Intermodalité et désenclavement : et si les sociétés d’autoroutes payaient ?

0
306
Intermodalité et désenclavement : et si les sociétés d’autoroutes payaient ?
(Ph. Jamie Zhang/Unsplash)

Alors que la conférence Ambition France Transports s'ouvre ce 5 mai, pour 10 semaines, le putatif opérateur ferroviaire Kevin Speed avance une proposition structurante au sujet de  l'intermodalité et du désenclavement des territoires ruraux.

Kevin Speed n'est pas un acteur théorique du secteur ferroviaire. L’an dernier, l'Autorité de régulation des transports (ART) a validé l'accord-cadre de dix ans renouvelables entre l'opérateur et SNCF Réseau. L'entreprise prévoit d'ici fin 2028 de desservir trois axes majeurs (Paris-Lille, Paris-Strasbourg et Paris-Lyon) avec une particularité : contrairement aux TGV classiques, ses trains s'arrêteront systématiquement dans les gares intermédiaires comme TGV Haute-Picardie, Lorraine TGV ou Le Creusot-Montchanin TGV.

Dès lors, il serait naïf de ne pas prendre en compte le fait que sa contribution à la conférence Ambition France Transports soit orientée par ses intérêts commerciaux… Son diagnostic et ses propositions n’en méritent pas moins l’attention, notamment quand il s’agit de réorienter une part des recettes des péages autoroutiers vers l'intermodalité et le désenclavement des territoires.

> Lire aussi : Rail : Kevin Speed opérera 3 axes en France à la fin 2028

> Lire aussi : Kevin Speed ou vivre à Amiens et travailler à Paris avec un train à 5€

Dans sa contribution, Kevin Speed part d’un constat qu’il présente comme un paradoxe de la mobilité en France : un réseau TGV efficace entre métropoles coexiste avec une dépendance automobile dans les zones rurales. Les gares TGV périphériques sont déjà saturées (parkings, aires de covoiturage) et mal connectées aux transports locaux, situation qui risque de s'aggraver avec l'arrivée de nouveaux opérateurs ferroviaires. Ce sont principalement les habitants des zones périurbaines, rurales et des villes moyennes qui paient les péages autoroutiers, alors qu'environ 9% des déplacements quotidiens en France sont interurbains sur longue distance (hors fret routier).

Les péages autoroutiers doivent payer

"Si les péages autoroutiers doivent perdurer après l'amortissement de la construction, il apparaît légitime qu'ils contribuent à la desserte des petites villes et des zones rurales", selon Kevin Speed. Cette réorientation partielle des recettes financerait l'amélioration des infrastructures d'intermodalité autour des gares TGV. Le Premier ministre François Bayrou a d'ailleurs souligné que "le transport est la condition de l'égalité des droits sur le territoire" et qu'il faut "définir les moyens concrets pour financer nos infrastructures". 

Le maillage autoroutier offre une desserte fine (un échangeur tous les 10 à 30 km) que le réseau TGV ne peut égaler, tandis que le TGV permet d'accéder rapidement aux centres métropolitains. Renforcer les interconnexions entre ces réseaux créerait un système de transport plus intégré.

Dans un contexte d'allongement des distances domicile-travail et de concentration des services dans les pôles urbains, la mobilité devient un facteur déterminant d'inclusion sociale et économique. or, "l'accès aux métropoles par l'autoroute devient chaque jour plus difficile", constate Kevin Speed. "Il est impératif de connecter efficacement toute la France desservie par la route aux métropoles.

Les infrastructures d'intermodalité restent insuffisantes, particulièrement dans les territoires peu denses, où le rabattement vers les gares TGV demeure problématique faute de transports en commun adaptés. La redistribution d'une partie des recettes des péages autoroutiers pourrait contribuer significativement à réduire ces inégalités territoriales qui s'accentuent avec la concentration des activités dans les grandes agglomérations.

Cercle vertueux

La proposition s'articule autour de mesures concrètes : renforcement des aires de covoiturage et amélioration des dessertes routières autour des gares TGV, développement de lignes de cars express sur autoroutes. L'exemple de Briis-sous-Forges, avec sa gare routière implantée directement sur l'A10, illustre le potentiel de tels aménagements. 

Kevin Speed envisage également la création de nouvelles gares TGV aux croisements stratégiques avec les autoroutes principales. Ces mesures s'inscrivent dans une logique d'optimisation des infrastructures existantes plutôt que dans une course à la construction de nouvelles lignes. Les investissements nécessaires sont conséquents mais pourraient être partiellement financés par cette fameuse réorientation stratégique des recettes des péages.

Cette contribution créerait un mécanisme vertueux : meilleur accès au TGV pour les territoires périphériques, réduction de la pression automobile sur les entrées des métropoles et diminution des émissions de CO2. Cette approche s'inscrit dans une vision systémique où chaque mode de transport joue un rôle complémentaire. L'autoroute n'est plus seulement un concurrent du rail, mais devient un maillon essentiel pour irriguer les territoires. 

A voir ce que la conférence Ambition France Transports, présidée par Dominique Bussereau, fera de cette proposition. Ladite conférence se concluera en juillet par un "séminaire de conférence puis un rapport sera établi prévoyant différents scénarios sur la fin des concessions autoroutières, fin 2031.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici