Face à la crise liée au coronavirus le secteur de l’aérien est à l’arrêt (presque) complet depuis plusieurs semaines. La reprise de l’activité s’annonce progressive et soumise à de nouvelles directives pouvant, à termes, devenir des normes mondiales. Pour Xavier Tytelman, consultant sécurité, défense en aéronautique pour CGI Consulting, il est certain que l’impact sur le marché s’inscrira sur la durée.
DéplacementsPros.com : Peut-on envisager un avant et un après crise concernant l’agencement à bord des avions pour les passagers ?
Xavier Tytelman : Je ne crois pas à un changement post-crise de ce côté là. Tant que le virus circulera il y aura effectivement des restrictions mais les avions qui voleront d’ici à 3 ans auront la même capacité et densité qu’avant. Une nouvelle réglementation que la crise du coronavirus pourrait faire émerger est celle concernant la filtration de l’air. En effet, les avions pourraient alors davantage filtrer d’air extérieur que d’air intérieur afin de favoriser le renouvellement de l’air à bord d’un appareil. En parallèle, de nouvelles mesures de désinfection pourraient être mises en place comme la désinfection non chimique afin d’assurer la sécurité des passagers et des équipages. Si je ne crois pas à un nouvel agencement à bord des avions, cette crise devrait faire émerger de nouvelles normes du côté des constructeurs comme des compagnies aériennes.
Suite à une chute drastique du trafic aérien et aux difficultés économiques des compagnies aériennes, une hausse des prix des billets d’avion est-elle à craindre lors de la reprise ?
A court terme, les compagnies aériennes vont se livrer à une véritable guerre des prix afin que les voyageurs revoyagent au plus vite, notamment pour les low cost. Instantanément nous allons souhaiter remplir les avions le plus rapidement possible pour des questions économiques mais également de maintenance … Il faut que les avions volent et que les pilotes conservent leurs compétences. Ensuite, d’ici à quelques mois, certaines compagnies vont annoncer leur faillite ce qui va réduire la concurrence. Les compagnies qui auront réussi à survivre à la crise auront alors le monopole sur certaines connexions et exerceront dans un marché où l’offre de sièges aura été drastiquement réduite. Cela va donc entraîner une hausse progressive des tarifs, échelonnée sur 5 ans. Les compagnies aériennes ayant fait des prêts vont devoir les rembourser, elles devront peut être faire voler des avions moins remplis et avec moins de concurrence … ce qui entraînera une hausse des tarifs, du moins c’est ce que nous avons pu observer lors des dernières crises sur les marchés matures.
Le développement durable et la transition énergétique feront-ils toujours partie des priorités des compagnies aériennes et des constructeurs ?
A court terme il s’agira de survivre. Les sorties d’argent ou les investissements seront repoussés et les récupérations des commandes de nouveaux appareils devant arriver en 2020 seront également repoussées en 2021 ou 2022. Les compagnies aériennes devront en effet réaliser des économies et elles auront également moins besoin d’avions car la reprise du trafic sera progressive. Il leur faudra entre 2 et 5 ans, voire plus, pour retrouver une santé financière et un trafic identique à l’année 2019. En parallèle, tous les avions commandés cette année sont des avions nouvelle génération et il faudra également plusieurs années aux constructeurs pour amortir les investissements. Cela aura donc pour conséquence de repousser le passage à l’avion hybride ou électrique, il faudra attendre que la génération actuelle soit rentabilisée avant de réinvestir dans de nouveaux moyens techniques et de la R&D. Ce qui va être intéressant est que nous allons sûrement voir des acteurs non historiques s’engouffrer dans cette brèche et tenter de développer de nouveaux appareils.
Quels seront les principales évolutions que fera émerger cette crise, notamment pour les déplacements professionnels ?
Le véritable changement aura lieu dans les aéroports, plutôt que dans les avions. Nous pouvons tout à fait imaginer que des tests médicaux seront obligatoires avant de monter dans l’avion et à effectuer sur place, notamment grâce aux tests sanguins pour détecter si un voyageur est malade ou non. Il faudra néanmoins attendre que ces nouveaux dispositifs soient votés et que les textes adoptés soient les mêmes pour tous les aéroports du monde. Nous pouvons également envisager que les avions auront à l’avenir des sièges modulables en cas de nouvelle épidémie. Mon sentiment profond est que cela va relancer le marché du jet d’affaires. Les trajets seront en effet plus sécurisés, peu ou pas bien plus cher qu’un vol standard, voire moins cher pour les professionnels, et la transition écologique sera bien plus évidente sur de petits modèles d’avions ou des distances plus courtes.