Le transport aérien appelle à créer une filière SAF en France

351

La FNAM, lors d’un point presse ce lundi, a présenté ses propositions à l’attention des candidats à l’élection présidentielle. Le secteur du transport aérien souhaite en effet un soutien accru de l’Etat pour renforcer sa compétitivité et en même temps la souveraineté du pays. D’une crise à l’autre, les représentants des compagnies aériennes craignent également de devoir répercuter certains coûts et augmenter fortement leurs tarifs.

Le transport aérien est un contributeur majeur à l’économie française, un actif de souveraineté, un outil de désenclavement des territoires. Et il pèse lourd en matière d’emplois, dans tous les territoires, recrutant massivement dans des bassins de population plutôt défavorisés. Alain Battisti, président de la FNAM (Fédération nationale de l’Aviation et de ses Métiers), pour toutes ces raisons, et bien d’autres, n’a pas manqué d’interpeller les candidats à l’élection présidentielle – et accessoirement les pouvoirs publics – sur l’importance du secteur, surtout pour un Etat qui se veut stratège. Une démarche d’autant plus louable que les candidats évoquent tous et à tout bout de champ les questions de souveraineté. « Et nous souhaitons ainsi influer sur les choix du futur président » a-t-il précisé.

Avec la pandémie et maintenant la guerre en Ukraine, le transport aérien est « en souffrance ». Les acteurs français du secteur sont d’autant plus inquiets qu’ils sont entrés déjà très fragilisés dans la crise sanitaire, comme en témoignent les faillites d’Aigle Azur et XL Airways. Et il y a urgence à enrayer les pertes de parts de marché du pavillon français constatées depuis plusieurs années (il ne représentait plus que 40% en 2019).

La FNAM a ainsi fait parvenir début mars un document aux candidats à la présidentielle. « Et nous leur demandons un retour par rapport à ce document pour le 25 mars au plus tard. Les réponses seront communiqués à nos adhérents mais aussi au public« , a poursuivi Pascal de Izaguirre, Vice-président de la FNAM et président de la Commission des Affaires Transverses.

Pascal de Izaguirre et Alain Battisti

Le document est articulé autour de quatre grands axes. Parmi ceux-ci : le souhait du secteur d’être accompagné dans sa transition écologique. Alain Battisti, sur le renouvellement des flottes, a tenu à rappeler que le temps de l’industrie aéronautique n’était pas celui des politiques, et pas davantage celui des compagnies aériennes. Et les modes de propulsion de demain sont plutôt pour après-demain. Avec parfois de sérieuses réserves sur certaines options : Marc Rochet, président de la Commission Economie et Compétitivité au sein de la FNAM, évoque notamment les contraintes techniques auxquels vont être confrontés les concepteurs de l’avion à hydrogène.

« Notre urgence, c’est le développement d’une vraie filière SAF. Et nous appellons le futur gouvernement à la mettre en place, c’est un arbitrage politique« , a poursuvi Alain Battisti. L’Etat impose d’ailleurs 1% de ce nouveau carburant durable dans les réservoirs des avions français cette année. « Mais nous n’y arriverons pas et devrons payer une taxe pour cela » a regretté Marc Rochet. Et les 2% fixés pour 2025 sont peut-être aussi déjà hors d’atteinte, même si Total pense le contraire. Autant dire que la constitution d’une filière SAF française n’en est vraiment qu’à ses débuts. Elle pourrait pourtant constituer un acte de souveraineté fort dans un contexte de concurrence exacerbé. « Pour cela il faudrait remplacer la fiscalité punitive par une fiscalité incitative » préconise le PDG de Corsair, qui attend de l’Etat un plan d’action cohérent pour les 20 ou 25 prochaines années. Les compagnies aériennes ne se font guère d’illusion : ce carburant coûte quatre fois plus cher que le kérosène fossile aujourd’hui, et la baisse de son prix liée à sa production de masse n’est pas pour demain.

Le secteur va aussi être confronté dans les prochaines années au remboursement de la dette « régalienne » créée pendant la crise de Covid et estimée à un peu plus de trois milliards d’euros. « Et cette dette va être d’autant plus dure à supporter que les taux d’intérêt vont augmenter » a prévenu Marc Rochet. Cette dette provient d’une spécificité française : un certain nombre d’activités régaliennes comme le financement de la sûreté aéroportuaire ou du fonctionnement de la DGAC repose sur des taxes perçues par les compagnies aériennes auprès des passagers. Des coûts de sureté financés au travers de la Taxe d’Aéroport (TAP). Laquelle taxe a été multipliée par six en 15 ans et pèse près d’un milliard d’euros par an. La FNAM demande donc que ces activités régaliennes soient progressivement couvertes par le budget général de l’Etat.

Vers des hausses des tarifs aériens de l’ordre de 15 à 20% ?

A cette dette s’ajoute désormais la hausse du carburant, conséquence de la guerre en Ukraine (et à l’entente entre la Russie et l’Arabie Saoudite au sein de l’OPEP+). Et le trafic affaires repart avec une « lenteur désespérante ».

« Il va bien falloir réformer le système, le rendre plus performant. Si vous ajoutez le pétrole à la dette et ses intérêts, on pourrait assister à des hausses de tarifs de l’ordre de 15 à 20%. A ce niveau d’augmentation des prix je ne connais pas de marché qui ne se rétracte pas. Et c’est tout ce que nous ne voulons pas » a poursuivi le directeur général d’Air Caraïbes et président de French Bee.

Alain Battisti est par ailleurs revenu sur les OSP (obligations de service public), « un système alambiqué, bancal et d’un autre âge » basé sur une estimation du nombre de passagers et de la recette par la compagnie, et qui a continué à fonctionner pendant la crise même avec de forts aménagements. De plus, les subventions des collectivités territoriales consacrées aux OSP sont très insuffisantes (30 millions d’euros). Et la FNAM de s’interroger sur leur réorientation « consenties pour certaines de manière illégal à des low-costs étrangères« , à l’instar de Volotea reliant Tarbes-Lourdes à Paris quand Transavia desservant la capitale depuis sa voisine Pau n’en profite pas. D’où le recours en référé de la compagnie Chalair.

La FNAM invite également à améliorer les dessertes de CDG et Orly. « Il conviendra en particulier de respecter les calendriers prévus pour la connexion de Paris-Orly au centre de Paris par la ligne 14 ainsi que la mise en service du CDG Express au plus tard en 2026. Le projet de ligne 17 reliant l’aéroport de Roissy à Paris doit rester une priorité« .

Afin d’accompagner l’emploi dans le secteur, la FNAM recommande par ailleurs la création d’un fonds FNE (Fonds National de l’Emploi) Formation spécifique au transport aérien et ses métiers, le développement de programmes de formation académiques spécifiques aux métiers de l’aérien, ainsi que le renforcement des capacités de financements de l’OPCO / AKTO (opérateur de compétences) pour la branche.