Voyage d’affaires : L’Eldorado se situe-t-il en Amérique latine ? 

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Voyage d’affaires : L’Eldorado se situe-t-il en Amérique du Sud ? 
(Ph. AdobeStock)

Les aventuriers en quête de juteux marchés “business travel” pourraient bien se retrouver dans la position de Christophe Colomb il y a cinq siècles : à force de chercher l’Inde, on trouve l’Amérique !

Oui, bien sûr, l’Inde. Quelque 40 milliards USD générés par le business travel l’an dernier, le double dans 8 ans (cabinet IMARC), soit un taux de croissance annuel moyen de plus de 7% jusqu’en 2033, ça ne laisse pas indifférent… Et quelques acteurs du travel, business (Navan) ou pas uniquement (Accor), ne s’y trompent pas.

7%, c’est bien. 15%, c’est (deux fois) mieux. C’est le taux de croissance de la même industrie en Amérique latine entre 2023 et 2024, pour atteindre 50 milliards USD (chiffres GBTA). C’est vraisemblablement ce que se sont dit, ces trois dernières semaines, Corporate Travel Management (CTM), Onfly et Mendel. Trois cas qui agissent comme trois indicateurs. 

Deux locaux et un gringo

D’abord, la plateforme mexicaine de gestion des dépenses Mendel vient de lever 35 M$. Déjà établie au Mexique et en Argentine avec des clients comme Mercado Libre et McDonald, l'entreprise prévoit de s'étendre au Chili, en Colombie et au Pérou cette année, puis au Brésil en 2026.

Ensuite, Onfly. Fondée en 2018 à São Paulo, sa plateforme intégrée a conquis plus de 2.000 entreprises au Brésil. Elle vient désormais de lever 40 M$ pour accélérer son expansion régionale. Cibles : le Mexique, avec un objectif de 2.500 clients d'ici 2027, la Colombie, l'Argentine et le Chili. Elle affiche une croissance annuelle de 110% et vise 250 M$ de volume de ventes en 2025.

> Lire aussi : Onfly : une levée de fonds majeure pour le voyage d’affaires en Amérique latine

Enfin, CTM, bien connue des Européens en dépit de ses origines australiennes, puisque dans le deuxième wagon des grandes TMC mondiales, après les mastodontes. C'est donc une référence de la gestion de voyages qui vient d'intégrer l’agence colombienne Trafalgar Tours à son réseau global. Basée à Bogotá, Trafalgar Tours emploie 48 personnes et est spécialisée dans la gestion des voyages d’affaires et le MICE. 

Bogotá, Mexico ou Lima

La Colombie, restons-y un instant. En 2024, le pays a remporté plusieurs distinctions lors des World Travel Awards, dont celle de "Meilleure destination d'affaires d'Amérique du Sud 2024", pour Bogotá. Selon l'Observatoire du Tourisme, sur les 12,3 millions d’entrants en 2023, 26,5% se sont rendus dans la ville pour des raisons professionnelles.

Mais avec ses quelque 4,2 millions de voyageurs d’affaires annuels (MICE compris), la capitale colombienne ne pointe qu’à la troisième place du sous-continent selon ce critère : Mexico (9 millions), São Paulo (7,5) la précèdent. Santiago (3,8), Buenos Aires (3,5), Panama City (2,1) et Lima (2) lui succèdent. Globalement, c’est l’ensemble de l’espace latino-américain qui émerge comme un territoire au potentiel particulièrement prometteur pour les entreprises de voyage d'affaires, notamment celles qui misent sur l'innovation technologique. 

Voici pourquoi…

Un marché colossal… et en retard

50 milliards de dollars, nous l’avons vu : le marché est effectivement colossal. Mais en termes d’opportunités, il y a mieux. Comme le souligne Marcelo Linhares, CEO et co-fondateur d'Onfly : "La plupart des acteurs existent depuis plus de 40 ans et fonctionnent comme des entreprises orientées services avec une adoption technologique minimale. La main-d'œuvre d'aujourd'hui s'attend à retrouver dans les logiciels d'entreprise la même expérience fluide et intuitive que celle offerte par les applications grand public."

Cette situation de décalage entre les attentes des utilisateurs et les services proposés par les acteurs traditionnels, ouvrent ainsi la voie aux entreprises innovantes capables de combler ce fossé technologique : "Il y a beaucoup d'opportunités pour ce type de technologie en Amérique latine car les agences de voyages d'affaires en place sont largement hors ligne. Et alors que l'Europe et les États-Unis ont fait de grands progrès vers la numérisation des voyages d'entreprise, l'Amérique latine est beaucoup plus en retard."

Drew Patterson, venture partner au sein de la société de capital-investissement Tidemark, ne dit pas autre chose : "Le marché est en retard par rapport à régions en termes d'adoption globale de ces outils et technologies (...) Il y a un vaste terrain vierge pour des acteurs comme Onfly désireux de conquérir le marché."

Une transformation rapide des habitudes

Les cimetières d’entreprises sont remplis de startups dont les fondateurs avaient eu raison trop tôt. L’immaturité technologique ne constitue pas en soi une opportunité. Ce qu’il faut aussi, c’est une appétence des publics  pour de nouvelles pratiques.

Or, la vitesse à laquelle les entreprises latino-américaines adoptent les solutions numériques une fois qu'elles y sont exposées semble particulièrement remarquable, si l’on en croit Marcelo Linhares : "Le modèle traditionnel des agences de voyages d'affaires repose fortement sur les services humains. Certains clients d’Onfly sont passés de 90% de réservations hors ligne à 90% de réservations en ligne."

Cette transition rapide démontre l'appétit du marché pour des solutions plus efficaces et modernes, et suggère que le phénomène de "leapfrogging" (saut technologique) pourrait permettre à l'Amérique latine d'adopter directement les technologies les plus avancées, sans passer par les étapes intermédiaires qu'ont connues d'autres régions.

Un afflux d'investissements prévisible

Le potentiel de ce marché n'échappe pas aux investisseurs. Malgré un contexte post-pandémique globalement plus prudent, le secteur du voyage d'affaires en Amérique latine continue d'attirer des financements significatifs, comme en témoignent les levées de fonds dont nous parlions précédemment.

Marcelo Linhares anticipe d'ailleurs une accélération de cette tendance : "Je suis sûr que beaucoup d'investissements en capital-risque (en Amérique latine) seront déployés dans ce segment au cours des deux ou trois prochaines années."

Cette prévision est corroborée par Ian Cox, associé chez PayPal Ventures, qui souligne la particularité de ce marché : "la gestion des dépenses et des voyages des entreprises y reste peu adressée”, confirme-t-il. Mais il prévient : “L'Amérique latine est l'un des marchés fintech les plus dynamiques au monde".

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