Flavien Tête est le fondateur et administrateur du site d’avis et de classement des compagnies aériennes Flight-Report.
Quelles sont les attentes des voyageurs de l’aérien dans cette période particulière ?
Il y en a deux, principalement. Ils aimeraient avoir de la visibilité sur les contraintes réglementaires et sur l’ouverture des frontières. Quand les décisions sont claires et fermes, ils se remettent à voyager. Ce fut le cas pour les vols vers l’Europe du Sud cet été, notamment. Le contre-exemple, c’est cette décision brutale du Royaume-Uni de mettre en place une quarantaine, à la mi-août, pour les passagers venant d’Espagne. L’annonce a été faite à 18h, il fallait être de retour au Royaume-Uni avant minuit le même jour pour y échapper. Depuis, ce genre de décisions se sont succédées. Il faut donc un effort d’uniformisation des mesures et une plus grande lisibilité des réglementations.
L’autre sujet, c’est la possibilité d’obtenir des tests PCR dans de bonnes conditions, en termes de facilité et de rapidité dans l’obtention d’un rendez-vous, et des résultats. C’est évidemment indispensable quand la plupart des compagnies demandent des tests PCR négatifs effectués dans les 72 dernières heures.
Il s’agit là de mesures qui incombent aux gouvernements. Est-ce à dire que les aéroports et les compagnies font le job ?
Globalement, oui. Les aéroports sont même parfois très proactifs, tentent de suppléer aux insuffisances en termes de tests. ADP (Aéroports de Paris, ndr) a par exemple conclu un partenariat avec un laboratoire pour mettre en place un système de tests efficient sur place, au départ, dans le cas de tests antigéniques dont les résultats sont connus au bout d’un quart d’heure ou « en ville » dans le cas de tests PCR avec des résultats dans les 24 heures… Mais il faut l’autorisation de l’ARS (Agence régionale de la Santé)… et elle est toujours en suspens. Cette réticence relève d’une décision politique : ne pas donner le sentiment que les voyageurs de l’aérien sont privilégiés alors que leur cas est, médicalement, « non essentiel ».
En termes de distanciation et de respect des gestes barrières, c’est satisfaisant, d’autant qu’il n’y a pas foule dans les aéroports. L’embarquement au contact (sans prendre de bus, ndr) est plutôt la norme même s’il y a parfois quelques ratés.
Concernant les compagnies, leur communication est plutôt bonne en matière de mesures sanitaires, je pense que les voyageurs ont confiance de ce point de vue-là. Leur exigence première est très certainement que le nettoyage à bord soit irréprochable. Quand on ouvre sa tablette et qu’on y constate la présence de miettes ou de traces de café, ce n’est jamais agréable. Par les temps qui courent, c’est carrément anxiogène. Nous avons, sur Flight Report, quelques témoignages de ce type d’expériences.
Justement. Dans ces conditions, qu’en est-il de l’expérience voyageur ?
Les voyageurs comprennent, acceptent les contraintes sanitaires, même si, à la marge, certains voyageurs ont pu se plaindre de compagnies trop tâtillonnes – le cas de la compagnie grecque Aegan, par exemple : à peine a-t-on fini son café qu’une hôtesse ou un steward « se jette sur vous » pour vous demander de remettre votre masque.
Reste que, avec, notamment, un masque sur le visage, l’expérience est forcément dégradée. Ce n’est donc pas la peine d’en rajouter. Or, certaines compagnies n’hésitent pas à prendre les restrictions sanitaires comme prétextes à du cost cutting. C’est une grande frustration pour les voyageurs qui n’ont que très peu de visibilité sur le service dont ils vont bénéficier – frustration d’autant plus grande pour les voyageurs qui ont mis le prix pour s’acheter un siège en classe « avant ». Turkish Airlines, notamment, connue en temps normal pour la qualité de son service, a manifestement fait de ses prestations une variable d’ajustement. Il y a le cas d’Air France aussi : seulement du snack froid et des couverts et gobelets en plastique sur les vols européens les plus courts… et le maintien des plateaux repas avec couverts en inox et vrai verre sur les vols plus longs. Autre exemple : Air Corsica a suspendu tout service à bord… On peut donc faire un aller Paris-Ajaccio avec Air France – car il y a partage de codes entre les deux compagnies – où on pourra prendre une collation et faire le retour avec Air Corsica où on ne pourra même pas obtenir un Coca. Où est la rationalité en termes sanitaires ? Il n’y en a pas. Quelle visibilité du service à attendre pour les voyageurs ? Quasiment aucune. Il faut noter, a contrario, le cas vertueux des compagnies Lufthansa Group qui ont maintenu leurs prestations à niveau.