Face à l’urgence de décarboner les transports régionaux et de revitaliser les petites lignes, le projet Telli ambitionne de révolutionner le train léger en France. Porté par la SNCF et conçu par CAF, ce train 100% électrique, compact et innovant, promet de remplacer les rames diesel vieillissantes tout en répondant aux besoins de mobilité des territoires. Entretien avec Jacques Berling, chef de projet Train Léger Innovant.
Pouvez-vous nous présenter le projet Telli et ce qui le distingue des autres initiatives de trains légers ?
Jacques Berling, chef de projet Train Léger Innovant, chez SNCF
Telli est un projet « train léger » régional 100% électrique et une initiative innovante dans le domaine du ferroviaire, mais il faut préciser que notre rame pèse tout de même 50 tonnes. Cela fait de Telli le plus petit train régional (TER), mais on est très loin des projets ultra-légers comme Draisy ou Flexy.
Notre rame mesure 30 mètres de long pour 50 tonnes, ce qui reste compact comparé à l’offre actuelle. La grande différence est l’intégration de 6 tonnes de batteries électriques qui permettent la mise en circulation du train. Le projet a démarré il y a près de quatre ans, alors que la SNCF recherchait une solution décarbonée de petite taille. À l’époque, le plus petit train disponible faisait 50 mètres de long et pesait entre 100 et 150 tonnes. Notre ambition était donc de réduire drastiquement la taille et le poids, tout en électrifiant l’ensemble.
Sur quelles lignes ce train sera-t-il déployé et pour quelle typologie de voyageurs ?
Telli est pensé pour les lignes régionales, partout en France — à l’exception des lignes TGV, qui nécessitent une signalisation spécifique. Notre cible, ce sont les dessertes fines du territoire, par exemple des axes au départ de Clermont-Ferrand ou Limoges, mais aussi toutes ces petites liaisons qui maillent la France. Les voyageurs visés sont principalement des navetteurs, des personnes qui font des trajets domicile-travail, notamment sur les derniers kilomètres, là où l’offre actuelle est souvent peu attractive. Le potentiel est important : on estime à 3 millions le nombre de personnes qui vivent à moins de 15 minutes des grandes gares, mais qui peinent à rejoindre les villes faute de correspondances efficaces.
Quels sont les objectifs du projet Telli ?
Notre objectif est double. D’abord, il s’agit de remplacer d’ici 2030 les trains diesel vieillissants. Ensuite, nous voulons offrir une alternative concrète à la voiture individuelle, en augmentant la fréquence des trains : l’idée serait d’avoir un train toutes les 15 minutes au lieu de 30 actuellement, soit un doublement de l’offre. Ce train à batterie sera silencieux, avec une autonomie de plus de 200 kilomètres. Il pourra accueillir 150 voyageurs, dont 74 places assises.
Pour l’Île-de-France, la rame actuelle serait trop petite, mais il est possible d’accoupler jusqu’à quatre trains pour augmenter la capacité. Nous avons également innové sur le système de roues, qui peuvent s’adapter à la hauteur des quais. Cela facilite l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, mais aussi pour les vélos. A bord, nous avons prévu des racks à vélos et des espaces assez confortables pour pouvoir travailler. Enfin, il faut souligner l’impact environnemental : Telli sera 40 fois moins polluant qu’un TER diesel actuel, et 20 fois moins qu’un autocar.
Quelles sont les innovations prévues à bord ?
Les rames seront totalement neuves, construites par CAF ( Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles). Nous avons beaucoup travaillé sur l’aménagement intérieur : prises électriques, espaces différenciés, petits salons à l’avant et à l’arrière, des endroits propices au travail, des sièges confortables… Nous voulons vraiment offrir une expérience de voyage agréable et adaptée aux nouveaux usages.
Quand le train Telli sera-t-il mis en service ?
La date de mise en service dépendra des régions qui passeront commande. Dès que nous aurons ces commandes, nous pourrons lancer la phase d’industrialisation. L’objectif est un lancement avant 2035. Dans un contexte d’ouverture à la concurrence, nous espérons que ce train puisse nous permettre de remporter les prochains appels d’offres régionaux et proposer ainsi une offre décarbonée.
