Aérien, quel modèle low cost en Asie ?

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D’ici à 2025, le trafic régional en Asie aura doublé. Avec un taux de pénétration de près de 60%, les compagnies low-cost (LCC) se sont largement développées dans la région et ce sont ces compagnies qui bénéficieront principalement de cette explosion du trafic. Pour le plus grand bénéfice des voyageur d'affaires et de leurs entreprises. Mais encore faut-il qu'elles puissent franchir certains obstacles que souligne notre observateur Matthieu Tétaud, spécialiste de l'aérien installé à Singapour.

Les low cost (LCC) se préparent à la croissance attendue du transport aérien en Asie. Avec plus de 700 appareils moyen-courriers en commande, dont la moitié constituée d’A320 neo, les deux plus grosses compagnies LCC d’Asie du Sud Est, AirAsia et LionAir représentent à elles seules plus de 10% du carnet de commandes d’Airbus sur cet appareil.
Avec des avions récents, de nombreuses fréquences et une bonne fiabilité, voyager sur ces compagnies présentent déjà une option sérieuse pour les déplacements professionnels dans la région.

Prenons l’exemple de la route Singapour - Jakarta reliant la capitale de la ville-Etat, 3ème PIB mondial, et la capitale de l’Indonésie, 4ème population mondiale. 1h40 de vol, similaire à un Paris-Madrid, 2ème route internationale la plus fréquentée au monde, plus de 40 vols par jour reliant les 2 villes, contre 22 entre les capitales européennes. Sur cette route, le voyageur d’affaire peut choisir entre les 9 vols de Singapore Airlines,, les 10 vols de Garuda indonesia, les 7 vols de LionAir, les 6 vols de Jetstar, ainsi qu’AirAsia ou bien encore TigerAir et j’en passe. Avec une offre tarifaire en aller-simple, les low cost proposent une offre solide et sur un vol de moins de 2h, beaucoup de voyageurs d’affaire de la région font le choix du low cost en achetant bien souvent leur billet directement sur le site des compagnies la veille de leur voyage.

Plusieurs modèles de low-cost
Plusieurs modèles LCC coexistent aujourd’hui : les pure players comme AirAsia conçues directement sur le modèle LCC, les filiales de compagnies historiques comme TigerAir, filiales de Singapore Airlines, et les modèles hybrides comme Jetstar affiliés du groupe Quantas, mais dont les différentes compagnies sont autonomes.
Toutes ces compagnies ont d’importants carnets de commandes et des ambitions de croissance, mais le trafic régional point à point ne suffira pas à les rendre rentables. D’ailleurs, peu l’ont été en 2014.

Les modèles évoluent donc, et les LCC sont poussées à créer des trafics de connexion, à proposer leurs réseaux à des compagnies long-courriers et à distribuer leur offre via des partenaires technologiques, cette nouvelle complexité augmentant leurs coûts. On voit ainsi des vols JetStar porter le code d’Emirates, AirAsia proposer des connexions à Kuala Lumpur... Du côté des compagnies historiques, à l’instar des compagnies européennes, la pression des compagnies LCC sur le trafic régional et des compagnies du Golfe sur le long courrier, poussent à des réductions sensibles des coûts. Question de survie. Le déploiement de filiales LCC au sein de ces groupes sert aussi de benchmark aux filiales régionales.

Au final, les modèles convergent, et l’on peut penser qu’un modèle hybride dominera largement le trafic régional d’Asie. Simplification des produits à bord, maximisation de l’utilisation des avions, connexion au réseau long courrier, multiplication des produits ancillaires seront la norme.

Comme en Europe, des obstacles à la croissance de l'aérien
Mais plusieurs facteurs peuvent freiner le développement du trafic. Tout d’abord les infrastructures. L’Indonésie devrait devenir le 6ème marché aérien mondial d’ici à 5 ans. Mais les infrastructures aéroportuaires et le contrôle aérien doivent impérativement être modernisés.
Ce problème de capacité des installations est bien réel dans plusieurs pays d’Asie, et une course à la construction d’aéroport est en marche. Ainsi, plus de la moitié des projets de construction dans le monde sont en Asie. Aujourd’hui, la limitation des slots est le principal frein au développement des LCC.

Autre difficulté, la formation des pilotes. Avec un rythme de croissance tel, il devient déjà difficile de trouver des pilotes et les compagnies Asiatiques puisent dans les écoles européennes leurs pilotes de demain.

Côté législation, la communauté des pays d’Asie du Sud Est, l’Asean, devrait prochainement créer un ciel unique. Ceci ne devrait pas avoir d’impact sur le développement des compagnies qui ont déjà mis en place des Joint-Venture leur permettant de contourner les limites imposées par la loi. Ce changement de législation devrait néanmoins permettre la consolidation des acteurs, dans un paysage particulièrement établi aujourd’hui.

Il reste à savoir comment le voyageur d’affaire fera son choix parmi les 24 compagnies LCC présentes en Asie du Sud Est, en plus des compagnies régionales historiques. Si le prix reste un principal critère de décision, quand celui-ci sera similaire entre les opérateurs, quels critères feront la différence ? Horaire, fiabilité, distribution et affinité à la marque reprendront alors leur importance, et le terme low-cost disparaitra de notre vocabulaire.
 
Matthieu TETAUD