Coup de Pat : Le rapport médiation SNCF 2018

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Le rapport 2018 d’Henriette Chaubon, la Médiatrice de SNCF Mobilités (et de quelques autres transporteurs ferroviaires partenaires) vient de paraître. Dans cette nouvelle édition, « l’usager, ce gobelin colérique et plaintif qui sommeille en chaque être humain ayant affaire à la SNCF » (*) ne trouvera guère de SNCF-bashing. Lecture entre les lignes par Pat, […]

Le rapport 2018 d’Henriette Chaubon, la Médiatrice de SNCF Mobilités (et de quelques autres transporteurs ferroviaires partenaires) vient de paraître. Dans cette nouvelle édition, « l’usager, ce gobelin colérique et plaintif qui sommeille en chaque être humain ayant affaire à la SNCF » (*) ne trouvera guère de SNCF-bashing. Lecture entre les lignes par Pat, notre chroniqueur ferroviaire, pour ce dorénavant traditionnel Coup de Pat sur le sujet dans nos pages.

Un appel de la Médiatrice à lui fournir davantage de moyens

Le rapport 2018 commence comme une supplique, telle que les organisations syndicales de cheminots en publient tous les jours : charge de travail en hausse, effectifs insuffisants, nécessité de moyens supplémentaires… Même là-aussi, un mal être similaire à ce que le corps social cheminot exprime ou laisse entendre ? Des ressources en plus pour la Médiation ? Les oreilles de Pepy vont siffler, lui qui sabre à tout va dans la branche Mobilités, celle où le service de Médiation émarge.

Un usager sur deux obtient toujours satisfaction par le biais de la Médiation

Bon an, mal an et en 2018 encore, un réclamant sur deux obtient totalement ou partiellement satisfaction en s’adressant au service de Médiation. C’est bien et ce n’est pas bien ! Le voyageur, client, usager se satisfera certes d’avoir vu sa cause reconnue mais que d’efforts il aura dû fournir ! Car la Médiatrice ne fait que dire oui, là ou le service relations clients du transporteur (ou le centre de recouvrement des procès verbaux s’il s’agit d’une infraction), obligatoirement saisi précédemment (et parfois plus d’une fois par le biais de contestations d’une première réponse) est resté droit dans ses bottes.

Quand ce taux (46 % pour les réclamations du domaine commercial et d’exécution du contrat de transport) atteint 75 % pour les procès-verbaux d’infraction, les interrogations sont de mise. On sait que Guillaume Pepy a décidé de longue date de bouter les fraudeurs hors des trains. Ce faisant, de là à penser que le discernement commence à manquer conduisant la Médiatrice à devoir siffler plus souvent. Déjà dans son rapport de 2005, le Médiateur (Bernard Cieutat, à l’époque) préconisait que « la SNCF engage une réflexion afin que les services de recouvrement des procès verbaux adoptent un esprit clientèle plus développé ».

Davantage de recours à la Médiation

Le rapport insiste sur l’augmentation continue : 12 158 saisines, 34 % de plus qu’en 2017 (dont 2 210 « hors compétence » quand même, témoignant sans doute d’une certaine difficulté du voyageur à trouver quelqu’un à qui causer). En cinq ans, le nombre de saisines aura donc plus que doublé (5 033 en 2013). On comprend que la Médiatrice souligne les difficultés pour mener à bien sa tâche.

Une augmentation mise sur le compte des grèves d’avril et mai et les gros incidents. Certes. Mais sous la signature de la Médiatrice on apprend aussi incidemment qu’en 2019, « on ne peut compter sur une diminution des saisines ». Des grèves, des gros incidents en perspectives ? Qu’au voyageur d’affaires ne plaise. Plutôt peut-être une rigidité des réponses de premier niveau aux réclamations qui ne peuvent effectivement que conduire à une augmentation des saisines de la Médiation si le transporteur ferroviaire ne prend pas les mesures pour infléchir la tendance. Car notre SNCF « comme on l’aime », n’a jamais brillé dans les classements sur la relation client. 108ème (sur 200 entreprises répertoriées) dans le classement HCG-France de l’Excellence client de 2019 quoique en gain de 16 places par rapport à l’année précédente. Par comparaison (autant que possible) Air France est bien plus haut (70ème dans ce classement, malgré une dégringolade de 50 places).

