Redevances aéroportuaires : un arrêt du Conseil d’Etat qui dérange

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Jean-Pierre Sauvage est le Président de Bar France, l’association des représentants de compagnies aériennes en France. Elle regroupe, entre autres, les Directeurs généraux des compagnies exerçant une activité en France.

Dans le conflit opposant les organisations représentatives du transport aérien aux aéroports de la Côte d’Azur (ACA) le Conseil d’État, par  un arrêt en date du 31 décembre 2019  s’est prononcé pour l’annulation de l’article 3 de l’arrêté du 12 juillet 2018 instituant une caisse double (revenus des activités aéronautiques et revenus des activités commerciales) au profit de ces aéroports  au motif que le ministre chargé des transports a pris des dispositions réglementaires qu’il n’avait pas compétence pour édicter en fixant un plafond d’évolution du montant des redevances sans limitation de durée contrairement aux règles du Code de transport et de celui de l’aviation civile.

Dans le même arrêt le Conseil d’État affirme qu’il appartient à l’Autorité de Supervision indépendante de s’assurer que lorsqu’elle fixe les tarifs de redevances  que leur évolution est modérée et qu’il peut être tenu compte des profits dégagés par des activités autres que les seuls services aéronautiques définis par le Code l’aviation civile.

Cette définition ne pouvait que satisfaire nos demandes itératives de voir dévolue, en l’espèce, une partie substantielle des recettes commerciales produites par les dépenses des passagers des opérateurs aériens dans les  commerces implantés notamment dans les zones sous douane des aéroports.

Cependant, cet arrêt ne semble pas avoir été du goût de l’autorité gouvernementale en charge des transports qui vient de publier un arrêté correctif le 3 février abrogeant l’article 3 précité, mais  insérant une disposition précisant que « les profits dégagés par les activités extérieures à ce périmètre (les services aéronautiques) ne sont pas pris en compte pour la fixation des tarifs ».

Bref ce que dit le juge du droit administratif relevant un excès de pouvoir et précisant la compétence de l’Autorité de supervision indépendante, peut être modifié par un simple arrêté ministériel ce qui ne manque pas de nous laisser perplexes quant à la manière de procéder.

La régulation des redevances aéroportuaires a été un des sujets majeurs traités dans le cadre du thème de la performance économique de ces Assises et force est de  constater que le résultat  a été loin des espérances des compagnies aériennes qui ont participé a ces échanges et les récentes modifications apportées au Code de l’Aviation Civile n’ont fait qu’amplifier la  frustration ressentie lors de cette  occasion manquée de créer un cadre économique harmonieux pour les opérateurs aériens et les aéroports.

Nous ne pouvons que nous élever contre toutes dispositions  conduisant à opposer des aéroports à fort pouvoir de marché par leur situation monopolistique face aux compagnies aériennes soumises à un environnement concurrentiel exacerbé.

Eu égard ce qui précède, combien il semble pertinent de  mettre en perspective la baisse constante du prix des billets d’avions (-60% en 40 ans !)  face à la hausse permanente des redevances permettant aux aéroports, non soumis aux pressions concurrentielles de dégager de substantiels profits et devenir des affaires financières ô combien convoitables ! Une simple lecture comparative des marges d’exploitation respectives est suffisamment édifiante !

Les prestations de services aéroportuaires  doivent être adaptées aux besoins  du marché dans une relation économique adéquate et équilibrée avec les compagnies aériennes génératrices de la demande passagers et cargo.

À cet effet le rôle du régulateur est primordial pour s’assurer, en toute indépendance, du  juste niveau des redevances en contrepartie des services rendus par une bonne définition de la relation aux coûts des prestations fournies par l’opérateur aéroportuaire et prendre en compte les réelles nécessités d’investissement à moyen et long terme.

En tant que représentant des compagnies nous, BAR France, sommes  au cœur du système aéronautique, vecteur essentiel de l’activité économique et touristique de notre pays et notre rôle est d’obtenir de tous les acteurs les meilleures performances de qualité et de prix, notamment celles relatives aux coûts aéroportuaires, éléments structurant de la compétitivité des compagnies

Nous souhaitons réaffirmer notre opposition au système de caisse double dont au mépris des recommandations édictées  par l’OACI (Note 9082), la Commission européenne (Directive 2009/12 – considérant 2) et le Forum Thessalonique (Rapports 2016/2017/2018),  mais également en privant les compagnies aériennes de toutes les externalités positives générées par elles et leurs clients utilisateurs des installations aéroportuaires.

Jean-Pierre SAUVAGE – Président de l’association BAR France