Tribune JL Baroux – Complémentarité air/train, où en est-on ?

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Tribune JL Baroux - Complémentarité air/train, où en est-on ?
photo So Le Soir / SNCB

Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes, créateur du World Air Transport Forum et de l’APG World Connect. Il analyse dans cette tribune les défaillances de la complémentarité entre transports ferroviaire et aérien.

Le Paris Air Forum a récemment réuni Jean Pierre Farandou, PDG de la SNCF, la directrice Générale d’Air France Anne Rigail, le président de Michelin, Florent Menegaux et Augustin de Romanet, PDG d’Aéroports de Paris. L'occasion de débattre de la complémentarité entre le train et l’avion.

Voilà bien une question qui se pose depuis que la SNCF s’est lancée dans l’aventure de la grande vitesse au milieu des années 1970. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Les investissements consentis ont été si considérables qu'ils ont asséché les ressources financières du transporteur ferroviaire pour maintenir dans un état convenable le reste de son réseau. Le président de Michelin ne s’est d’ailleurs pas gêné pour faire remarquer que sur la ligne traditionnelle Paris Clermont-Ferrand, la vitesse a décru depuis les 20 dernières années, ce en quoi Jean Pierre Farandou a reconnu que les voies s’étaient détériorées pendant cette période et que, par conséquent, on ne pouvait plus faire rouler les trains aussi vite que par le passé. Voilà qui est pour le moins paradoxal au moment où la communication s’accélère, qu’elle soit physique ou digitale.

Le TGV pensé contre l'avion

Soyons clairs, dès le départ la SNCF (qui, pourtant, possédait 1/3 du capital d’Air Inter) et l’aérien se sont livrés en France à une compétition sans merci. Le TGV a été lancé pour cela. A l’époque d’ailleurs personne ne se préoccupait de l’impact écologique lié à la construction d’une voie ferrée à grande vitesse. Ce ne serait plus le cas aujourd'hui. La conséquence sur l’environnement : bruit, production de CO² pour créer les infrastructures et les entretenir seraient certainement pris en compte au même titre que la consommation d’énergie pour faire fonctionner ces installations. Et les inévitables nuisances seraient certainement comparées à de nouvelles dessertes en transport aérien. Il n’est pas sûr que ce soit à l’avantage du transport ferré.

Mais puisque le réseau à grande vitesse a été créé, la question ne se pose plus maintenant d’opposer le train à l’avion. Il s'agit à présent d'examiner les voies et moyens de leur complémentarité au profit du confort des passagers comme cela a été largement souligné par les intervenants. Sauf que celle-ci avance à l’allure de l’escargot. Les exemples sont nombreux. Depuis plus de 25 ans, les clients peuvent combiner un trajet en train pour se rendre dans un aéroport avec un voyage en avion. Les trains peuvent porter des numéros de vol et les grandes gares disposent des codes IATA permettant de les afficher dans les GDS. Voilà qui est parfait, sauf que les clients qui disposent d’un billet avion/train combiné, doivent faire charger ce dernier dans la gare de départ contre un billet de train seul pour la partie terrestre. Je me suis à l’époque étonné de cette pratique pour le moins pénalisante auprès de Guillaume Pepy le prédécesseur de Jean Pierre Farandou. Il m’a répondu en toute franchise que les contrôleurs de la SNCF ne savaient pas et ne voulaient pas lire un billet d’avion ou une carte d’embarquement... et qu’il ne risquerait pas une grève sur ce sujet. Je ne suis pas certain que les mentalités aient évolué.

Aéro...gare... ou pas

Autre exemple : la desserte d’Orly. L’aérogare a été inaugurée en 1960 par le Général de Gaulle. Les architectes ont alors bien pris la précaution de réserver l’emplacement pour une gare SNCF dans cette aérogare et à prévoir les emplacements pour amener les voies ferrées. Eh bien, la jonction n’a jamais été réalisée et les passagers du train doivent débarquer à la gare de Pont de Rungis située à 2 kilomètres d’Orly et accéder au terminal par un transfert dans un bus d’ailleurs peu adapté à ce type de clientèle.

Roissy a été créé sans que les accès ferrés soient intégrés dans les aérogares et on attend toujours que le Roissy Express veuille bien voir le jour. On l’espérait pour 2024, soit plus de 50 ans après la mise en service de Roissy 1, il faudra finalement encore attendre au moins jusqu’en 2026, si tout va bien.

On oppose le transport aérien au train en criant haro sur l’avion. La loi climat en préparation n’a pour but que de freiner l’essor de l’avion sous l’inévitable dictature écologique. Mais Augustin de Romanet faisait remarquer que dans 10 ans il serait sans doute judicieux de la réécrire au profit du transport aérien qui, alors, se sera montré plus soucieux de l’environnement que les moyens terrestres. A méditer.