Indemnités aériennes, quelles possibilités pour le voyage d’affaires ?

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La décision de la Cour européenne d'indemniser voyageur et entreprise en cas de retard aérien a provoqué un certain émoi au sein des compagnies aériennes. Cette première décision qui fait jurisprudence va en appeler d'autres pour préciser les contours exacts de ce qui va se faire, tant il est vrai qu'il semble difficile d'imposer une "double peine" aux compagnies.

La communauté Européenne, dans une générosité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde, a décidé en 2004 (résolution 261/2004) de responsabiliser les compagnies aériennes en leur imposant des indemnités financières liées au retard ou aux annulations de vols. Il est vrai que dans le passé, certaines d’entre elles modifiaient au gré de leurs besoins les programmes de vol sans se soucier réellement du passager. Le sujet n’est pas récent, mais peu d’entreprises jusqu’à ce jour s’y était intéressé. Dommage, il y a sans doute de l’argent à se faire.
 
Que dit cette nouvelle décision de la cour Européenne  ? Elle vient simplement de décider que le voyageur n’était pas le seul à pouvoir bénéficier de ces indemnités. Elle demande que les entreprises, qui financent des billets, soient également associées à ce remboursement. Si la générosité du projet est louable, la réalité risque d’être bien différente sur le terrain. "Elle a au moins  le mérite de reconnaître la personne morale comme opérateur du voyage", explique Edouard Dieleman, directeur opérationnel de la société  et cofondateur d'Air Indemnité "C’est une démarche essentielle pour l’application des règles européennes".
 
Mais la décision pose un premier problème, non encore résolu : l’intégration fiscale de l’indemnité au sein de l’entreprise. Un sujet qu’a oublié d’évoquer la Cour européenne de justice et qui devra être éclairci rapidement.
 
Cette première jurisprudence, qui selon nos informations devrait être attaquée, ne règle pas tous les problèmes. La double indemnité n’est pas prévue légalement par les textes européens. Il s’agit donc pour l’instant d’une interprétation de la cour dont les détails restent flous. "Il faut apporter une réserve à cette analyse", détaille Edouard Dieleman, "Il y a plusieurs niveaux dans cette décision. Il ne faut pas confondre la convention de Montréal et la décision européenne. Pour une entreprise, un retard a des coûts indirects bien réels : perte de temps, coût salarial lié au retard voire même une perte de chance si le contrat qui devait être signé ne l’a pas été en raison d’un retard ou une annulation d’un vol ".
 
Sur le fond, le sujet est d’importance et le soin apporté par les sociétés en charge de récupérer les indemnités est à souligner même si les difficultés ne sont pas encore toutes surmontées. Le texte européen prévoit, comme la Convention de Montréal, que le voyageur ne sera pas indemnisé si l'annulation est due à des circonstances exceptionnelles (conditions climatiques, par exemple), ou si le passager a été informé de l'annulation 2 semaines avant la date du vol, ou si on lui a proposé un autre vol. D’autant qu’en cas d'annulation due à des circonstances exceptionnelles, la compagnie n'est pas tenue d'offrir une indemnisation. Elle peut alors proposer le remboursement du billet (la totalité ou uniquement la partie du trajet non effectuée), le réacheminement vers la destination finale dès que possible ou une nouvelle réservation à une date choisie par le passager et ce en fonction des places disponibles.
Ces clauses, souvent très discutées par les juristes des compagnies, sont celles qui sont en cours de redéfinition de la résolution 261/2004. Plusieurs députés demandent plus de précision et de clarté sur la notion de « circonstances exceptionnelles ». Un sujet pris à bras le corps par les compagnies qui veulent que les circonstances aéroportuaires (retards du trafic, panne technique…) soient également intégrées à la discussion.

"C’est toute la difficulté de ce que nous avons à étudier aujourd’hui" conclut Edouard Dieleman "Car il faudra attentivement analyser ce qui dépend de la réglementation européenne et ce qui tient de la convention de Montréal. Il y aura certainement des actions en justice à mener mais nous travaillerons toujours en total accord avec les entreprises".

Si l’on regarde ce marché des sociétés capables de récupérer les indemnités aériennes dues par les compagnies afin de les reverser aux voyageurs, on peut en compter une petite dizaine sur le marché français. Et la liste est loin d’être close, car deux ou trois projets sont dans l’air et devraient se dévoiler rapidement. Qu’est-ce qui pourrait les différencier ? Le montant des honoraires perçus pour récupérer ses indemnités et les reverser aux voyageurs ou leur capacité à interagir pour faire appliquer une décision de justice européenne qui demande que les entreprises soient associées à ce remboursement ?

Bref, il faut aujourd’hui de la clarification qui ne dépend pas seulement des compagnies mais de l’ensemble de la chaîne du voyage d’affaires. Autant dire que bien des questions risquent de rester longtemps sans réponse. Du moins dans les prochaines semaines car IATA devrait se prononcer sur la jurisprudence européenne. De quoi relancer le sujet.

Téléchargez la résolution 261/23004
Téléchargez la jurisprudence de la Cour Européenne de Justice du 17 février 2016