Présidentielle – Les candidats parlent (un peu) « mobilités »

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Présidentielle - Les candidats parlent (un peu)
Invités par la Fondation Palladio (de g. à d.) : Xavier Bertrand (LR), Hervé Juvin (RN), Fabien Roussel (PCF), Olivier Klein (Maj. présidentielle), Nicolas Mayer-Rossignol (PS) et Yannick Jadot (EE-Les Verts).

La Fondation Palladio avait invité, ce mardi 8 février l'ensemble des candidats déclarés à la prochaine présidentielle à venir plancher sur la "Ville de demain". La mobilité n'a malheureusement pas été assez abordée...

La Fondation Palladio avait invité, ce mardi 8 février l'ensemble des candidats déclarés à la prochaine présidentielle à venir plancher sur la "Ville de demain". Deux candidats ont honoré la conférence de leur présence : Yannick Jadot, candidat Europe Ecologie-Les Verts, et Fabien Roussel, candidat du Parti communiste. Quatre autres ont délégué un porte-parole : Hervé Juvin pour Marine Le Pen (Rassemblement national), Xavier Bertrand pour Valérie Pécresse (Les Républicains), Nicolas Mayer-Rossignol pour Anne Hidalgo (Parti socialiste) et Olivier Klein ("majorité présidentielle" - il n'est pas membre de LREM) pour le candidat putatif Macron. On remarquait l'absence, parmi les candidats "de poids", selon les sondages, d'Eric Zemmour.

Les mobilités : centrales pour les citoyens, secondes pour les candidats

On s'attendait à ce que la mobilité tienne une place centrale dans les discours, ce qui ne fut malheureusement pas le cas, à quelques exceptions près. Le fait était regrettable mais surprenant aussi. Cette demi-journée qui se déroulait dans le cadre majestueux du grand amphithéâtre de l'Institut océanographique (Paris 5ème arrdt), a commencé par la recension d'une consultation organisée par Marke.org sur la ville de demain. Or, il en ressort que les près de 40.000 personnes y ayant répondu ont avant tout évoqué ce thème des déplacements (19%), devant la construction et la rénovation (17%) et la nature et la biodiversité (15%).

Mais il en ressort aussi que les mobilités sont davantage sujettes à controverses - ceci expliquerait-il cela ? C'est sans conteste la place de la voiture individuelle qui clive. Ainsi les citoyens ayant participé à l'enquête se divisent-ils sur :

  • La disparition totale des voitures dans les centre-ville et pour les petits trajets
  • La réduction de la place de la voiture en ville (remplacer des places de parking par de la végétalisation, réduire l'espace automobile au profit de pistes cyclables ou piétonnes)
  • Les propositions qui avantagent la voiture au dépens des vélos ou des piétons

Ces controverses sont contrebalancées par un consensus fort ou assez fort sur quatre axes :

  • Améliorer l'offre de transports en commun publics (maillage, horaire, prix, tarifs, accessibilité...)
  • Développer le ferroviaire sur tout le territoire et réactiver les petites lignes pour lutter contre l'isolement des villes moyennes
  • Valoriser les mobilités douces en ville (créer et sécuriser de nouvelles voies cyclables et piétonnes)
  • Renforcer l'aspect multimodal des transports urbains (parkings relais en périphérie, voies cyclables, bus...)

Quand ils ont parlé de mobilité - mais c'est davantage le logement qui les a alors mobilisé -c'est justement sur ces propositions le plus largement plébiscitées que les candidats ou leurs représentants se sont exprimés. Entre eux aussi, le consensus est assez large. Mais on distingue bien sûr quelques divergences profondes. 

Clivantes ZFE

Les zones à faibles émissions (ZFE) constituent un point d'achoppement important. Ces zones (dont l'accès, rappelons-le, est conditionné à la vignette Crit'Air dont ne bénéficient que les véhicules les plus propres), Yannick Jadot veut les étendre, comme ce fut fait dans certaines villes "écolo" notoires comme Grenoble ou encore Stuttgart. 

