AFTM, une assemblée générale pour anticiper l’avenir

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Pas de révolution mais des évolutions annoncées pour l’Assemblée Générale de l’AFTM qui s’est déroulée ce mercredi 6 juin. La date est forte et elle a sans doute conduit Michel Dieleman, son Président, à lancer à sa façon, un appel à l’innovation. Sur les 328 adhérents, 160 étaient présents ou représentés. Preuve de l'intérêt associatif.

"Depuis dix ans nous avons construit une association qui a pour finalité d’assister, d’aider et d’engager les entreprises à une meilleure connaissance du travel management", explique Michel Dieleman qui a appris de ses années de travel manager chez d’Orange que "l’on ne saurait aller plus vite dans la mise en place de nouveau process qu’en évoquant le sujet directement avec le top management, décisionnaire des évolutions proposées". Globalement, son idée pour l’AFTM pourrait se comparer à celles aujourd’hui développées au sein des entreprises : la conduite de projet.

Qu’a-t-il dit hier ? Il a tout d'abord gravé dans les esprits les mots qui illustreront au mieux l’avenir : réformer, s’adapter, s’étendre pour perdurer. Puis pour conforter ce premier regard, il a listé les évolutions majeurs du marché : sûreté et sécurité, gestion et traitement de la data, l’externalisation partielle ou totale de quelques-unes des attributions des TM et Acheteurs, sans oublier le plus important qui veut que le voyageur devienne prescripteur. Michel Dieleman l’a clairement annoncé : il souhaite transformer l’Association du Travel Management en celle du Mobility Management qui englobe tous les métiers où le mouvement et ses outils sont représentés.

Mais au-delà, il sait que le quotidien est fait d’assistance aux membres et du suivi régulier des grandes évolutions du voyage d’affaires. En désormais habitué des arcanes politiques, Michel Dieleman veut une équipe active à ses côtés. Il ne jette la pierre à personne même s’il s’offusque de voir des membres de son Conseil d’Administration ne pas mettre la main à la pâte. Mais l’homme n’en dira pas plus. Pas de nom, pas de faits. Tout au plus considère-t-il qu’il faut désormais regarder devant et changer, en douceur, l’organisation associative. Ce sont ces constats qui le conduisent à proposer des évolutions à l’Association.

A son actif, le temps dont il dispose aujourd’hui, dégagé de toutes obligations professionnelles. "C’est un atout qui me fait travailler aussi bien le soir que le week-end... Et la journée aussi", avoue-t-il, investi de cette mission militante : développer l’AFTM. Que veut-il ? Oublier la seule notion d’un CA réduit évoquée lors de la dernière soirée en décembre 2017. Il attend au contraire un bureau exécutif renforcé, 7 personnes autour de celles et ceux qu’il considère comme des chefs de projets capables de porter une idée jusqu’à son exécution.

Pour le CA, revenir naturellement à une dizaine de personnes lui semblerait une bonne chose mais il refuse la précipitation. Quid de la réflexion politique ? Elle est aujourd’hui verrouillée par l’omniprésence des sponsors autour du tissu associatif. Visiblement, Michel Dieleman veut dépasser le regard économique pour aller vers un comité de développement, composé des grands noms du travel management français et des RH. "Une structure de réflexion" précise-t-il. Aujourd'hui, très orientée autour d'entreprises du CAC40, elle ne saurait se limiter à ces seules mastodontes faute de voir le mid-market s'en désintéresser.

L’évolution qu’il pressent a cependant un danger, laisser sur le côté les ETI et les PME/PMI qui tablent de plus en plus sur la technologie pour gérer leurs déplacements professionnels… au risque de sous-traiter leur travel management aux seules agences ou à des consultants extérieurs. Mais l’argent restant le nerf de la guerre, il souhaite que l'AFTM engage des économies : réduction du coût de la soirée annuelle, retour aux stagiaires pour assister l’équipe événementiel, les idées sont à l’étude.

Mais tout cela, c’est pour 2019. L’homme n’est pas un habitué du poing sur la table. Il souhaite donner du temps au temps. Ecouter, dialoguer, échanger et obtenir une décision collective. C’est la mission engagée avec cette AG 2018.

Et l’avenir est autant à l’action qu’à la réflexion. Sans être visionnaire, il est facile de constater que le Travel Management bouge. Le regard autour des missions s'observe chez les acheteurs. Comment faire pour qu’un groupe du CAC 40 puisse transformer les mutations engagées au bénéfice des process ? Pas certain que le regard associatif suffise. On voit rapidement, avec des initiatives comme celles de Sodexo, que l’acheteur transfère une partie de la décision au voyageur, en restreignant ses choix et en orientant des envies. Le Nudge s’impose, l’IA remplace l’humain sur les tâches basiques, le savoir n’est plus seulement dans le bureau d’un chef et la vision intergénérationnelle diminue : acheteurs et voyageurs ont désormais le même âge ou du moins la même échelle générationnelle.

A l’évidence, ce comité de développement en cours de constitution au sein de l’AFTM va obliger l’association à réfléchir et assurer un regard permanent sur les évolutions attendues, justifiées aussi bien que mort-nées… A condition, comme le disait Victor Hugo, que "Les barbes blanches ne soient pas les seules autour de la table". Car désormais, on l’a vu aux USA lors de la réunion Acte à New York, "le networking fournisseurs est rejeté par les acheteurs qui veulent de l’indépendance au moment de faire leur choix". Le retour d’un benchmarking isolé du poids des sponsors est redevenu la demande. Autre segmentation qui s'impose : la bataille des spécialistes face aux généralistes. La TMC, touche à tout du voyage d'affaires, se réinvente tout comme les nouvelles offres dédiées qui vont de l'hôtellerie à la restauration via le transport collaboratif.

L’Assemblée Générale de 2018 sera un passage de gué sans danger. Mais pour tenir l’ambition du Président, il faudra des efforts appuyés de tous pour ne pas sombrer dans la parlote et concrétiser sur le papier ou le digital les grandes options qui seront retenues. L’enjeu est aussi chez le Délégué Général, Thibault Barat qui aura la mission de piloter la barque et de prendre à bras le corps un opérationnel démultiplié. Il faut aujourd’hui de l’assistance juridique et pratique aux membres, de vrais livres blancs affinés et pointus sur les techniques d’achat, des ateliers plus nombreux réservés aux seuls acheteurs et une communication plus politique.

Voilà donc les enjeux qu’ouvre la rencontre de ce 6 juin. Une première bataille engagée depuis dix ans est gagnée mais il faut fortifier, renforcer, gonfler les troupes et faire évoluer les thématiques dans un univers qui se concentre, s’ouvre à de nouvelles activités et, au final, aborde le voyage d’affaires comme Monsieur Jourdain aurait pu le faire : sans savoir que l’avenir n’est plus aujourd’hui là où on l’imagine.

Marcel Lévy