Le mobile bouleverse la relation avec les agences dans le voyage d’affaires

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Alors que les valeurs du tourisme, compagnies aériennes ou hôtelières, sont secouées en Bourse par les attentats de Paris, les Journées des Entrepreneurs du voyage (JEVO) posaient ce mardi 17 novembre la question des "évolutions des attentes du client" et de la chaine "transporteurs-GDS-agences-clients". Vaste programme.

Depuis de nombreuses années, le secteur du tourisme de loisirs ne fait que baisser dans les agences de voyage qui ont, tout naturellement pris le virage du voyage d’affaires pour amorcer le relais. Résultat, il représente aujourd’hui 60% du chiffre d’affaires de Selectour Afat, 70% chez certaines agences Manor et plus encore pour d’autres. Mais cela peut-il durer ? C’est bien toute la question évoquée ce mardi matin aux Journées des Entrepreneurs du tourisme.

De nombreuses PME-PMI ont un accès direct au stock des compagnies aériennes, aux sites internet des hôtels qu’elles fréquentent ou aux agrégateurs hôteliers. L’open booking est à la mode et la génération Y des voyageurs d’affaires ne se prive pas de secouer le TM – lorsqu’il y en a un – pour les appeler au best Buy.

A ces interrogations, Charles Petruccelli, invité des JEVO et ancien patron monde d’American Express Voyage d’affaires - toujours au board de l’entreprise - apporte sa réponse en 3 révolutions du voyage d’affaires qui se sont installées en moins de 20 ans dans le paysage économique. La première avec la fin des commissions a marqué une nouvelle forme de relations commerciales avec les compagnies aériennes. La seconde, le online, a permis de simplifier les processus de réservation tout en détruisant une partie de la valeur apportée par les TMC. Enfin, la dernière, la plus importante pour lui, c’est la montée en puissance du mobile. Véritable révolution qui provoque une modification radicale de la relation fournisseur. Le mobile est devenu point d’entrée de la vente directe dans l’hôtellerie et l’aérien. Il n’entrera pas dans le détail affirmant qu’il "réserve sa réflexion sur le sujet à ses propres entreprises".
Face à cette première intervention, Bertrand Mabille de CWT se veut plus rond dans sa vision des évolutions du travel management. "Une réponse à des demandes globales formulées par les clients et qui sont aujourd’hui traités au-delà de la seule vision locale", explique le patron français qui insiste avec justesse sur la réalité économique qui, seule, pilote le marché. "Avec les attentats, en un seul jour nous avons constaté une chute de 20% des réservations", a-t-il souligné en aparté, preuve de la fragilité des positions acquises.

Un propos que reprend immédiatement Michel Dieleman, patron de l’AFTM qui insiste lui sur "le besoin d’écoute du client par la TMC". En évoquant les fees et ce que les acheteurs sont prêts à payer, il assure que "seul un partenariat réel entre l’entreprise et la TMC permet une évolution de l’offre". Pour l’ancien patron du travel d’Orange, "il est nécessaire que le travail engagé avec une TMC prenne en compte tous les aspects de la demande du client que ce soit la sécurité, les attentes budgétaires ou les technologies déployées". Un tout essentiel au moment du choix du fournisseur.
Jean-Pierre Lorente, le PDG de Bleu voyages (TMC lyonnaise qui gère 200 millions de volume d’affaires) manifeste son mécontentement sur le fonctionnement actuel du marché: "il faut jouer à armes égales " et de stigmatiser les signing bonus qui fleurissent "J’ai perdu un compte de 20 millions d’euros parce qu’Amex GBT est venu avec un chèque alléchant séduire l’acheteur ", fulmine t-il. Pour le patron de Bleu Voyages, il est urgent de regarder ce qui tient de la compétition économique et ce qui est de l’univers de la mauvaise concurrence, celle la plus déloyale. La réponse des autres TMC fuse: "pas choquant", pour Bertrand Mabille qui comprend que l’on puisse "acheter" un compte dans certains circonstances plutôt que de licencier dans les équipes et il sait de quoi il parle: "Nous nous sommes séparés d’un millier de salariés pour faire face aux mutations de ce métier ".
Mais au-delà, Bertrand Mabille et Michel Dieleman sont d’accord: "Si le service n’est pas au rendez-vous, l’acquisition du compte ne peut s’installer dans le temps". Et de considérer que le seul prisme financier ne suffit pas à instaurer des relations durables. Logique pour eux d’associer cette vision du marché à la réponse technologique et active du fournisseur.
Notre ami Régis Chambert a mis très récemment le doigt ici sur les signing bonus, qui montre que certaines TMC se débattent dans de telles difficultés qu’elles en viennent à des pratiques douteuses. Les agences auraient elles si peu d’arguments pour convaincre les entreprises ?

C’est bien en filigrane tout le sujet qui a été débattu aujourd’hui à Marseille. Et la question finale, au mileu d’un débat mi marketing mi technologique reste posée : quels éléments différenciant pour justifier du choix d’une agence ? Pour Charles Petruccelli, la réponse est évidente : l’adéquation entre le prix, la technologie proposée et la capacité à gérer toutes les composantes du voyage. Simple ? Pas tant que cela pour Bertrand Mabille qui estime que le réalisme des marchés et l’état de l’économie ambiante est la seule capable de donner une vision de l’avenir. Autant dire que le débat ne fait que commencer !