant plus important que les aéroports multiplient leurs efforts en matière de décarbonation, pour un coût non négligeable, et jouent un rôle important dans le développement économique des territoires. Malgré le contexte, il existe quand même une bonne raison de faire preuve d’optimisme : IATA prévoit un doublement du trafic aérien mondial dans les  vingt prochaines années. Et on serait surpris que les aéroports français n’en profitent pas un peu…

(*) Prestations facturées sous forme de taxes ou de redevances, à une compagnie aérienne pour effectuer l’atterrissage, la circulation au sol, le stationnement et le décollage de l’aéronef, le débarquement et l’embarquement des passagers.

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