Le pouvoir aux voyageurs !

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Les entreprises peuvent-elles réduire leurs budgets voyages en donnant aux employés les moyens de prendre des décisions plus intelligentes et plus économiques ?

Il existe trois visions pour qualifier les voyageurs d’affaires. Une vue passéiste qui consiste à les considérer comme des enfants gâtés n’en faisant qu’à leur tête et s’évertuant à faire l’inverse de ce qui est préconisé par l’employeur. Une vue irrationnelle qui consiste à les ignorer. Et pour finir, une vision constructive et proactive qui consiste à les responsabiliser et à leur donner le pouvoir de choisir.

Soyons francs, en France, c’est plutôt la vue passéiste qui domine et cela, certainement à cause de nos racines latines. En revanche, nos voisins Européens Nordiques et Anglo-Saxons sont très actifs dans ce domaine et considèrent que si la communauté des voyageurs d’affaires est habilitée et motivée à prendre différentes décisions, elle le fera sans hésiter. En clair, limitez les voyageurs dans leurs pouvoir de décision et naturellement ils chercheront à contourner les règles. En revanche, donnez-leur de la latitude et de bonnes raisons de rester dans un cadre défini et là, ils deviendront beaucoup plus coopératifs.

Sur le marché, les choses changent et l’on voit apparaitre de nouveaux acteurs permettant d’approcher cette vue constructive des déplacements. Sur notre continent, SAP/Concur intègre maintenant Tripkicks, une solution permettant de récompenser les voyageurs d’affaires en les autorisant à prendre des décisions économiques. Fairjungle propose une plateforme agrégeant les données de voyage permettant ainsi une budgétisation dynamique, des rapports en temps réel et surtout, l’émission vers les voyageurs de recommandations intelligentes. Ekotrip va encore plus loin dans l’utilisation de l’open booking en agrégeant les plateformes de réservation diverses et variées et en récompensant les employés qui font, au travers de leur solution, des choix responsables pour l’entreprise et pour l’environnement. Enfin, le Canadien Amikash nouvellement installé en France, se rapproche des opérateurs du voyage en proposant une solution innovante de cashback. Tout cela pour améliorer l'expérience des voyageurs et rendre les déplacements d'affaires plus gratifiants.

Une étude publiée récemment dans The Harvard Business Review montre que les organisations axées sur l’amélioration de l’expérience des employés génèrent jusqu'à quatre fois plus d’économies que les sociétés comparables qui ont une approche classique du pilotage des dépenses de voyages. Il y a de quoi considérer ces nouvelles offres.

Il est vrai que depuis une décennie, des systèmes automatisés de gestion des dépenses, les négociations avec les fournisseurs fondées sur des données et des politiques de voyage plus restrictives ont permis de réduire les coûts. Malgré cela, les économies sont marginales. Il est donc nécessaire de regarder ailleurs et de tenter ce qui ne l’avait pas encore été.

Aux Etats-Unis, une étude conjointe d’ACTE et d'American Express Global Business Travel montre que 84% des responsables de voyages estiment que les futures économies proviendront de la gestion du comportement des voyageurs. Mais si les voyageurs sont habilités et récompensés pour prendre des décisions plus intelligentes et plus économiques, que se passera-t-il réellement ? Eh bien, l’étude suggère que lorsque les entreprises dégageront des économies grâce à une méthode qui profite directement au voyageur, elles constateront une augmentation directe de l’engagement et de la satisfaction des employés. Cette stratégie favoriserait également la confiance entre l'employé et l'employeur et serait même un argument de recrutement. Bref, que du positif !

Sur le plan pratique, cela revient à confier au voyageur la possibilité de gagner des « avantages » en fonction de ses choix (rester dans un hôtel de catégorie inférieure, utiliser une classe premium plutôt que la classe affaires, utiliser un appartement ou Airbnb au lieu d'un hôtel traditionnel, utiliser un transporteur volant sur des appareils de nouvelle génération émettant beaucoup moins de gaz à effet de serre…). Quant au mot « Avantage », ignorez vos craintes car les entreprises mentionnées dans cette tribune ont toutes fait appel à des juristes français pour s’assurer de la légalité et donc, de la faisabilité des rétrocessions d’efforts.

Les nouveaux acteurs affirment que le voyageur français est suffisamment mature pour utiliser leurs solutions. Je partage pleinement leur approche car le pouvoir de choisir est gratifiant pour tous les consommateurs. Quant aux employeurs, cela représente pour eux non seulement une réduction substantielle des coûts, mais aussi un formidable outil de motivation et d’attraction des nouveaux talents. Pour moi, il est clair que les générations Y et Z exigeront à court terme ces solutions. La génération X sera plus ou moins flexible et les générations supérieures auront certainement des craintes. Tout n’est donc que question de temps et de pyramide des âges de chaque sociétés.
Yann Le Goff
Nilrem Consulting
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