EVP 2018 : des surprises et des doutes

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L'édition 2018 de l'EVP

Il n’est jamais simple de présenter les tendances du voyage d’affaires quelques mois après les habitués du genre que sont Epsa, Advito ou Phocuswrigt. Pourtant, dans le cadre de l’EVP qui s’est déroulé à Paris ce 7 décembre 2018, le Baromètre 2018 a permis de découvrir quelques nouvelles pratiques des acheteurs même si certains résultats ont semé le doute dans l'esprit des participants.

L’édition 2018 de l’EVP restera sans aucun doute un bon cru. Même si le public était globalement acquis à la TMC - il s’agissait de clients et de prospects - la qualité des informations a permis aux acheteurs de se positionner sur l’échiquier du voyage d’affaires en Europe. Après le départ de Guillaume Col, le manager français de l’agence, c’est Elyes Mrad, senior vice president et general manager EMEA de GBT International , qui a joué les maîtres de cérémonie.

Premier à entrer en scène, Philippe Chérèque le président d’Amex GBT, s’est plié à l’exercice d’autosatisfaction indispensable lorsque l’on parle à des clients qui vous font confiance. Disons-le tout de go, il a été convaincant même s’il s’est refusé à donner plus de chiffres sur l’année écoulée se limitant à évoquer "12 % de croissance dans le monde", dont 10 en Europe. Il a davantage insisté sur la capacité de la TMC à gérer une vision globale pour les grandes entreprises, citant en exemple ce qu’Amex GBT fait aujourd’hui pour GSK ou le groupe Disney. Mais travailler pour les plus grands ne veut pas dire oublier les PME-PMI. C’est un exercice difficile que de marier des entreprises de taille différente au sein d’une offre de service qui se veut identique pour tous.

Philippe Chérèque n’a pas manqué non plus de revenir sur les trois années qui se sont écoulées depuis la joint-venture qui a vu les Qatariens entrer au capital de l’entreprise avec un apport de 900 millions de dollars. Pour lui, la transformation la TMC, sa croissance et la modification exponentielle des services offerts aux clients explique les 98 % de rétention des comptes gérés par Amex GBT. Et de préciser : "Il y a trois ans nous constations qu’il y avait plus de départs que de gains. Aujourd’hui c’est l’inverse". Autre source de satisfaction pour le patron du groupe, les excellents résultats de la branche Meeting and Events qui pèse aujourd’hui près de 15 % des résultats de l’entreprise. Enfin, en évoquant le rachat de HRG, il a préféré parler de complémentarité plutôt que de simple croissance externe. Et de préciser : "HRG est très présente sur des marchés complémentaires qui nous intéressent comme l’Angleterre l’Allemagne ou le Canada".

En rappelant le partenariat avec IAG sur les frais GDS, Philippe Chérèque aborde rapidement les discussions avec Air France. "Je ne vous en dirais pas plus... Nous sommes en pleine discussion" précise t-il... Nous savons de sources internes que le contrat entre les deux partenaires est quasiment acquis. Reste à gérer et rédiger les termes de l'accord. Les juristes américains ne sont pas forcément tendres. Pas plus ceux du transporteur français.

Côté technique, pas de grandes annonces. La TMC poursuit son projet d'offrir à ses clients un mixte GDS/Agrégateur. Une réponse aux évolutions que l'on voit sur le marché et qui tendent à mettre en place des "hubs" qui donnent accès à des services externes. La TMC évoque l'arrivée de nouvelles plates-formes au sein de KDS (racheté en 2016 et que nous vous avions annoncé dès août de la même année) sans pour autant aborder des sujets concrets. Point fort souligné par les clients, Air Reshop Expert qui permet de réémettre un billet si le prix venait à baisser. "Un réel outil d'économies qui fonctionne vraiment bien", me signale un acheteur du CAC 40. Pour le reste... Il faudra attendre que ce soit en matière de gestion du big data ou de l'intégration de l'IA au quotidien.

Que faut-il retenir du baromètre ?

Présenté avec brio par Matthieu de Lubersac, Business development manager, l’édition 2018 du baromètre pourrait se résumer à un mot : optimisme. Un bon raccourci de la vision européenne des déplacements professionnels. La croissance du voyage d'affaires en 2017 - plus 3,15 % -, a dépassé les prévisions (plus 2,5 %) et semble s’installer pour 2018 avec des chiffres qui dans certains pays atteignent les 7 % (Espagne), 4% en Italie et 1,8 % en France.

Sans grande surprise, l’aérien, l’hôtellerie et le train sont en tête des dépenses européennes. Plusieurs caractérisent le pilotage de la politique voyages et l’accompagnement des voyageurs par les entreprises, dans la continuité des baromètres précédents.

