Après KLM et Air France, le repas payant va-t-il se généraliser en classe économique sur le court et moyen courrier ? Et se généraliser à tous les sièges pour tous les trajets ?
Dans un récent article, nous reprenions les propos de Thierry Bellon, fort d’une longue carrière chez Air France, jusqu’à la direction des achats de la compagnie. Pour illustrer la standardisation du “produit” aérien, il énonçait, à titre d’exemples, quelques attendus pour le client : “savoir qu’il y aura un petit-déjeuner avec un jus de fruit, que le bagage suivra, que tout fonctionnera de manière prévisible…”
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Eh bien, désormais, ce petit-déjeuner (ou ce déjeuner, ou ce dîner, ou cette collation) ne sera peut-être plus qu’une option sur les vols de la classe économique, y compris pour les compagnies traditionnelles.
KLM, Air France, Lufthansa, BA et SAS en hors-d'œuvre
C’est du moins une hypothèse que l’actualité récente rend crédible. Alors qu’Air France annonçait, en septembre dernier, une phase de test de cette formule sur certaines lignes en 2025, KLM, sa compagnie sœur, s’y est déjà mise.
Il s’agit, là encore, d’un test qui s’étend jusqu’au mois d’avril, sur les routes reliant son hub d’Amsterdam-Schiphol à Porto, Lisbonne et Oslo, notamment. Si la période d'essai est concluante, l’objectif est d’étendre ce “buy on board” à l’ensemble de ses liaisons européennes.
La démarche de KLM et d'Air France s'inscrit dans une tendance plus large où les compagnies aériennes traditionnelles adoptent des modèles de service autrefois réservés aux LCC (compagnies lowcost). Lufthansa est souvent citée comme l’un des premiers transporteurs full-service à avoir mis en place une telle offre pour ses vols court courrier en Europe. Il en va de même, sur certains de leurs vols régionaux, pour British Airways et Scandinavian Airlines (SAS).
Sauce “lowcost”
L’initiative de ces compagnies se fait dans un contexte de hausse des coûts opérationnels et de concurrence accrue, où la monétisation de services tels que la restauration à bord devient une stratégie pour maintenir la rentabilité.
“Je prêche pour cette solution depuis des années”, souligne Jean-Louis Baroux, fondateur du World Air Transport Forum et d’APG. On peut s’étonner d’un tel enthousiasme pour un homme prompt à déplorer la généralisation du modèle à bas coût. Il s’en explique : “Qu’on le regrette ou qu’on s’en félicite, sur le court et le moyen courrier, les LCC ont gagné. Il faut que les compagnies traditionnelles en prennent acte et s’adaptent en conséquence”.
C’est déjà le cas, dit en substance Jean-Pierre Sauvage, président du BAR France (Board of Airline Representatives) : “Il faut se souvenir qu’avant les compagnies lowcost, les compagnies traditionnelles ne proposaient pas d’allers simples… Là, oui, ces repas payants en classe éco, c’est une nouvelle étape dans le processus d’homogénéisation entre legacies et LCC, facilitée par le fait que chaque Air France a désormais son Transavia”.
Renverser la table
Jean-Louis Baroux ajoute : “Ces repas payants, c’est complètement dans l’air du temps, d’autant que la NDC permettra de les choisir, de les commander et de les payer avant le vol”. En faisant référence à la New distribution capability, il rappelle l’enjeu stratégique majeur des services ancillaires pour les compagnies, certes.
Mais en évoquant la possibilité de choisir son repas, c’est la personnalisation qui est convoquée, soit : le parangon de la fameuse UX. On n’en est pas encore là : on imagine que les wraps et autres snacks vendus par KLM ont davantage pour objectif le maintien de leur marge que la volonté d’enrichir l’expérience client.
Mais c’est une piste que les compagnies traditionnelles ne manqueront pas d’explorer. Car la mise en place d’un tel service pourrait renverser la table : d’une tendance qui rapproche, pour l’heure, les compagnies traditionnelles des LCC, elle pourrait au contraire devenir un élément différenciant en faveur de ces premières.
Et dès lors que ces repas payés à l’avance, pourraient être choisis parmi une proposition variée, il n’y aurait plus aucune raison d’en priver les vols longs courriers et les sièges avant, exclus des expérimentations actuelles. “Et pour ça, l’IA jouerait un rôle majeur dans la connaissance des goûts du voyageur”, enchérit Jean-Pierre Sauvage.
L’abandon de la gratuité perçue ? Pas évident à digérer
Les pertes liées aux repas non consommés à bord des avions (20 à 30% d’entre eux) représentent un coût total estimé à plus de 1 milliard de dollars par an, selon l’IATA. Soit, pour une compagnie comme Air France-KLM, Lufthansa ou British Airways, plusieurs dizaines de millions d’euros par an, en tenant compte du gaspillage alimentaire et des coûts de production inutiles. Réserver à l’avance implique; réserver ET payer en conséquence engage.
C’est un argument supplémentaire qui plaide en faveur de la désintégration du repas du prix du billet et l’évolution afférente : sa commande en amont du vol. Mais cette perspective ne se concrétisera qu’à l’aune des réactions des clients. D’où ces phases de test.
Car si certains voyageurs apprécient la possibilité de choisir et de payer uniquement pour les services qu'ils souhaitent, d'autres peuvent percevoir la fin des repas inclus comme une diminution de la valeur perçue du billet. Les compagnies denevront donc trouver un équilibre entre la génération de revenus supplémentaires et la satisfaction des passagers. De quoi nourrir les débats.