Énergie électrique, hybride ou hydrogène, carburants alternatifs, nouvelles technologies telle la sustentation magnétique… la crise sanitaire accélère la reconversion des moyens de transport collectifs vers des modes de propulsion plus propres. Les constructeurs tels Airbus et Alstom n’ont toutefois pas attendu la pandémie pour répondre au défi climatique et concevoir l’avion et le train de demain.
Virgin Hyperloop a marqué les esprits ce mois de novembre. Un premier test avec deux passagers à bord d’une capsule a été réalisé avec succès aux États-Unis. Ce train à lévitation magnétique – propulsé par des aimants – serait capable théoriquement d’atteindre les 1200 km/h. Seule certitude : si cette technologie concurrence un jour l’avion ou le TGV sur les longues distances, ce ne sera pas avant au moins trente ans, voire au-delà…
Or, l’urgence climatique impose des actions immédiates. Et l’aérien, sur la question, est sur le grill. Il y a deux ans naissait le mouvement Flygskam, marginal dans sa démarche visant à inciter à ne plus prendre de l’avion, mais qui interroge sur la pertinence de l’utiliser aussi souvent qu’avant la pandémie.
Les acteurs du transport aérien sont souvent pointés du doigt. Ainsi, ils ne voient pas toujours d’un bon œil les initiatives visant à privilégier le train plutôt que l’avion quand la durée du trajet rend ce choix pertinent. Mais ils savent que le temps leur est compté, que la reconversion des flottes vers le zéro émission prendra encore des années.
Les constructeurs n’ont bien sûr pas attendu Greta pour concevoir des avions plus propres. Un appareil tel l’A350 est plus léger et consomme un quart de carburant en moins que son prédécesseur. En parallèle se développe la filière des carburants alternatifs. Mais la règlementation interdit aujourd’hui aux avions de voler avec plus de 50% de bio-carburants, ceci afin de ne pas avoir recours à des matières premières dont la production nuit à l’environnement et/ou sert à l’alimentation (maïs, betterave, soja et autre huile de palme). Ce qui suppose en revanche de trouver des alternatives tels les huiles de friture, les algues et autres composts.
Les constructeurs savent, néanmoins, qu’ils doivent aller plus loin et plus vite dans la conception de l’avion décarboné. Le Cassio (photo) témoigne du bond technologique en cours. Cet avion hybride électrique, conçu par l’entreprise française Voltaero, a ainsi effectué son premier vol en octobre dernier, une collaboration avec de nombreux champions hexagonaux de l’aéronautique dont Safran. Les premières livraisons sont prévues en 2022. L’avion transportera quatre à dix personnes selon la version, et pourra effectuer des trajets jusqu’à 1200 kilomètres. Rares sont les autres projets aussi ambitieux à l’étranger, à l’exception peut-être du Celera 500L de l’américain Otto Aviation, reconnaissable à sa forme de dirigeable. Mais l’on voit en revanche davantage de constructeurs convertir certains de leurs modèles à l’électrique.
Les contraintes sont autrement plus importantes pour les avions de grosse taille, dont la décarbonisation n’est pas attendue avant au moins dix ans. Airbus avait déjà annoncé l’an dernier travailler sur un premier « avion régional » d’une centaine de sièges maximum, à propulsion électrique ou hybride. Le constructeur européen s’est depuis lancé officiellement, en septembre, dans la course à l’avion à hydrogène, avec trois projets d’appareils différents, un avion régional turbopropulseur (à hélices) pouvant embarquer jusqu’à 100 passagers, un appareil de type A220 ou A320 de configuration classique (120 à 200 passagers) et enfin une aile volante… Laquelle pourrait bien renvoyer aux calendes grecques son projet MAVERIC présenté en début d’année, déjà une aile volante, pouvant transporter 200 passagers, dont l’architecture aurait contribué à réduire de 20% la consommation de carburant, par rapport aux avions monocouloirs actuels de type A320.
Au regard des projets d’avion à hydrogène, Guillaume Faury, le président exécutif d’Airbus, parle aujourd’hui de « la transition la plus importante que notre industrie ait jamais connue« , et veut faire du constructeur européen le « chef de file dans la décarbonisation de l’industrie aéronautique« . La technologie doit surtout permettre d’atteindre les objectifs ambitieux fixés par le secteur : une réduction de 50% des émissions de CO2 d’ici à 2050, par rapport à 2005. On attend aussi Boeing et le chinois Comac sur ce terrain…
Le ferroviaire subit beaucoup moins la pression que l’aérien. Il n’émettrait en effet que 0,4% des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports…. Mais il entend néanmoins faire mieux encore dans un avenir très proche. Ainsi doit être lancé, avant les Jeux Olympiques de 2024, le TGV M de la SNCF, un train plus léger et moins consommateur d’électricité. Les progrès seront surtout réalisés au niveau du transport régional. Alstom a déjà franchi une étape depuis deux ans avec son Coradia iLint, train régional à zéro émission basé sur la technologie de l’hydrogène, entré en service en Allemagne. Il a, depuis, reçu de nombreuses commandes. La SNCF prévoit notamment la mise en circulation de son premier TER à hydrogène d’ici 2022… avec l’objectif de sortir totalement du diesel à l’horizon 2035.
Concurrent de l’avion sur des trajets de plus de cinq heures, le ferroviaire va en outre jouer une autre carte, celle du train de nuit. Le gouvernement veut les relancer et a dégagé une enveloppe de 100 millions d’euros pour renouveler le matériel. De nouvelles lignes sont déjà appelées à rouvrir fin 2021 ou début 2022, dont Paris-Nice et Paris-Tarbes-Hendaye, en complément des dessertes Paris-Briançon et Paris-Rodez toujours en circulation. Des trajets de nuit à l’échelle européenne devraient ensuite renaître de leurs cendres. Le train tel un phénix a de beaux jours devant lui…
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