Un rapport du Congrès publié ce mercredi, faisant suite à une enquête de 18 mois sur les deux crashs de Boeing 737 Max qui ont tué 346 personnes en 2018 et 2019, accable le constructeur américain. Mais pas seulement.
Les deux crashs mortels de Boeing 737 MAX qui ont entraîné la mort de 346 personnes et ont conduit à l'immobilisation de l'avion au sol dans le monde entier sont le "terrible point culminant" ("horrific culmination") de défauts d'ingénierie, d'une mauvaise gestion et d'un manque grave de surveillance fédérale.
C'est ce qu'affirme un rapport, dû à la majorité démocrate de la commission des Transports et des Infrastructures de la Chambre des représentants et publié ce mercredi 16 septembre, qui condamne à la fois Boeing et l'Administration fédérale de l'aviation (FAA) pour des manquements à la sécurité. En amont de ces conclusions, une enquête de 18 mois basée sur des entretiens avec une vingtaine d'employés de Boeing et de ses agences et sur un nombre de pages de dossiers estimé à 600.000. Sur plus de 200 pages, les démocrates affirment que Boeing a favorisé les profits au détriment de la sécurité et que la FAA a accordé à la compagnie trop d'influence sur sa propre surveillance.
Le rapport a été publié alors que la F.A.A. semblait sur le point de lever son ordre de mise au sol du Max après des vols d'essai concluant cet été. L'autorisation de la F.A.A. pourrait amener les autorités de l'aviation à suivre le mouvement ailleurs et permettre à l'avion de voler à nouveau dès cet hiver.
Le rapport du Congrès a identifié cinq grands problèmes concernant la conception, la construction et la certification de l'avion
Premièrement, la course à la concurrence avec le nouvel Airbus A320neo a conduit Boeing à fixer des objectifs de production et de réduction des coûts une priorité plus importante que la sécurité. Deuxièmement, la compagnie a fait un pari -qui s'est avéré mortel - sur les capacités du logiciel connu sous le nom de MCAS, accusé d'avoir fait piquer les deux avions en plein vol. Troisièmement, Boeing a dissimulé des informations critiques à la FAA. Quatrièmement, la pratique de l'agence consistant à déléguer le pouvoir de surveillance aux employés de Boeing a rendu les choses opaques. Enfin, les démocrates ont accusé la direction de la FAA de se ranger du côté de Boeing et de licencier ses propres experts.
Ces conclusions sont largement conformes à une abondance d'informations mises au jour par les enquêteurs fédéraux, la presse et les conclusions préliminaires du comité après les accidents survenus en Indonésie en octobre 2018 et en Éthiopie en mars 2019.
Ces accidents ont été causés en partie par le système MCAS à bord du Max. Comme les moteurs du Max sont plus gros et placés plus haut que ceux de son prédécesseur, ils pourraient faire remonter le nez du jet dans certaines circonstances. Le MCAS a été conçu pour repousser le nez vers le bas. Dans les deux crashs, le logiciel a été activé par des capteurs défectueux, envoyant les avions vers le sol alors que les pilotes luttaient pour les faire remonter.
Les crash auraient pu être évités, cependant, si ce n'était d'une série de fautes de sécurité chez Boeing et la FAA
Les communications internes montrent que Boeing a licencié ou n'a pas répondu de manière adéquate aux préoccupations soulevées par les employés concernant le MCAS et sa dépendance à un seul capteur externe, a constaté la commission parlementaire. Elle a également accusé Boeing d'avoir trompé intentionnellement les représentants de la FAA, faisant écho à un rapport de juillet de l'inspecteur général du ministère des Transports.
Ce rapport a révélé que Boeing n'avait pas partagé des informations essentielles avec les autorités réglementaires sur les modifications importantes apportées aux MCAS, avait été lent à partager une évaluation formelle des risques de sécurité avec l'agence et avait choisi de présenter le logiciel comme une modification d'un système existant plutôt que comme un nouveau système, en partie pour faciliter le processus de certification.
Les démocrates de la commission parlementaire ont également accusé Boeing d'accorder la priorité aux profits en s'opposant fermement à l'exigence que les pilotes reçoivent une formation sur simulateur pour piloter l'avion. En vertu d'un contrat conclu en 2011 avec Southwest Airlines, par exemple, Boeing a promis de réduire d'un million de dollars la valeur de chacun des 200 avions commandés par la compagnie si la FAA finissait par exiger une formation en simulateur pour les pilotes passant d'une version antérieure de l'avion, le 737NG, à la version Max..
Malgré l'atteinte à la réputation de Boeing, le Max a des clients qui ne peuvent pas rompre leurs contrats avec la compagnie, sont attirés par la promesse d'économies de carburant à long terme ou veulent toujours l'avion dans leur flotte. Pourtant, Boeing a averti en janvier que l'immobilisation au sol du Max coûterait plus de 18 milliards de dollars. La forte baisse des voyages due à la pandémie n'a fait qu'empirer les choses, ce qui a contribué à la décision de l'entreprise de réduire de plus de 10 % ses effectifs.