PDG d’Appart’City, Vincent Compagnon détaille les projets de son entreprise et explique pourquoi ce type d’hébergement séduit la clientèle professionnelle.
Que représente la clientèle business pour Appart’City ?
Vincent Compagnon : Déjà, quelques chiffres. Appart’City (AC), ce sont 95 établissements (dont 2 en Belgique et 1 en Suisse, ouverts avant le Covid), totalisant 10.500 appartements. 182 M€ de CA en 2022, 12,5 M€ d’Ebitda la même année, 1.200 collaborateurs auxquels s’ajoutent un millier de sous-traitants (les personnels d’entretien, notamment). AC a été créé dans les années 2000, mais l’entreprise n’a pris sa forme actuelle qu’en 2014, lors de la fusion des réseaux Park & Suites (alors n°3 français) et de Appart'City (n°2). AC, c’est de l’appart-hôtel, court, moyen et longs séjours, urbain, de 2, 3 et 4*.
La clientèle affaires a toujours été le core-business d’AC avec des emplacements urbains, de centre-ville et/ou de quartiers d’affaires. Sur nos 5 millions de clients annuels, les deux tiers étaient des clients business avant le Covid. Aujourd’hui, il y a un rééquilibrage 50/50.
La clientèle business n’est donc pas complètement revenue ? Dans quelles proportions ?
Ce mouvement de rééquilibrage s’explique aussi par une poussée du loisir urbain. Mais effectivement, la clientèle business n’est pas complètement revenue. En premier lieu, celle liée aux gros événements MICE. L’impact est différent d’un établissement à l’autre. Prenons celui du bassin genevois… Le centre de congrès ne tourne toujours pas à plein, l’aéroport Genève-Cointrin a mis du temps à repartir... Résultat : entre 20 et 30% de la clientèle business manquent à l’appel. La situation était comparable en 2022 en Île-de-France où tous les salons et congrès ne se sont pas tenus. On y verra plus clair fin 2023.
L’appart-hôtel pour un voyageur pro, ça ne coule pas de source. Est-ce, comme c’est le cas d’autres tendances du business travel, le comportement pro qui est influencé par le comportement perso avec l’avènement d’Airbnb ?
Indéniablement. Il y a 15 ans l'apparthotel sentait un peu la naphtaline : c’était, en France, avant tout des produits de défiscalisation qui venaient répondre à un besoin en bord de mer et surtout à la montagne. Puis il y a eu duplication de cette offre en milieu urbain, considérant l'opportunité d'une mobilité accrue en général et de la présence de la clientèle business en ville.
Airbnb est arrivé en France il y a une dizaine d’années et a effectivement démocratisé le produit "appartement", en a valorisé l’usage. Il faut se souvenir de la peur des professionnels de l'hébergement. Et il y avait de quoi : il y a alors eu doublement de l’hébergement sur Paris en très peu de temps. Pourtant, durant cette dizaine d’années, les performances de l’hôtellerie n’ont pas baissé. Car Airbnb a répondu à un besoin, à une demande nouvelle. Et effectivement, le voyageur pro, qui est aussi un voyageur "loisir", a commencé à regarder les appart-hôtels différemment.
Il y a 15 ans, quand on faisait visiter un appart-hôtel à un acheteur du CAC 40 ou du SBF 120, franchement, on avait tendance à cacher la kitchenette, à masquer le côté "appartement". Aujourd'hui, les usages ont complètement changé : mettre en avant cette kitchenette, c’est gagner des clients. L’acheteur se dit : "Il y a vraiment un service en plus pour mes collaborateurs".
Mais en plus, pour la clientèle, notamment professionnelle, ce qu’il y a de mieux dans ce type de produit, par rapport à Airbnb, c’est le service : la réception, un staff qui vous connaît, vous accueille…
Et puis le dernier phénomène qui nous a rendu désirable pour une certaine clientèle pro, c’est le Covid, bien sûr : avec des restaurants fermés, une faible appétence pour les lieux publics… L’appart-hôtel a constitué, durant cette période, un produit particulièrement adapté. Certains voyageurs d’affaires l’ont alors essayé et l’ont adopté.
Vous parlez de services. Et c’est précisément autour de cette notion que vous restructurez actuellement votre offre…
En 2020, en pleine pandémie, on a laissé en plan tous les développements prévus pour parer au plus pressé, notamment s’occuper de nos collaborateurs. On a repris en 2021 et on a passé du temps à restaffer - un certain nombre de nos personnels ayant choisi de changer de domaine d’activité. Omicron a plombé le premier trimestre 2022. Puis, dès le printemps, on a assisté à une explosion de la demande aussi bien pro que loisir, à tel point que si 2019 est une année référence, 2022 est une année record avec des augmentations significatives des RevPAR (revenu par chambre disponible, ndr) et de l’Ebitda. 2023 est donc une année de restructuration de notre offre, notamment en direction de la clientèle business. Jusqu'à il y a quelques jours, notre offre n’était pas assez lisible. La distinction entre un 2 et un 4*, par exemple, n’était pas claire. Nos clients nous ont remonté ce problème.
On a donc structuré notre offre en 3 gammes : "Classique" pour l’économique (45 établissements), "Confort" pour le milieu de gamme (43) et "Collection" pour le 4* (7). La moitié de notre offre est donc entre le milieu et le haut de gamme. Cette nouvelle segmentation est en cours de déploiement et sera finalisée début juin.
