La dernière étude Carbookr, due à Corporate Mobilities et OpinionWay, sur le comportement des voyageurs d’affaires français confirme la lenteur de l'adoption des véhicules électriques de location. Les principaux résultats et la réaction de Frederi Villa Vega, CEO de Carbookr.
Ça commence par une bonne nouvelle : 72 % des voyageurs d’affaires ont loué un véhicule électrique au moins une fois au cours des 24 derniers mois. Strictement électrique. Mais ils sont seulement 20 % à le faire de manière régulière. 40 % de manière occasionnelle et 12 % de manière exceptionnelle.
On pouvait envisager qu’une première expérience d’une location de VE (véhicule électrique) joue un rôle de conversion, mais ce n’est le cas, donc, que de 20% parmi les 72%, soit 28,5% qui en sont sortis totalement convaincus… Seulement.
Frédéric Villa Vega modère ces doutes : “Le taux d'adoption, même s'il peut paraître encore faible, est en nette hausse malgré tout après deux ou trois années de lente pédagogie pour inviter les voyageurs professionnels à franchir le pas. Typiquement, je trouve que le second semestre marque un signe vraiment encourageant sur l'adoption des VE (malheureusement dans les précédentes vagues de l'observatoire des mobilités auxquelles nous avons participé, on ne posait pas la question aussi directement de l'utilisation du VE, et je n'ai donc pas de données parfaitement objective sur cette progression de l'adoption).”
Quelles sont les matrices de cette modeste dynamique ?
Soit, adoptons le point de vue du cofondateur de Carbookr et considérons cette adoption, certes modeste, mais en progression. Quels sont, selon lui, les principaux leviers de cette hausse ?
Du coercitif : “La contrainte imposée dans certaines PVE”.
Une meilleure politique de l’offre : “de VE chez les loueurs, mais aussi sur le marché en général, et la généralisation des infrastructures de charge - sur les autoroutes notamment. Ces éléments ont fait basculer de nombreux automobilistes sur du VE perso ou de fonction, lesquels n'ont donc plus de frein pour louer des VE en courte durée sur des déplacements pros.”
[En fait, d’après différentes sources, les ventes de VE se sont légèrement affaissées en France en 2024. Mais cette quasi stagnation fait suite à plusieurs années de fortes hausses, sous l’impulsion, notamment des incitations gouvernementales].
Des facteurs “facilitateurs” : “comme la possibilité de stationner voire de circuler plus facilement en VE, les bornes de recharges sur les parking des entreprises (pour les visiteurs notamment), etc.”
Des paramètres socioculturels : “Le rajeunissement des voyageurs pros, avec une génération Y et surtout Z plus naturellement sensible à son impact environnemental”.
Cette tendance générationnelle se traduit très nettement dans l’étude : 30% des voyageurs de 18 à 34 ans louent régulièrement des véhicules électriques, contre seulement 18% chez les 35-49 ans et 13% chez les plus de 50 ans. Une plus grande conscience écologique chez les plus jeunes, qui fait que 81 % d’entre eux se disent prêtes à demander à leur entreprise de fixer un objectif de réduction de leurs émissions de CO2 liées aux déplacements professionnels.
On peut en outre être surpris (agréablement) par le rôle incitateur fort que constituent les PVE. En effet, les entreprises ayant mis en place une politique de déplacements durables affichent un taux d'adoption de 80 %, soit 8 points de plus que la moyenne générale.
Fragilités
On peut synthétiser l’ensemble de ces remarques en reprenant les quatre motivations principales pour choisir un VE révélées par l’étude :
- la conscience écologique : 61%,
- la conformité avec la politique de responsabilité sociétale des entreprises : 49%,
- le coût inférieur par rapport aux voitures thermiques : 49%,
- l’accès à des avantages spécifiques (stationnement, voies réservées,...) : 45%
Mais, Frédéri Villa Vega met en garde sur la fragilité de cette dynamique : “Il y a un risque majeur qui pèse sur ce taux d'adoption enfin en croissance : les loueurs ont une vraie problématique de coût de détention des VE, pas seulement liée à l'achat et aux infrastructures de charge à installer, mais surtout à la valeur résiduelle du véhicule qui fluctue énormément au bout de quelques mois - le cas de Hertz et Sixt qui ont liquidé leur flotte de Tesla et de Polstar est, à ce titre exemplaire. D’autre part, du côté des particuliers, la baisse des subventions de l'Etat, qui pourrait ralentir le taux de pénétration du VE sur les ventes de véhicules neufs. Avec la conjugaison de ces deux éléments, on pourrait arriver à un paradoxe où l'offre va peut-être grossir moins vite que la demande… Mais on n’en est pas encore là.”
(*) L’enquête a été réalisée en ligne, du 13 au 28 novembre 2024, auprès de 510 voyageurs, dont 368 travaillant dans une ETI (250 à 4.999 salariés) et 142 issus d’une grande entreprise (5000 et plus), ayant effectué au cours des 12 derniers mois, des déplacements professionnels de plus de 200 kms aller/retour.
> Lire aussi : Sixt : des résultats à la hausse, mais pénalisés par le marché des VE
> Lire aussi : Hertz revend 20 000 véhicules électriques pour racheter des thermiques
Résa, litiges, automatisation : peut mieux faire
Voici les autres enseignements de l’étude Carbookr/Corporate Mobilities/OpinionWay…
Un parcours de réservation chronophage
Les étapes les plus longues sont le choix du lieu de location, du véhicule, et la comparaison des options (prix, assurances, etc.). Ces points nécessitent une amélioration pour rendre l'expérience plus fluide. À l’inverse, la saisie des informations personnelles, la validation de la réservation et la confirmation du paiement sont jugées moins chronophages et déjà bien optimisées, bien qu’une automatisation supplémentaire serait bénéfique.
Une satisfaction globale élevée, mais à surveiller
Le taux de satisfaction est élevé (95%), mais une majorité de répondants (58%) se déclare « plutôt satisfaite » et non « très satisfaite » (37%). Les domaines nécessitant des améliorations incluent le choix des options et des assurances et le choix du lieu de location. Les utilisateurs fréquents semblent plus satisfaits, suggérant que la répétition des réservations améliore l’expérience.
Un effort « moyen » de la gestion des litiges
Entre 15% et 20% des voyageurs rencontrent des litiges, principalement liés aux contraventions, aux dommages causés aux véhicules, et au retard de remboursement du dépôt de garantie. Bien que 90% des voyageurs jugent la gestion des litiges satisfaisante, l'écart entre les « très satisfaits » (28%) et les « plutôt satisfaits » (62%) souligne des points de vigilance à améliorer pour les loueurs.