Quelques exemples de réclamations commerciales examinées par la Médiatrice

Le rapport annuel détaille (assez peu !) quelques dossiers traités, que ce soit à la satisfaction (enfin) du réclamant en retoquant ou en améliorant la position initiale du service relations clients, où en l’éconduisant finalement s’il y a lieu (ce qui n’est certainement pas une science exacte !).
Il y a à boire et à manger. C’est le cas de le dire, s’agissant souvent de problèmes de prise en charge lors d’une perturbation de trafic avec des voyageurs soit en rupture d’acheminement, soit dont le voyage ne peut pas se poursuivre comme ils l’avaient prévu, voire que leur déplacement n’ait plus aucune utilité du fait des aléas et contretemps subis.

Nos lecteurs s’attarderont sur les cas cités et s’imaginant dans pareille situation sauront à peu-près à quoi ils peuvent s’attendre comme prise en charge (ou pas) si les décisions de la Médiation font peu ou prou jurisprudence. Sinon, à quoi bon sauf à ne jamais tarir l’afflux de recours à ce niveau. Étonnement. Un voyageur devant emprunter plusieurs correspondances jusqu’à sa destination finale, évaluant que du fait du retard d’un premier train il ne pourra plus arriver à bon port en temps et en heure, renonce finalement à son déplacement. Et rebrousse ainsi chemin vers son point de départ. Prudence et qui n’a jamais entendu, en cas de perturbations, une invite aux voyageurs qui le peuvent à renoncer ou différer leur voyage ? Pourtant, ce voyageur se verra refuser le remboursement du titre de transport qu’il avait acquitté de bout en bout dans ce but de voyage. La Médiatrice y remettra bon ordre en recommandant un remboursement intégral. Ce n’est que justice mais c’est surtout aussi une disposition du Règlement Européen 1371/2007 :

« Lorsqu’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un train arrive avec plus de soixante minutes de retard à la destination finale prévue dans le contrat de transport, (il doit être proposé) :

- le remboursement intégral du billet, au tarif auquel il a été acheté, pour la ou les parties non effectuées de leur voyage et pour la ou les parties déjà effectuées si le voyage ne présente plus aucun intérêt par rapport au plan de voyage initial des voyageurs, ainsi que, s’il y a lieu, un voyage de retour jusqu’au point de départ initial dans les meilleurs délais ».


Esprit chagrin. Sur le même registre, il est relaté dans le rapport le cas d’une voyageuse qui a subi un retard de deux heures. Ce qui lui a donné droit à une compensation sur le prix de son billet (50 % dans le cadre de la Garantie voyage ™). Compensation ici accordée d’office sous forme d’un avoir en Bon Voyage. Le rapport dévoile qu’il a fallu l’intervention de la Médiatrice pour que cette compensation fasse l’objet d’un virement bancaire. C’est pourtant (à partir d’une heure de retard) l’une des options laissée au choix du voyageur et de lui-seul tant par le Règlement Européen précité (article 17, paragraphe 2) que par les conditions générales de la SNCF. On sait que les compagnies aériennes rechignent parfois à appliquer les dispositions similaires de leur périmètre. Visiblement le phénomène s’étend au ferroviaire, à moins que cela ne résulte que d’une mauvaise formation du personnel (une partie sous-traitée certainement) en charge de ces demandes. Dommage que la Médiatrice ne fasse pas les rappels qui s’imposeraient. Ce serait autant de saisines qui ne lui remonteraient pas ensuite.


Des recommandations, passées à la trappe ?


Dans sa rédaction habituelle, le rapport de la Médiation se termine par des recommandations. C’est d’ailleurs l’une des dispositions du protocole de Médiation. Mais, contre toute attente, aucune des recommandations inscrites dans le précédent rapport 2017 (page 29) ne fait cette année l’objet d’un quelconque suivi. On ne saura donc pas ce qu’elles sont devenues. Dommage. Qu’en sera-t-il des recommandations du rapport 2018 ?

L’une d’elle retient spécialement l’attention : des voyageurs se retrouvent (fréquemment précise la Médiatrice) en situation irrégulière car ils n’ont pas pu acheter un titre de transport à leur gare de départ. La Médiatrice se limite à recommander à la SNCF de communiquer davantage sur les conditions de distribution des billets régionaux, dans des gares de plus en plus souvent sans point de vente et sur le fait que « la mission première des agents de contrôle n’est pas la vente de titre de transport » (sic).

Nul doute que les organisations représentatives de consommateurs et d’usagers de la SNCF auxquelles le rapport de la Médiation fait nécessairement l’objet d’une présentation n’y gouteront pas trop et ne manqueront pas là l’occasion de s’affirmer de nouveau vent debout contre cette politique

Et que faute de fléchissement, la saisine de la Médiation n’est pas prête de se tarir !

PAT

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(*) Cité dans « 130 lettres caustiques et cocasses à la SNCF », Editions La Vie du Rail (2013).


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