Tribune JL Baroux – Quelle mobilité aérienne dans dix ans ?

221
Tribune JL Baroux - Quelle mobilité aérienne dans dix ans ?

Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes. Créateur du World Air Transport Forum et de l’APG, il s'interroge sur l'avenir du transport aérien, entre appareils à décollage vertical et très gros porteurs.

La pression écologique fait l’obligation au transport aérien de se transformer faute de quoi il ne sera plus accepté par les populations. Enfin, c’est ce qui est communément rabâché depuis quelque temps. A entendre les médias qui relaient avec complaisance certaines exagérations écologistes, il est urgent de préparer la décroissance forcée de la mobilité aérienne. Je dis "forcée" car si on écoute tout simplement les clients, on entend un tout autre son de cloche.

Je suis d’autant plus surpris de cette pensée unique écologique que dans le même temps, les pays se sont tous entichés d’un nouveau mode de transport : le VTOL (avions à décollage vertical) ou eVTOL, le même mais à propulsion électrique. Les allemands ont pour le moment le vent en poupe avec le Volocopter qui a commencé ses démonstrations sur l’aéroport de Pontoise. L’affaire a paru suffisamment sérieuse aux investisseurs pour qu’ils injectent 170 millions de dollars dans ce qui reste un projet.

Hélico

C’est le rêve de tout un chacun. Pouvoir se déplacer dans les airs avec une grande facilité au-dessus des embouteillages urbains. Certaines villes comme Dubaï ou Singapour sont très demandeuses de ce type de transport. Je note d’ailleurs que de nombreux transports aériens urbains existent en particulier dans certaines villes très encombrées d’Amérique Latine, au premier rang desquelles Sao Paulo. Certes, cela se fait avec des hélicoptères traditionnels, mais la composante bruit est mieux acceptée dans ces pays que dans nos villes européennes. Je rappelle néanmoins que la société Hélifrance avait en son temps, au cours des années 1980, réalisé une série de dessertes régulières entre divers points de la région parisienne, y compris l’héliport de Paris ou la Défense, avec Orly et Roissy.

Alors on peut s’attendre dans les prochaines années à être survolés par des engins mus par l’énergie électrique et qui transporteront des passagers avec pilotes dans un premier temps et probablement sans pilotes, ensuite, d’un point à l’autre des grandes métropoles. Voilà enfin la solution pour remplacer le Roissy Express qui met si longtemps à voir le jour ! Mais il faudra bien trouver des points de posée pratiques dans Paris. Or, la capitale française dispose d’un héliport bien situé et qui ne demande qu’à se développer. Sauf que les élus parisiens veulent à toute force le voir disparaître. Où est la cohérence ?

Le développement de ce mode de transport paraît inéluctable. Les drones transportent déjà les paquets urgents dans des lieux difficilement accessibles. Ils sont pour le moment très limités en capacité d’emport, mais leur performance s’améliore régulièrement. De là à transporter des humains, il n’y a qu’un pas. Il y aura besoin pour cela de la complicité des opérateurs actuels d’hélicoptères pour modéliser les trajectoires et adapter les procédures qui sont de plus en plus contraignantes.

Gros porteurs

A l’autre bout du spectre, il y a les très gros porteurs, au premier rang desquels l’A380 dont tout le monde s’acharne à vouloir la disparition. Voilà qui est étrange au moment où il faut penser transporter beaucoup plus de passagers, la demande est là, avec moins de mouvements d’avions. Les modèles de transformation de l’A380 commencent à exister d’abord en en faisant le plus gros transporteur de fret. Mais, à la différence des très gros appareils spécialisés tels que les Antonov An-124 capables d’enlever 120 tonnes qui ont été conçus pour embarquer et débarquer facilement leur cargaison, l’A380 est davantage destiné au transport de passagers.

Actuellement, l’équipement standard du seul gros opérateur Emirates est de 514 sièges avec une version un peu plus dense approchant des 600 sièges. Mais il est finalement très possible de créer une version de 800 sièges comme cela avait été demandé par Gérard Ethève alors PDG d’Air Austral pour rendre la liaison entre la Réunion et la métropole encore moins onéreuse. Voilà peut-être de quoi donner une nouvelle jeunesse à ce formidable appareil si apprécié par les passagers et si dénigré par les compagnies qui n’arrivent pas à le rentabiliser à la notable exception d’Emirates.

La mobilité aérienne future est un enjeu majeur non seulement pour le transport aérien mais pour l’économie et - dirais-je même - l’équilibre de la planète. Les petits modules verront le jour et il faut leur souhaiter plein succès. J’espère quand même que l’on ne va pas oublier les grandes masses de passagers qu’il faudra bien faire voyager sur de longues distances, probablement pas en Europe, mais le monde ne se limite pas à notre continent. Les autres auront énormément besoin d’un transport aérien de masse performant.