Renfe menace de quitter la France : impacts tarifaires, locaux et continentaux 

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La Renfe menace de quitter la France : impacts locaux et continentaux 
(Ph. AdobeStock)

La possible sortie de la Renfe du marché ferroviaire français constitue un nouveau chapitre révélateur des défis de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire en Europe. 

L'opérateur historique espagnol envisage sérieusement de mettre fin à ses opérations en France. En cause, les obstacles réglementaires et techniques persistants qu’oppose la SNCF, notamment dans le processus de certification des trains à grande vitesse AVE de l’opérateur espagnol. Paloma Baena, directrice générale de la stratégie globale de Renfe, pointe du doigt un processus d'homologation particulièrement laborieux : “Une procédure qui nécessite habituellement six mois s'étire depuis maintenant trois ans”.

La cristallisation de ces désaccords se fait sur la liaison Paris-Lyon. L’enjeu économique est considérable puisque les liaisons transfrontalières actuellement exploitées par la Renfe, notamment Lyon-Barcelone et Marseille-Madrid, accusent des pertes significatives. “Sans accès à l'axe stratégique Paris-Lyon, l'équilibre financier de nos opérations en France est compromis”, explique un porte-parole de l'entreprise espagnole. 

Asymétrie

Une situation d’autant plus injuste, selon l’opérateur espagnol, qu’elle se double d’un paradoxe saisissant : la SNCF, via sa filiale low-cost Ouigo España, a rapidement conquis “plus de 20% du marché espagnol de la grande vitesse”, selon les derniers chiffres officiels, depuis son arrivée, en mai 2021 sur l’axe stratégique Madrid-Barcelone. 

C’est la raison pour laquelle le ministère espagnol des Transports n'hésite pas à dénoncer ce qu'il considère comme un traitement asymétrique. “Nous constatons une disparité flagrante entre la facilité avec laquelle les opérateurs français peuvent s'implanter en Espagne et les obstacles rencontrés par nos entreprises en France”.

Impacts territoriaux

Cette situation de tension met en péril les lignes existantes, Lyon-Barcelone et Marseille-Madrid. L'impact territorial de ce retrait potentiel ne serait pas mince : de nombreuses villes du Sud de la France desservies par ces liaisons - Montpellier, Narbonne, Perpignan, Béziers, Nîmes, Aix-en-Provence - verraient leur connectivité internationale réduite. 

Mais ce sont encore des projets prometteurs comme la future liaison Toulouse-Barcelone, initialement prévue pour avril 2025, qui sont compromis.

Impacts sur les prix

En outre, les gains en termes de prix et de fréquentations seraient effacés.

Comme nous le signalions il y a quelques semaines, selon les données de Trainline, l'arrivée de la Renfe sur l'axe France-Espagne a entraîné une diminution notable des tarifs et une hausse significative des réservations dès la première année. Par exemple, en comparant l'année 2023 à 2022, les prix moyens ont chuté de 67 % sur la ligne Marseille-Madrid et de 17 % sur la ligne Lyon-Barcelone.

Parallèlement, les réservations ont augmenté de 263 % pour Marseille-Madrid et de 140 % pour Lyon-Barcelone. Cette tendance s'est poursuivie l'année suivante, avec une baisse supplémentaire de 21 % du prix moyen du billet Barcelone-Lyon entre l'été 2023 et 2024, accompagnée d'une augmentation de 244 % du nombre de voyageurs.

> Lire aussi : Effets de la concurrence ferroviaire : la preuve par Renfe

Un révélateur des difficultés de la libéralisation du rail européen

Alors que le ministre espagnol des Transports, Oscar Puente menace de porter le dossier devant la Commission européenne, cette situation soulève des questions cruciales sur l'effectivité de la libéralisation du rail européen, un objectif majeur de l’UE pour dynamiser le transport ferroviaire continental.

Si cette libéralisation est théoriquement en marche depuis plusieurs années, la réalité du terrain révèle des résistances persistantes. Les procédures d'homologation, les normes techniques et les contraintes réglementaires sont, en elles-mêmes, non seulement justifiées mais encore indispensables, elles peuvent devenir des outils de protection des marchés nationaux, compromettant l'objectif européen d'un espace ferroviaire unifié et concurrentiel.

Cas d’école

Les très lourds investissements liés à l’adaptation aux différentes normes de chaque pays doivent être compensés par des perspectives juteuses pour les opérateurs entrants. Comme la ligne Paris-Lyon, typiquement, pour la Renfe. A défaut de quoi, le risque est réel de voir s'éroder les avancées en matière de mobilité transfrontalière. 

Cette situation pourrait favoriser un report modal vers l'aérien, à contre-courant des objectifs environnementaux européens qui visent à privilégier le rail pour les déplacements moyennes distances. Et on peut raisonnablement parier que l'issue de ce bras de fer entre la Renfe et la France pourrait bien devenir un cas d'école pour l'avenir de la libéralisation du rail en Europe. Dans un sens comme dans l’autre.

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