Bleisure, un risque (probable) à maîtriser

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Le Bleisure est un terme récent. Il est utilisé dans l’industrie depuis une dizaine d’années. Le bleisure, c’est la contraction de business et de leisure. Il s’agit de l’extension, à des fins personnelles et de loisirs, de son déplacement professionnel. Classique, mais non sans risques pour l'entreprise.

Bien sûr le phénomène n’est pas nouveau. Déjà dans les années 80 (et même avant) les collaborateurs profitaient de leurs déplacements pour découvrir les villes qu’ils étaient obligés de visiter.

Le bleisure s’est imposé ces dernières années du fait d’une mutation générationnelle et sociale de l’entreprise sous l’impulsion notamment des générations Y et Z. La vraie différence avec ce que nous avons connu dans les années 80 trouve également sa source dans le développement du blurring, du BYOD et des réseaux de télécommunications qui permettent aujourd’hui au salarié de rester constamment en lien direct avec son entreprise. Connecté, la distance n’est plus un problème, le bleisure s’est alors développé, très rapidement.

L’étude présentée fin 2014 par BridgeStreet (enquête auprès de 640 voyageurs dans plus de 50 pays) montre que le bleisure n’est plus aujourd’hui une tendance mais bien une réalité. Quelques chiffres :
  • 83% des personnes interrogées profitent de leur voyage d’affaires pour visiter leur ville de destination ;
  • 79% des personnes interrogées pensent qu’ajouter un temps de loisir au voyage d’affaires les rend plus efficaces ;
  • Les principales activités sur le temps de loisirs sont la découverte du site (77%), la gastronomie (66%) et les sorties culturelles (66%) ;
  • 6 voyageurs sur 10 sont enclins à profiter du bleisure, 3 fois plus qu’il y a 5 ans.
Jusque-là tout va bien… Le bleisure rend même les collaborateurs plus efficaces…
Par contre les choses se compliquent à la lecture des réponses à la question : "Votre entreprise dispose-t-elle d’une politique/recommandations bleisure ?". Pour 14% des personnes interrogées, la réponse est OUI, pour 59% la réponse est NON et 27% ne se prononcent pas. Le constat est sans appel, 86% des entreprises ne disposent pas de politique/recommandations pour encadrer ces nouvelles pratiques alors qu’elles posent à celles-ci de nouveaux problèmes très concrets. Nous en avons retenu 3.

1/ Problème lié à la facturation : Les entreprises cherchent de plus en plus à mettre en place des solutions de paiement centralisées pour les dépenses hôtelières. Dans ce contexte, comment séparer la partie professionnelle de la partie loisir ? La réservation étant faite en une fois et les outils de NDF n’offrant pas ce genre de fonctionnalités… Nous le constatons, c’est souvent le système D qui prévaut.

2/ Problème lié au contrôle : Dans un environnement aérien bousculé par le modèle simplifié de yield management imposé par les compagnies à bas coûts, comment s’assurer que le prix du billet d’avion est moins cher pour l’entreprise en cas de prolongation du séjour à des fins récréatives ? A contrario, comment faire payer le surplus au collaborateur ? Nous le constatons, c’est souvent au cas par cas que les managers arbitrent.

3/ Problème lié à la responsabilité de l’entreprise : rappelons-le, la responsabilité de l’employeur est clairement engagée. La jurisprudence est claire et constante depuis 2001 : "le salarié, effectuant une mission, a droit à la protection prévue par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale pendant tout le temps de la mission qu'il accomplit pour son employeur, peu important que l'accident survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l'employeur ou la caisse de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel". La protection est donc due pendant toute la durée de la mission, l’employeur ayant tout de même la possibilité de s’exonérer de toute responsabilité s’il prouve que le salarié a interrompu sa mission… Et sur ce point, c’est souvent le flou le plus complet, la zone grise.

Pourtant la jurisprudence détaille la marche à suivre :
  • Le collaborateur doit formuler par écrit une demande claire précisant qu’il souhaite prolonger son déplacement à des fins personnelles ;
  • L’employeur répond par écrit, se désengageant de toute responsabilité ;
  • Le salarié doit enfin accuser réception de cette réponse par écrit.
Vous l’aurez compris, l’entreprise subit plus qu’elle ne cadre sur ce sujet. Il est donc maintenant grand temps de mettre sous contrôle cette réalité nouvelle dont les entreprises n’ont pas encore mesuré tous les impacts et les risques.

Christophe Drezet
EPSA - Associé Manager

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