Travailleurs nomades de tous pays… votre guide existe !

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BCD Travel propose du travail nomade pour retenir et attirer les talents

Saliha Hadj-Djilani vient de publier un guide (Petit Futé) dédié aux travailleurs nomades et de nous accorder un entretien. L'occasion de se pencher sur ce télétravail d'un nouveau genre, entre palmiers et laptop.

Qu'appelle-t-on un travailleur nomade ?

Saliha Hadj-Djilani : Il faut bien distinguer le travailleur nomade de l’expatrié. Un travailleur nomade est un travailleur qui s’installe dans un lieu autre que le lieu d’activité principal de son ou ses employeurs pour une durée de 6 mois à un an environ. Le choix de cette destination n’a aucun rapport avec son activité professionnelle, il est motivé par ses envies, sa curiosité. Dès lors, cette destination doit lui permettre de travailler dans de bonnes conditions mais aussi de lui permettre un accès facile aux loisirs et aux agréments en général que propose cette destination. Pour le dire d’une formule, l’objectif est de lier l’utile à l’agréable.

Cette notion de temps court sur la destination est importante, sinon le nomade se mue en sédentaire… 

Bien sûr. Et quand je donne cette fourchette “6 mois/un an”, c’est évidemment approximatif mais pas assez proche de la réalité de la plupart des travailleurs nomades. En effet, s’installer ailleurs est une démarche assez lourde. On le fait donc généralement pour 3 mois minimum. Quant à la limite supérieure d’un an, ce n’est pas uniquement parce que les travailleurs nomades ont des fourmis dans les jambes : au-delà de cette limite, même pour les destinations les plus souples, se pose le problème du visa.

Vous croyez à une mode ou à une tendance lourde ?

Dans ce domaine du nomadisme, au moins, je pense qu’il y aura un "avant" et un "après" Covid. Le mouvement va continuer à s’amplifier et se pérennisera. Durant cette crise, il y a eu une prise de conscience des employés qui ont vécu l’expérience du télétravail; mais également des employeurs qui l’ont vécue d’une façon contrainte. Et les uns et les autres en ont tiré la conclusion que, finalement, le bureau comme unité de lieu n’est pas si indispensable pour tout un tas de métiers… C’est un des rares effets positif de la pandémie et c’est une très bonne nouvelle pour le bien-être au travail.

Quel est le profil type du travailleur nomade, tant professionnel qu’en termes de personnalité ?

Bien sûr, de nombreux travailleurs - et très certainement l’immense majorité d'entre eux - ont l’impossibilité de travailler de cette façon. Ceux qui peuvent l'envisager sont surtout des personnes qui travaillent dans le digital, la création : des rédacteurs, des entrepreneurs indépendants, des créateurs de sites, des graphistes... Il faut être très organisé et plutôt bien installé dans son activité car le nomadisme n’est pas la situation idéale pour aller à la chasse aux clients ou visiter des prospects. Or, on a beau être sous les cocotiers, on est là pour gagner sa vie : on n’est pas en vacances… Ceux qui n’ont pas cette pleine conscience-là peuvent se retrouver piégés.

Pourtant certaines images sur les RS laissent à penser que c’est le paradis…

Selon la destination choisie, ça peut être le paradis, oui, mais un paradis où on a décidé de se trouver pour travailler ! Alors, c’est vrai, il ne faut pas idéaliser. Il y a beaucoup de choses logistiques à prendre en compte, notamment le logement, les risques sanitaires - surtout pour nous, Français, qui sommes habitués à un très bon système de santé et de couverture... Mais il y a aussi la pression du travail qui s’exerce parfois dans un contexte un peu décalé. Et le décalage n’est parfois pas que métaphorique : si votre patron vous envoie un mail urgent à 9 heures pour lui, ce n’est pas son problème s’il est 5 heures pour vous ! 

Vous parliez de logement. Quelle formule est la plus adaptée ?

C’est très divers, ça dépend des destinations et du pouvoir d’achat du nomade. Airbnb arrive en bonne place mais ça ne fonctionne pas partout et les locations sont souvent courtes, en tout cas rarement de plus d’un mois, et plus encore de 3 mois. Le changement de logement reste une charge mentale donc ce n’est pas toujours adapté. Pour certaines destinations, notamment asiatiques, il existe des groupes Facebook de travailleurs nomades qui se refilent des bons plans (un expat' qui sous-loue son appartement pour 6 mois par exemple) ou encore pour des colocations, formule très courante à Montréal, par exemple. Il existe aussi le site WeAreRemoters, très utile, dédié aux travailleurs nomades et qui référence 200 villes. Ce genre d'outils permet d'ailleurs de relativiser ce que je disais sur les 3 ou 6 mois minimum. Autre avantage : chez les travailleurs nomades indépendants, les revenus peuvent fortement fluctuer d’un mois à l’autre et, en conséquence, un logement abordable un jour ne l’est plus forcément la semaine suivante. Il existe bien une solution quasi idéale : l’aparthotel mais c’est souvent onéreux. Ou encore, pour les destinations qui tentent d’attirer les nomades, comme les Canaries, des habitations collectives qui leur sont dédiés; c’est abordable, pratique et sympa… Mais là, on est quand même, si on s'y laisse prendre, dans l’entre-soi. Je pense que l’intérêt du télétravail, c’est de découvrir une destination, pas de vivre en communauté fermée. Quant à la location classique, ce n’est pas évident quand on n’a pas de contrat de travail dans le pays d’accueil.