Idem pour le maire de Rouen (et président de sa métropole), Nicolas Mayer-Rossignol (PS), qui rappelle que ces ZFE sont la traduction d'une directive européenne. Pointant le coût que constitue l'achat d'un véhicule "vertueux", il défend l'idée d'un leasing social et la mise en place d'aides à l'acquisition d'un véhicule électrique à travers un guichet unique, évitant l'inflation d'interlocuteurs institutionnels pour le bénéficiaire. En cohérence, il annonce l'installation d'un million de bornes électriques sur le territoire national. Même constat du candidat communiste qui se fait plus précis : "Je souhaite que l'extension des ZFE s'accompagne d'un budget de 10 milliards d'euros, correspondant à une prime à la conversion de 10.000 € pour les classes populaires".

Par leur dimension discriminatoire, Xavier Bertrand (LR) estime que les ZFE constituent des "bombes à retardement". L'utilisation d'une expression si alarmiste est révélatrice de la présence en filigrane du mouvement des gilets jaunes dans la problématique "mobilité" telle que traitée par chacun des politiques présents, notamment de droite et d'extrême-droite. Hervé Juvin (RN) osant même un "ZFE : zone à forte exclusion" (sociale, s'entend). Pour ces camps politiques, la ZFE est donc une fausse bonne idée.

Le consensuel rapprochement domicile-travail

Au contraire, le rapprochement domicile-travail est un thème qui, lui, rassemble l'ensemble des candidats présents ou représentés. Dans cet objectif, le déploiement de transports en commun plus nombreux est un élément clé. A ce titre, Olivier Klein (majorité présidentielle), président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine et président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, avance une statistique intéressante. Ce maire de Clichy-sous-Bois et président de la communauté d'agglo Clichy-Montfermeil, estime que les futures infrastructures du Grand-Paris vont multiplier par dix le bassin d'emplois disponibles pour ses administrés.

Des transports en commun gratuits. C'est la proposition faite par Nicolas Mayer-Rossignol, comme ce fut fait à Nantes, Montpellier ou encore dans sa ville de Rouen. Les transports en commun rapprochant le domicile du travail, ce sont aussi les trains du quotidien. Yannick Jadot annonce qu'une de ses premières mesures, en termes de mobilités, serait d'allouer 4 milliards d'euros à leur développement.

Sans entrer dans des mesures précises et chiffrées, Xavier Bertrand appelle lui aussi de ses vœux un tel rapprochement. Il se distingue de ses concurrent en évoquant le télétravail, "phénomène devenu pérenne". Il y voit deux conséquences, qui impactent le bâtiment. "La pièce en plus" des futurs appartements qui accroîtra d'autant la place du bâti; et la requalification d'une partie du mobilier d'entreprise. Côté extrême-droite, Hervé Juvin défend lui aussi cette proximité, rien d'étonnant pour un homme qui se réclame du "localisme".

Covoiturage

Au chapitre des trajets domicile-travail, le covoiturage est un biais par lequel la durabilité pourrait être largement améliorée pour Nicolas Mayer-Rossignol et Yannick Jadot. Le premier entend le faciliter et le financer. Le deuxième ne dit pas autre chose en précisant que l'existence de bassins d'entreprises est à même de rationaliser cette offre. Il propose aussi de rendre obligatoire (il est actuellement optionnel) pour les entreprises le Forfait mobilité durable. Et il ajoute qu'outre le bénéfice écologique de telles mesures, elles permettraient aussi "d'alléger de parfois 1.000 € par an la facture de carburant des personnes qui se rendent en voiture individuelle à leur travail."

Puisqu'imaginer la ville de demain est aussi un exercice particulièrement joyeux et enthousiasmant, concluons sur un trait d'humour. Alors que Nicolas Mayer-Rossignol (PS) était interrogé sur l'opportunité d'un covoiturage des candidats de gauche à cette présidentielle, il répondit : "Très bonne idée. Mais qui conduit ?"