  • La sécurité, critère essentiel pour la définition de la politique voyage qui reste pour la troisième année un élément fort dans l’entreprise. Comme le faisait remarquer un acheteur du CAC40, à l’issue de la présentation, "les PME/PMI n’ont pas pris conscience de l’importance du sujet là où les grands groupes sont désormais sensibilisés à la sureté et ont pris leurs dispositions". En 2017, les résultats restent stables avec 65% des entreprises interrogées ayant mis en place une politique de duty of care (contre 64% en 2016). Cette notion d’anticipation des risques s’accompagne d’une prise de conscience des voyageurs qui se montrent désormais plus proactifs dans l’adoption de solution de duty of care à 29% (+6 points), et plus ouverts à leur adoption à 49% (+14 points). Le baromètre constate néanmoins une disparité dans la mise en place de ce type de solutions selon la taille de l’entreprise : 84% des grandes entreprises ont mis en oeuvre et adopté des solutions de duty of care, contre 71% des sociétés de taille intermédiaire, et 52% des petites entreprises.
  • Autre sujet, l’amélioration de l’expérience voyageur et la place du mobile. Deux tendances fortes mais analysées très différemment par les acheteurs présents. Si la mobilité est devenue une évidence, à la fois demandée par les voyageurs mais également implantés dans les outils de l’entreprise, Amex GBT a tenu a souligné le poids de la participation du voyageur dans les évolutions de la politique voyages. Une approche que ne partagent pas les auditeurs interrogés. Pour eux, il s’agit plus d’une présence que d’une participation. L’entreprise reste maître de sa dépense et se refuse à modifier son regard sur le best buy.
Enfin, les deux autres points (Les coûts et les leviers d’optimisation et la prise en compte de la satisfaction des voyageurs) restent des classiques dans la vision des acheteurs. Comme le précise, à juste titre, le commentaire officiel : "La surveillance accrue des dépenses est due à deux facteurs : tout d’abord les sociétés disposent aujourd’hui d’un meilleur équipement en termes d’outils de réservation et de suivi des dépenses. Par ailleurs, les offres concurrentielles sur l’hôtellerie, les frais de route (VTC parking, covoiturage…) et dans la restauration (solution de réservation et paiement) se multiplient. Les entreprises sont d’ailleurs particulièrement attentives à ce type de dépenses : par rapport à l’an dernier, +7 points pour l’hôtel, +9 points sur les frais de taxi et de parking, +9 points pour les frais de restauration. Le MICE fait également l’objet d’une surveillance accrue, avec +14 points".

La notion de « satisfaction » dans l’univers des déplacements professionnels sème le doute. D’autant plus que le baromètre précise : "les sociétés déclarent accorder d’avantage d’importance à l’écoute de leurs collaborateurs : 57% des répondants affirment que leurs voix auront un impact sur la politique voyage (+11 points), notamment dans le choix de nouveaux outils de réservation (tablettes, mobiles…) à 72%, d’options préférées de réservation (en direct, via une agence de voyage…) à 67%, ou de solutions de duty of care à 62%". La vision des acheteurs français est bien différente au regard de la hiérarchisation de l’entreprise.

Il serait trop long d’entrer dans tous les détails de l’étude mais arrêtons nous un instant sur la place de la TMC. Amex GBT a analysé le regard des acheteurs européens sur l’agence de voyage d’affaires. 79% des entreprises déclarent travailler avec au moins une agence, un chiffre stable par rapport à l’année dernière, confirmant la valeur d’avoir une gestion des dépenses de voyage. La tendance à recourir à de multiples agences est en progression de +7 points. Elle se traduit également par une augmentation du phénomène de mix agences, profitant aux acteurs online et aux plateformes de réservation B2B.
Pour Amex GBT, "Le recours à une TMC permet également de limiter l’open booking. En effet, si les agences de voyage capturent au global plus de 51% des réservations, le modèle de la TMC, lorsqu’elle est l’agence principale, reste de loin le plus efficace pour limiter l’open booking, totalisant de manière directe ou indirecte 76% des réservations".

Les TMC se retrouvent désormais face à un enjeu d’adaptation de leur modèle de collaboration, en adéquation avec les évolutions de l’entreprise. Ainsi 25% des entreprises challengent les TMC sur leur business modèle, avec une augmentation de +6 points par rapport à l’an dernier.

On ne peut pas reprocher à Amex GBT de prêcher pour sa paroisse même si l’on doit reconnaître que la place de l’agence est un réel gage d’économies au sein d’une entreprise. Il reste aussi à définir l’évolution de la TMC et des nouveaux process que dessine la technologie. Comment vont évoluer les services online, bousculés par l’IA et les nouveaux langages de l’aérien ? Sans doute faudra t-il attendre encore un ou deux baromètres pour percevoir les contours de ces évolutions annoncées à grand renfort de nouveaux concepts.