Ryanair « voyous ! » et autres choses entendues au Congrès Selectour

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Ryanair

C'est certainement la joie de se retrouver en famille, après un si long sevrage - pandémie oblige - qui a donné aux professionnels du tourisme une telle verve et de tels élans d'affection mutuelle lors du récent congrès Selectour... Florilège.

"Ca recommence, le b..del !" Le terme tronqué peut être remplacé, on l'a compris, en bon français, par "désordre". C'est à un patron du voyage, présent dans le public de la plénière inaugurale du Congrès Selectour, que l'on doit la formule qui vaut moins par son élégance que par sa clarté. L'Omicron - non pas le variant en lui-même, jusqu'à plus ample informé, mais le sujet - s'est invité de façon inopinée dans les débats de l'événement qui s'est tenu à Hammamet du 2 au 4 décembre dernier.

D'ailleurs, quelques minutes plus tard, l'animateur de l'ensemble de ces deux jours de débats et conférences, donne le ton : "Ravi de vous voir en bonne santé... Au moins pour deux jours..." Rires de l'auditoire, un peu jaunes pour certains, mais pas tant que ça. Résignation ou devoir d'optimisme (qui sera d'ailleurs rappelé par l'un des intervenants un peu plus tard), on ne saurait dire, mais il semblerait que chacun en ait pris son parti : faire contre mauvaise fortune bon cœur.

"Positive attitude"

Cette "positive attitude", est d'autant plus méritoire que Jérôme, patron d'une agence de voyages (dont 20% de corpo) au Chesnay (Yvelines), nous le confiait plus tard : "Entre la semaine dernière (ante-Omicron, ndr) et cette semaine (post-Omicron, ndr), ce sont moins 50% de résa". Quand un agent de voyages d'une agence varoise déplorait, dans le même temps, que ce variant allait réenclencher "les n'importe quoi du Maroc : des ouvertures et des fermetures de frontières qui ne considèrent que la politique, pas du tout le sanitaire".

Une période décidément difficile pour les agences de voyages, durant laquelle la rareté des voyages se conjuguait à une autre réalité, paradoxale en termes de gestion du personnel, et clairement chiffrée, sur scène, par Jean-Noël Lefeuvre, DG de Selectour : "Normalement, sur un voyage, nos agents doivent gérer trois appels en moyenne. Durant la crise, c'étaient quatorze appels par voyage."

Haro sur l'aérien

On n'en est qu'à l'ouverture de l'événement que ça dégaine déjà. Laurent Abitbol, président de Marietton (Selectour et Havas Voyages), connu, il est vrai, pour son franc-parler, sort sa centrifugeuse et l'oriente vers le ciel : les compagnies aériennes. Celles-ci, on l'a déjà dit, "doivent augmenter leurs tarifs et revenir à la commission" aux agences.

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Mais c'était là la deuxième salve du patron-hôte. La première, visant les mêmes, n'était pas moins virulente, mais beaucoup plus ciblée. Le problème des remboursements des vols annulés dans cette période pandémique... "Comment (l') accepter ? C'est du vol !" Tout le monde, sur ce dossier, n'est cependant pas à mettre dans le même sac. Air France, par exemple, aurait joué le jeu (en même temps que d'être sponsor de ce congrès). Mais à côté de cette probité made in french legacy, il y aurait "des voyous, je pense notamment à Ryanair, qui sont allés jusqu'à envoyer des mails à nos clients pour leur dire "En passant par le site des agences plutôt que le nôtre, vous vous êtes fait arnaquer !" ".

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La sanction s'abattra sur ces mauvais payeurs, selon le même Laurent Abitbol : ils se verront infligés une forme de blacklistage consistant en une apparition, "demain, en dixième page d'Amadeus".

Les bobos, ça fait mal

"Le consommateur qui voyage en business est en contradiction avec son vote écolo-bobo". C'est encore Laurent Abitbol qui lance cette diatribe. Jean François Rial doit se sentir visé puisqu'à l'occasion de ce congrès, il s'est rendu à Tunis en claase Affaires Air France (contrairement à l'immense majorité des participants qui ont emprunté, de Paris ou de province, les lignes Tunisair en éco). C'est d'autant plus désagréable que le président de l'Office du Tourisme de Paris et du groupe Voyageurs du Monde est monté sur scène pour parler de RSE, plus particulièrement d'écologie.

Mais il ne se démonte pas. Il commence par préciser que si la business class n'existait pas, le siège en classe éco serait deux fois plus cher. Puis, en bon supporter de la compensation carbone, il reprend l'argument du président de Selectour et le retourne. C'est vrai, une classe business prend deux ou trois places éco, donc son empreinte est autant de fois plus élevée, commence-t-il. "Mais le prix de son billet est cinq fois supérieur ! Eh bien, plantons cinq arbres !".

Croiser le fer(roviaire)

Les intervenants se sont succédés, parfois prestigieux, souvent très intéressants. Nous rendrons compte, tout au long de cette semaine, de leurs propos. Mais, en plus de l'Omicron, il y eut un autre passager clandestin dans cette série de conférences. Non pas Eric Zemmour (encore lui ?!?!) qui fut qualifié comme tel, dans l'élection présidentielle, par François Hollande, intervenu en fin d'événement, mais Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF.

En effet, interrogé par la commission de l’Assemblée nationale, lors d’une audition le mercredi précédent, le cheminot-en-chef avait déclaré : “Ce n’est pas le train qui est trop cher, c’est l’avion qui ne l’est pas assez”, sous-entendu : qui n'est pas assez taxé, en tant que pollueur. Le boss d'Air Caraïbes et de French Bee, Marc Rochet, qui n'est pas du genre à se taire quand ça ne lui plaît, eh bien, ne s'est pas tu car ça ne lui a pas plu : "Quand j'entends Farandou qui dit (ça)... De la part (du patron) d'une entreprise qui coûte 4 à 5 milliards d'euros par an au contribuable, merci bien".

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Merci bien et bye-bye le ferroviaire, aleykoum salam la Tunisie, rebonjour l'aérien, on rentre à Paris, dans un A330-200 de Tunisair. Et c'est un PNC de ladite compagnie qui, alors que l'appareil s'apprête à décoller, nous régalera d'une dernière formule à l'issue d'un séjour qui en fut riche : "Nous rappelons l'obligation de porter durant le vol la bavette de protection respiratoire"