Blockchain dans l’industrie des voyages, la révolution qui s’annonce

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On entend beaucoup parler de la blockchain, ce buzzword qui fait frémir les institutionnels de la finance, mais de quoi s’agit-il et quel peut en être l’impact pour les métiers du voyage ?

La blockchain est une technologie de partage de l’information par une communauté d’utilisateurs. Elle est fondée sur un grand livre décentralisé où s’inscrivent l’ensemble des informations, transactions et paiements de la communauté, sans passer par un point central ni tiers de confiance. Ces informations sont transparentes, accessibles à tous les utilisateurs et infalsifiables car personne ne peut les modifier sans l’accord de tous.

Elle permet de gérer des échanges de tout type - informations, contrats, paiements - de manière instantanée et quasi-gratuite, sans l’intermédiaire d’une banque ou d’un réseau centralisé.

Les premières blockchains ont été développées dans des cercles professionnels pour assurer la traçabilité de produits à risque tels que les médicaments ou les métaux précieux. Car la blockchain permet de notariser un historique et d’authentifier les transactions. Mais de nombreux autres développements sont en cours, tels que celui initié par IBM / Walmart pour la traçabilité des denrées périssables. Ou bien encore Peugeot qui vise à intégrer ses véhicules dans une blockchain : Chaque voiture y sera traçable avec l’ensemble de ses données de kilométrage, maintenance, identité du propriétaire, etc… avec une consultation ouverte à tous les professionnels et sans possibilité de falsification.

Depuis la création en 2008 de la première blockchain dédiée au fameux bitcoin, on a vu se mettre en place plus d’un millier de blockchains aujourd’hui en service, dont 200 à 300 majeures. Elles peuvent être publiques ou privées, réservées à un groupe d’utilisateurs, ou bien encore hybrides avec une gestion privée et un accès public.

Dans tous les métiers, la blockchain permet de revisiter l’ensemble des processus pour échanger de l’information, documents et paiements, en s’affranchissant d’une autorité centrale. Elle peut, par exemple, révolutionner le modèle économique des chauffeurs de VTC en leur permettant de gérer collectivement l’ensemble des données de trafic, de géolocalisation et de paiement. Si des réticences demeurent en Europe, souvent liées à l’attentisme et à l’incompréhension du phénomène, ce type de projet a déjà vu le jour aux Etats-Unis : Arcade City, lancée dès 2016, est une plateforme ouverte où conducteurs et passagers peuvent être mis en relation directement, sans intermédiaire. Se définissant comme un « Uber killer » décentralisé et basé sur la blockchain, l’initiative Arcade City démontre que la blockchain a désormais dépassé le stade de l’utopie.

« Blockchainer » un modèle économique, c’est à la fois permettre l’abaissement des coûts et la transparence de la gouvernance. Ces bénéfices de la blockchain peuvent évidemment intéresser tous les acteurs travaillant en réseaux, dans des secteurs tels que la restauration, l’hôtellerie, le transport ou la logistique, très dépendants aujourd’hui de grandes plateformes centralisatrices. Ainsi, l’agence de voyages Webjet a-t-elle lancé une blockchain destinée à ses partenaires. Au cours des deux dernières années, elle a développé Rezchain, une solution basée sur la blockchain, qui permet aux agences de voyages participantes d'éliminer les problèmes de rapprochement des comptes clients et des comptes fournisseurs et les coûts liés aux données non rapprochées. Ce dispositif intéresse largement le marché et Webjet a notamment signé des accords d’utilisation de ce service avec Thomas Cook.

On voit donc que le potentiel de la blockchain est partout considérable, avec un bouleversement de l’écosystème métier au-delà de la révolution technologique. Ainsi, dans l’industrie des déplacements, la blockchain constitue une alternative plausible à l’hégémonie des Uber, AirBnB ou TripAdvisor. Mais, pour que des solutions émergent, l’essentiel n’est pas l’investissement financier car la plupart des solutions technologiques existent, mais la création d’une dynamique dans la communauté des utilisateurs.

Pour y parvenir, il est nécessaire que les acteurs évaluent comment leur métier peut tirer parti d’un modèle décentralisé, qu’ils maintiennent une veille active sur ces sujets et partagent leurs connaissances, avant d’initier un projet avec le recours à des experts. Ce pourrait ainsi être le rôle de laboratoires gérés par les associations professionnelles.

iPar Laurent Leloup
CEO [Chaineum
, premier opérateur français dédié aux levées de fonds en cybermonnaie
Expert et consultant indépendant en techno blockchain et cryptofinance
Auteur de « Blockchain, la révolution de la confiance » (Eyrolles)]i