Le principe de différenciation entre catégories : clarifier notre offre autour du service. Classique : 6 services de base (kitchenette équipée, Wifi fibre, linge de lit et de toilette fournis…); Confort : 9 (accueil H24/24, parking, business corner…) et Collection : 12 (TV Chromecast, salle de fitness, ménage quotidien…). De là, une tarification qui dépend de l'adresse, évidemment mais qui s'échelonne entre 60 et 80€ la nuitée pour Classique, jusqu'à 120 pour Confort, au-delà pour Collection.
Ces trois gammes correspondent-elles à une distinction de typologies de clientèle business ?
Pour chacune de nos trois offres, on a une offre court (1-4 nuitées), moyen (5-27) et long (28+) séjour avec un prix dégressif. Si on consolide ces trois offres, 50% sont sur du court séjour, 25% sur du moyen, 25% sur du long. Et la part des courts séjours a augmenté ces dernières années. Ce phénomène traduit la démocratisation de ce produit auprès d’une clientèle qui allait auparavant dans des hôtels. D’ailleurs, on voit de plus en plus d’hôtels, souvent des 4*, qui vont ouvrir 50 clés en hôtel et vont en développer 20 ou 30 en appartements, sous la même enseigne. La frontière entre les deux types d’établissements s’estompe.
Et effectivement, la clientèle diffère selon la gamme. En Classique, on va avoir une clientèle BTP sur du long stay, qu’on pouvait davantage retrouver auparavant sur B&B, Ibis… Ou encore des entreprises publiques pour des collaborateurs en stage ou en formation. En nuitées, ce seront des commerciaux, des VRP, avec un budget de 60 à 80 € la nuit, petit déjeuner inclus.
En Confort, on a quasi l’ensemble du SBF 120 et du CAC 40 qui est sous contrat avec nous, pour des séjours excédant rarement la semaine. En Collection, on a à peu près le même public pour des séjours courts presqu’exclusivement.
Quel type de contrats proposez-vous aux entreprises ?
Selon la taille des besoins, on propose des offres adaptées. Les PME-PMI, qui n’ont pas forcément beaucoup de nuitées ni même de visibilité sur ce nombre de nuitées, peuvent bénéficier d’une réduction sur le tarif du jour et on leur fournit un mini-SBT qui permet aux collaborateurs de gérer leurs réservation, la facturation en fonction des droits d’accès qui a été défini par l’entreprise. C’est très simple, très souple.
Pour les clients plus gros, on est dans un schéma plus classique où on contractualise au cas par cas, que ce soit avec des clients entrants, ou en réponse à des appels d’offres. Par ailleurs, nous sommes référencés dans tous les HBT du marché même si on a pour particularité d’avoir une grosse distribution en direct chez AC.
A ce propos, outre la simplicité, nous accordons une très grande importance à l’hygiène tarifaire. Le monde de la distribution hôtelière a beaucoup évolué ces dernières années, souvent au détriment de la transparence tarifaire et généralement au détriment de la clientèle corpo, d’où cette vigilance à ce sujet.
Avec la restructuration de votre offre, la rénovation de vos établissements est l’autre grand chantier 2023...
Sur 2022-2023, on déploie environ 26 M€ d’investissements, consacrés, en grande partie, effectivement, à la rénovation. Notre stratégie relève du picking : on ne rénove pas un établissement de la cave au grenier…. Changer des sols ici, du mobilier là, refaire des peintures… Ça accompagne la montée en gamme de nos appartements et la labellisation "clé verte" (poubelles de tri, mousseurs pour réduire la consommation d’eau, conditionnements savon et shampooing durables, fontaines à eau…) : la moitié du réseau est labellisée, une vingtaine d’autres établissements sont en cours, et un objectif de 100% est fixé à fin 2024.
En termes d’ouverture : à la mi-juillet, sera inauguré un établissement à proximité de la Gare de Lyon (avenue Daumesnil, Paris 12ème, notre photo, ndr). Il s’agira d’un Collection de 109 appartements, mi juillet. Ce sera le deuxième Collection en Île-de-France en un an, après celui de Saint-Germain-en-Laye (80 appartements). On a repris tous les projets de développements pré-Covid. Sachant qu’un cycle de développement, c’est 5 ans environ, entre la recherche du foncier ou d’un immeuble de bureaux à reconvertir et l’ouverture de l'établissement, en passant par la restructuration, le financement et la durée des travaux.
Immeubles de bureaux ? C’est le flexoffice qui vous offre des opportunités ?
Indirectement, oui. Au départ, il y a des bureaux des années 1970 et 1980 qui sont vétustes. Ils ont besoin d’investissements lourds pour être remis au goût, aux normes et aux usages du jour. Mais en même temps la valorisation du mètre carré de bureau baisse dans les grandes villes, à la faveur, comme vous le disiez, de la nouvelle organisation du travail, notamment. Dès lors, comment, pour leur propriétaire, recycler ces actifs ? Les appart-hôtels constituent une option très intéressante. Plus que l’hôtel car il y a une réversibilité de l’investissement : dans 30 ou 50 ans, l’appart-hôtel peut se transformer en immeuble d’habitation avec une certaine facilité structurelle. C’est très intéressant pour les investisseurs et ils ne s’y trompent pas.
En conséquence, nos résidences sont de plus en plus souvent des bureaux requalifiés. Plusieurs projets de ce type sont en cours de signature et c’est le cas à Paris (y compris intra-muros) comme en province.