Laurent Abitbol, Selectour: « Le voyage d’affaires doit faire 70% de l’activité du réseau »

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Laurent Abitbol :
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C’est à marche forcée que le nouveau président de Selectour, Laurent Abitbol, veut conduire les agences de voyages dans l’univers du business Travel. Si aujourd’hui l'activité affaires représente déjà 60 % des résultats de la coopérative, le patron vise les 70 % et un maillage du territoire "le plus complet possible".

"On sait que l’univers du loisir sera plus compliqué ces prochaines années même si le package dynamique est en hausse", attaque Laurent Abitbol, Président depuis juin du réseau d'agences de voyage Selectour Afat, devenu Selectour il y a un mois. "C’est pour ces raisons que nous allons donner une grande priorité au développement du voyage d’affaires qui me semblent particulièrement bien adapté à la structure de nos agences de proximité".

La proximité ne signifie pas que le réseau veut se limiter aux petites et moyennes entreprises. Laurent Abitbol, par ailleurs président du groupe Marietton et patron des agences Havas, voit grand, très grand, des comptes de 30 à 40 millions d’euros qu’il veut faire tomber dans l’escarcelle de la coopérative. Ses armes ? Des agences spécialisées dotées de plateaux d'affaires, la formation et surtout des outils technologiques puissants et efficaces. Au delà, le Président de Selectour veut dynamiser les équipes et insuffler le vent de la réussite.

Mais pour cet homme pressé, "un peu trop" comme il le dit lui-même, il faut aller vite et même très vite pour reprendre des parts de marché. C’est la mission qu’il se fixe et qu’il viendra défendre à Québec début décembre, lors du congrès des 1200 agences Selectour.

DéplacementsPros.com : Vous dirigez Havas voyages et présidez la coopérative Selectour. N’y a-t-il pas un peu de schizophrénie dans la gestion des deux entités ?

Laurent Abitbol : C’est vrai que j’ai la chance de diriger deux groupements forts et réputés qui sont aujourd’hui au sein d’une centrale d’achat avec des visions assez comparables en matière de développement. Nous avons annoncé il y a quelques temps l’arrivée d’outils technologiques chez Havas qui vont nous permettre de répondre rapidement à deux éléments qui m’apparaissent essentiels dans l’univers du voyage d’affaires : le prix et la qualité de service.

Ce sont deux approches qui doivent être obligatoirement partagées par l’ensemble des ressources d’Havas et qui sont déjà des valeurs fortes chez Selectour.

Havas Voyages qui fait 800 millions de volumes d’affaires et que nous avons racheté en quelques jours grâce à l’apport des actionnaires (NDLR, environ 40 millions d’euros) avait compris très tôt qu’il fallait disposer à la fois de l’ensemble de la technologie de réservation instantanée et de la capacité à fournir un service irréprochable à nos clients.
De son côté, Selectour avait anticipé la demande des entreprises en créant un service 24/24 et 7/7 qui s’appuie d’abord sur l’humain pour gérer les problématiques que peuvent rencontrer les voyageurs dans le monde entier. Je me suis toujours posé en arbitre si la concurrence dépassait un cadre acceptable. Je ne crois pas que ce soit le cas aujourd’hui et chacune des deux structures travaille dans son univers, avec ses outils et son regard sur le marché

DéplacementsPros.com : Pensez-vous que Selectour soit un réseau totalement prêt pour développer le voyage d’affaires au niveau que vous attendez ?

Laurent Abitbol : Permettez-moi de vous rappeler qu’en arrivant à la tête Selectour, il y avait un grand nombre de sujets qui devaient être réglés très rapidement. Le développement, dont j’ai pris immédiatement conscience après mon élection, doit s’appuyer sur une stratégie réfléchie et logique. Aujourd’hui, nous n’avons pas pour le voyage d’affaires tous les process et toute la technologie qui nous permettront de conquérir de très gros clients et de les satisfaire. Nous les aurons très vite.

Le chemin qu’à suivi Selectour dans le monde du voyage d’affaires est de très grande qualité avec des équipes parfaitement formées et une très bonne connaissance des attentes du client. La salle de marché qui a été mise en place est un outil unique en matière d’aérien. Mais le marché bouge. Nous avions fait le choix de KDS qui a été racheté par un concurrent et que nous devons absolument remplacer pour offrir le service online attendu par nos clients. Nous ne sommes pas en retard, nous sommes juste en train de mettre en place la base de notre développement et de notre conquête du marché.

Surtout, ne vous méprenez pas : en faisant ce constat, on remarque très vite que nous avons toutes les qualités pour devenir un acteur de choix en quelques mois, je dirais que tout sera en place en mars 2017 avec de réelles surprises qui vont étonner nos concurrents.

DéplacementsPros.com : Havas Voyages a fait le choix de Maya comme moteur d’un SBT qui va regrouper un grand nombre de services pour vos entreprises clientes. Allez-vous également le retenir pour Selectour ?

Laurent Abitbol : il est encore trop tôt pour vous dire quels seront les outils que nous allons mettre en place ces prochains mois même, s’il est vrai, que l’offre est restreinte. Nous sommes ouverts, nous regardons le marché et les offres des fournisseurs et nous allons très rapidement faire un choix.

