Jour J pour la consultation d’Air France

83

La direction d’Air France doit publier ce vendredi 4 mai vers 19h le résultat de son « referendum » auprès des salariés. Que ce soit le « Oui » ou le « Non » qui gagne, l’avenir de la compagnie est sombre. Gris foncé ou gris clair, c’est toute la question.

Les 48 000 salariés d’Air France ont jusqu’à aujourd’hui 4 mai pour répondre à cette question : "Pour permettre une issue positive au conflit en cours, êtes-vous favorable à l’accord salarial proposé le 16 avril 2018 ?". Le PDG Jean-Marc Janaillac, à l’origine de cette initiative, a mis son poste en jeu, affirmant qu’en cas de victoire du non, il en tirerait les conséquences. En toute logique et compte-tenu des taux de participation à la grève, de plus en plus bas, le Oui devrait l’emporter. Mais ni le Oui, ni le Non ne sortiront la compagnie de l’ornière.

Dans le cas hypothétique du non, la démission du PDG devrait provoquer une réaction en chaîne qui jettera la compagnie dans des abîmes dont on ne voit pas l’issue. La nomination d’un nouveau PDG prendra des semaines, et si le DG Franck Terner pourra gérer les affaires courantes, la main mise renforcée des syndicats ne pourra qu’entrainer une hausse des coûts que la compagnie, dans le contexte de concurrence où elle se trouve, ne pourra pas supporter. Soyons clair, l’avenir n’est pas sombre, il est du noir le plus profond. D’autant que les voyageurs d’affaires ont appris à se déplacer sans la compagnie tricolore, ils vont et viennent parfois plus difficilement mais depuis 2 mois, ils continuent le boulot.

Dans le cas d’une victoire du Oui, la direction de la compagnie se voit renforcée, mais tout dépend à la fois du taux de participation et de l’ampleur de sa victoire. Dans tous les cas, elle pourra ramener des syndicats fragilisés autour de la table de négociations, mais ils restent les seuls interlocuteurs. Si certains, comme la CDFT – dont le secrétaire général Laurent Berger a appelé très curieusement à voter Oui – peuvent être tentés de signer ainsi le protocole d’accord proposé par la Direction (+2% d’augmentation d’ici la fin de l’année, d’autres à voir pour les 5 prochaines années), les autres restent radicalisés. Le SNPL, dirigé par un Philippe Evain souvent critiqué mais élu, ne veut en aucun cas baisser pavillon. Mais mène parallèlement des négociations au cours desquelles il tire les marrons du feu, ce qui commence d’ailleurs à irriter certains au sein de l’intersyndicale.

Et tout le problème que croise la Direction d’Air France réside en un mot : confiance. Non pas celle des clients ou de l’issue des négociations mais plutôt celle des syndicats qui, depuis des années, répètent qu’Air France s’en sortira toujours ! "Pas de crainte", répètent à l’envie certains patrons d’organisations syndicales, persuadés que l’Etat, d’une façon ou d’une autre, sifflera la fin de la récré. Mais il ne le fait pas et au sein du cabinet d’Edouard Philippe, on s’agace d’autant plus de la situation que la privatisation du groupe reste d’actualité. Mais pas dans une situation de conflit. Alors, impensable la fin d’Air France ? Jusqu’au jour où.… Pan Am ou TWA en ont fait la preuve, et Alitalia n’est pas loin du tapis.

Les syndicats en sortiront fragilisés, divisés, mais incontournables. Et la compagnie devra appliquer son protocole d’accord qui augmente dans tous les cas ses coûts. Et qui fait face, également, à une hausse du pétrole, le premier poste de dépense de fonctionnement après les salaires.
Victoire du Oui ou du Non, le seul constat sera celui d’une entreprise fragile dont les pertes se sont creusées au 1er trimestre 2018, qui aura perdu 25 millions d’euros par jour x 12, et n’avait pas besoin de cela à l’heure de relancer encore et toujours ses ambitions. La direction doit présenter en septembre un nouveau plan de développement. Pour Transavia qui progresse sans cesse mais pour laquelle l’accord des pilotes est indispensable, car un accord d’entreprise a été signé. S’ils ont mangé leur chapeau, on peut imaginer leur humeur. Ils sont également impliqués dans le développement de Joon, puisque ce sont des pilotes d’Air France qui sont dans le cockpit. Bon gré, mal gré, les échanges devront reprendre et à moins d’un putsch chez les pilotes, on ne parle plus d’un horizon noir mais d’un gris plus ou moins foncé, selon la qualité du dialogue.

Enfin, KLM s’énerve. A la Hollandaise, discrètement, mais fermement. Les Français sont de grands enfants vus d’Amsterdam : « les salariés d’Air France aiment à casser les jouets qu’ils ont construit », dit-on dans les couloirs. Bref, l’avenir dans tous les cas s’annoncent complexes et la chute vertigineuse des résultats financiers qui seront publiés ne donnera de grain à moudre ni à la direction ni aux syndicats. Et pendant ce temps, Norwegian, French Be ou la Compagnie profitent de la crise. Le malheur des uns, vous connaissez la suite.

Annie Fave