C’est du moins le résultat d’une étude menée par RATP Dev. Jean-Baptiste Boneu, son directeur marketing collectivité et innovation, détaille ces perspectives.
Votre étude met en avant huit tendances pour le transport public de 2030. Correspondent-elles aux chantiers que la RATP va lancer dans les cinq prochaines années ?
Jean-Baptiste Boneu : Je replace cette étude dans son contexte… RATP Dev est l'opérateur de transport public filiale à 100% de la RATP, spécialisé dans la commercialisation du savoir-faire du groupe hors Île-de-France. Nos 20.000 collaborateurs opèrent dans 15 pays, gérant des réseaux emblématiques comme le métro du Caire, les tramways de Casablanca et Hong Kong, ou les bus de Bayonne - sous l'identité locale plutôt que sous la marque RATP.
Pour maintenir notre leadership industriel et commercial, l'innovation constitue un enjeu stratégique majeur. En 2024, nous avons mené une étude prospective complète pour identifier les tendances impactant notre secteur d'ici 2030. Cette échéance volontairement resserrée vise l'opérationnalité immédiate avec des projets concrets à déployer.
Cette démarche répond à un double objectif : en interne, elle nous fournit une boussole stratégique pour orienter notre innovation et évaluer chaque nouveau projet ; en externe, elle accompagne nos clients - les collectivités - dans leurs décisions politiques futures. Ce rapport constitue désormais notre référentiel stratégique et un outil d'aide à la décision pour l'ensemble de l'écosystème.
Parmi ces huit tendances, lesquelles impacteront le plus fortement l'expérience utilisateur ?
J’en distinguerais en particulier quatre majeures… Premièrement, la demande accrue de sécurité et de réassurance. Entre attentats, cyberattaques et crise sanitaire, nos usagers expriment un besoin fondamental de réassurance. Nous développons plusieurs axes d'innovation : l'intelligence artificielle et la computer vision pour détecter automatiquement colis suspects, comportements anormaux ou incidents via la vidéosurveillance - dans le respect des cadres réglementaires, variables selon les pays. Nous travaillons également sur l'ambiance globale des espaces : éclairage optimisé dans tunnels et véhicules, atmosphère sonore et olfactive apaisante pour créer un sentiment de sécurité indispensable à l'attractivité de nos réseaux.
Deuxièmement, la plateformisation digitale. Au-delà du MaaS (Mobility as a Service) intégrant toute la mobilité dans une application unique, nous observons l'émergence de "super apps" - particulièrement au Moyen-Orient - combinant virements bancaires, commandes diverses, réservations de transport... La mobilité devient alors un service parmi d'autres dans ces marketplaces globales.
L'application RATP s'intégrerait donc à une marketplace ?
Plutôt l'inverse : nous préférerions enrichir notre application de services complémentaires - financiers, livraisons, etc. Troisièmement, l'expérience immersive et interactive. Au-delà de notre "sainte trinité" - ponctualité, fiabilité, propreté - les voyageurs attendent une communication fluide et personnalisée. Cela passe par des chatbots conversationnels sur WhatsApp, des avatars multilingues répondant aux 50 questions les plus fréquentes : itinéraires optimisés, tarifs famille, objets perdus, accompagnement personnalisé...
Ces avatars intègrent-ils l'information en temps réel sur l'affluence des lignes ?
Pas encore, mais c'est prévu. Actuellement, ils couvrent l'essentiel des besoins exprimés par nos usagers. Enfin, la fragmentation croissante des flux urbains nous conduit à repenser l'intermodalité : intégration vélo-transport en commun avec tarification dédiée, parkings sécurisés intégrés au ticket, parcours sans couture entre modes. Nous développons aussi des technologies de coexistence sécurisées : détection anticollision sur tramways, assistance à la conduite pour réduire la sinistralité urbaine face à la multiplication des flux piétons, cyclistes ou logistiques.