Aujourd’hui, je constate que nous sommes encore assez lents dans la capacité à gérer les comptes de nos clients et qu’il nous faut des outils dont la réactivité est immédiate et fiable. C’est le cahier des charges que nous nous sommes fixés en interne. Il est encore trop tôt pour donner le nom du produit que nous allons retenir.

DéplacementsPros.com : Quelle stratégie se dessine aujourd’hui dans votre esprit autour du voyage d’affaires chez Selectour ?

Laurent Abitbol : Quelle que soit l’activité dans laquel notre groupe est engagé, dans le loisir comme pour le business Travel, je crois très fortement à la mise en place d’un mixte entre l’humain et la technologie. Ce serait stupide de penser que la technique doit et peut tout faire et qu’elle peut répondre à tous les besoins. L’humain, et on le voit avec notre service 24 24, est indispensable à la compréhension de la problématique clients et à notre capacité d’y répondre. Aussi, tout naturellement, et j’insiste en permanence sur ce point, il nous faut réussir l’équilibre parfait entre le prix de nos services et l’écoute de nos clients.

Ce sont deux éléments sur lesquels j’insiste pour dire aux équipes que ce que nous gagnons aujourd’hui en vendant des billets, quel qu’en soit le volume, ne doit pas nous faire oublier qu’il y a des hommes et des femmes qui les commandent qui les utilisent et qu’il faut en tenir compte. Parler et montrer ce que nous savons faire est nécessaire.

L’autre stratégie, c’est d’être fier de notre origine. Nous sommes Français, nous payons nos impôts en France et nous parlons souvent à des entreprises françaises qui nous ressemblent. Il faut le rappeler sans arrêt, y compris aux entreprises publiques qui découvrent parfois que leurs voyages sont achetés et gérés par des compagnies étrangères pilotées par des structures dont les outils numériques sont hors de nos frontières. Je veux insister sur ce point car c’est à l’évidence une attente nouvelle d’un grand nombre d’entreprises, qu’elles soient publiques ou privées. Nous allons aussi nous battre sur ce point en disant que les entreprises françaises doivent être soutenues et qu’il faut faire savoir nos origines.

DéplacementsPros.com : Allez-vous remettre en cause la politique des fees à zéro ou la fourniture d’un signing bonus ?

Laurent Abitbol : Soyons clairs. Il faut se battre avec les armes qui existent et qui sont utilisées par nos concurrents. Le fait de proposer un signing bonus pour gagner un client ne me dérange pas. On le fait déjà. On sait aujourd’hui que cela représente 1% du volume annuel sur la durée du contrat prévu. Mais je tiens aussi à préciser qu’il y a d’autres formules qui sont à notre disposition pour séduire les clients et leur permet d’optimiser leurs dépenses professionnelles.

En ce qui concerne les frais, je crois qu’il est stupide d’imaginer un court instant que seule la gratuité va attirer le client. Je vous l’ai dit, et je le répète, et je le répéterai dans quelques jours à Québec lors du congrès Selectour, le service et l’humain sont également des éléments attendus pour lesquels l’entreprise est prête à payer quelques euros de plus. Les frais de service portent bien leur nom. Ils ne sont pas là par hasard, ni dans le seul but de gonfler artificiellement le coût de l’intervention de l’agence. Ils doivent représenter le service que nous fournissons et être calculés à un juste niveau.

DéplacementsPros.com : Avez-vous aujourd’hui chez Selectour les moyens de vos ambitions ?

Laurent Abitbol : Très largement. Nous avons une vingtaine d’agences Selectour Affaires, du Nord au Sud du pays, qui disposent de plateaux spécialisés et qui traitent déjà des clients importants. Chacun a son personnel, son approche et sa capacité à gérer les besoins de sociétés importantes avec des budgets voyages au-delà de 10 millions d’euros. Ce qu’il faut aujourd’hui c’est développer notre capacité à répondre vite et bien, en automatique comme en manuel, aux problématiques qui nous sont posées par nos clients.

Là aussi, et je le dirai au Québec, nous n’avons peur de personne. La concurrence nous stimule et nous allons nous battre sur l’ensemble des marchés et l’ensemble des appels d’offres. Ce qui compte, et c’est essentiel pour moi, c’est la motivation des équipes. Chez Havas, elle est totale. Chez Selectour, elle est également très présente et il n’est pas question pour moi qu’elle diminue.

Nous avons des équipes formidables, nous allons très largement développer les formations et nous sommes à l’écoute des attentes de nos salariés pour faire en sorte que, eux aussi, soient à l’écoute de leurs clients.

DéplacementsPros : Que voulez-vous que les adhérents de Selectour retiennent du congrès de Québec ?

Laurent Abitbol : Que nous sommes forts, conscients de nos quelques faiblesses mais aussi de nos forces. Que nous allons rapidement disposer de la palette d’outils pour aller encore plus loin et faire mieux. Qu’il va falloir nous battre dans un marché difficile mais que nous réussirons car nous avons toutes les armes pour. Et croyez-moi, je ne vais pas seulement porter la bonne parole, je vais m’engager personnellement sur cette voie du développement.

Entretien réalisé par Marcel Lévy