Votre guide est organisé autour d’une trentaine de destinations (dont la moitié en France). Quel a été votre critère de sélection ? La praticité ou la désirabilité ?

En tout cas, je n’ai pas choisi de destinations indésirables ! C’est un peu des deux, en fait. Barcelone, typiquement, coche les deux cases : avec tous les atouts de cette ville, bien connus, et, en plus, toutes les infrastructures qu’elle propose pour les étrangers avec sa tradition d’accueil d’expatriés, de backpackers, d’étudiants Erasmus… Mais j’y ai aussi mis Miami. Et là, clairement, le critère de désirabilité l’emporte, car aux Etats-Unis, on sait que les visas longue durée sont très difficiles à obtenir. En vérité, pour y être travailleur nomade sans bouleverser sa vie et s’engager dans de très longues procédures incertaines, la meilleure solution est de s'y déclarer comme touriste et d’y rester les 90 jours réglementaires...

New York semble désirable aussi. Elle n’est pas dans votre sélection…

Effectivement. Et c’est pareil pour Paris ou Londres, par exemple. Par mon expérience de travailleur nomade, et les rencontres avec mes “semblables”, je crois pouvoir dire que le cadre idéal n’est pas hyper-urbain, dans le sens d’une électricité stimulante, certes, mais aussi d’un stress certain, au quotidien. Le nomade aspire, je pense, à une sorte de slow life avec tout ce que ça implique en termes de nature, de plage, de douceur, de plaisir, d’épicurisme pourquoi pas. Sinon, pourquoi bouger de son lieu de travail d’origine ? 

Le désir, c’est évident. Qu’en est-il du pratique ? 

Une très bonne connectivité, c’est la base. Ce n’est pas pour rien que les travailleurs nomades sont appelés “digital nomads” en anglais. Aux Seychelles, où je me trouve actuellement, ils ont essayé de se promouvoir en tant que destination “nomades”. Mais dans certains endroits de l’île, c’est une catastrophe. Donc il faut être très attentif à ça. Evidemment : un hébergement qui soit accessible à notre budget est essentiel. Les Maldives ont commencé à communiquer sur des villas pour nomades… Mais en fait pour gens très riches, peut-être pour des entrepreneurs dont la boite est cotée en bourse et qui n’ont pas attendu ce genre de pub pour le faire !  Il faut aussi des formalités simples. Je décerne ce prix à la Géorgie, où on peut rester une année sans quasi aucun document à fournir - la très belle ville de Tbilissi est d’ailleurs dans mon guide. Il faut aussi que des espaces de coworking existent, non seulement pour les services qu'ils proposent, mais aussi pour rencontrer des gens. Car le nomadisme, ça peut aussi être une forme de solitude pesante. Il y a aussi, évidemment, les critères de sécurité - Johannesburg ou Sao Paulo ne sont pas dans le guide ! - mais aussi d'accessibilité aux loisirs et au plaisir - météo, plage, nature… Car, encore une fois, c’est ce qui motive grandement le choix du nomadisme. Le créneau horaire par rapport à son employeur peut être déterminant aussi. Mais peut-être que le plus important - surtout durant cette période, c’est la santé. Et les compagnies d’assurance commencent à proposer des contrats adaptés aux nomades - elles se sont même frotté les mains quand elles ont identifié cette nouvelle clientèle. Il faudrait d’ailleurs qu’elles travaillent un peu sur leur produit qui, aujourd’hui, s’élève à environ 50€ en moyenne par mois.

Les assurances ont senti le bon coup “nomades”, mais, avec ce guide, vous aussi !

Je ne l’ai pas senti, je l’ai vécu ! En fait, j’ai écrit ce guide en travailleuse nomade. Je suis parti à Dubaï juste avant le Covid, en janvier 2020. Moi, je suis journaliste spécialisée dans le voyage : partir fait partie de mon job. J’y ai rencontré beaucoup de nomades européens dans les mois qui ont suivi car les hôtels y étaient très peu chers alors qu'on était en pleine pandémie, et on était sans confinement, contrairement à l'Europe. Des gens qui travaillaient beaucoup : chaque matin, je les voyais avec leur ordi aux terrasses des hôtels. Des gens très libres d’esprit qui n'ont pas envie d’être dans des schémas sociaux et sociétaux conformistes. Mais aussi de gens qui avaient les moyens, souvent jeunes entrepreneurs. Donc c'est ce qui m'a fait prendre conscience du mouvement, j’en étais la première surprise. Et je l’ai été plus encore quand je me suis aperçu que, si le hashtag #digitalnomad était pléthorique sur les RS, il n’existait pas un seul guide sur le sujet ! L’engouement que mon guide suscite depuis sa sortie, il y a quinze jours, confirme que j’ai bien senti le coup, effectivement !

Vous avez évoqué ces destinations qui misent sur le nomadisme. Quels sont leurs enjeux ?

Un enjeu direct au niveau économique : le travailleur nomade dépense sur place. Et va peut-être rester… Et ça, pour reprendre l’exemple de Dubaï qui mise énormément sur les talents étrangers (90% de sa population), c’est très important. Pas dans n’importe quelle condition : le ticket d’entrée y est théoriquement de 5.000$ mensuels. Mais, plus globalement, l’enjeu est aussi de faire rayonner la destination : que le nomade en parle, fasse venir des amis ou de la famille… C’est typiquement le cas des Canaries, où le tourisme est vital. Que peuvent-ils pendant la pandémie  ? Ils boostent cette nouvelle filière !